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L’hypnose pour préparer son accouchement

  • La peur et le stress créent des tensions qui peuvent induire la douleur.La peur et le stress créent des tensions qui peuvent induire la douleur.
Article paru dans le journal nº 97

La Haute autorité de santé (HAS) cherche à rendre l’accouchement moins médicalisé pour les femmes à bas risque obstétrical. De quoi remettre au goût du jour l’hypnobirthing, l’utilisation de l’hypnose pour préparer les femmes à l’accouchement, et les soutenir le jour J. À la clef, beaucoup moins de soins médicaux et des mères reprenant le contrôle de leur accouchement.

" Stop à l’industrialisation de l’accouchement ! " C’est par ces mots que Sandrine Bartoli, hypnothérapeute férue d’hypnobirthing, interpelle son auditoire. Elle en appelle à ce que cesse la standardisation des femmes, qui après avoir vécu avec plus ou moins de bonheur leur grossesse, reviennent rapidement – et souvent brutalement – à la réalité en salle d’accouchement. La réalité ? La médicalisation qui, pour être indispensable dans des cas bien spécifiques, est appliquée systématiquement alors qu’elle ne concerne pas la majorité des 800 000 accouchements par an en France. Ces femmes n’ont pas besoin d’épisiotomie, pas besoin de césarienne, pas même besoin de péridurale si elles sont préparées. Brutalement ? C’est un euphémisme.

Salle d’accouchement pour accouchement sale

Pour prendre la pleine mesure de ce que vivent certaines femmes qui accouchent, il suffit de lire leurs très nombreux témoignages, soit en vidéo, soit sur des sites comme celui de l’association Stop VOG (pour violences obstétricales et gynécologiques). À propos des épisiotomies, on peut lire des horreurs, tel le récit de cette femme qui subit une épisiotomie qui tourne mal. Six mois plus tard, elle doit opter pour une périnéoplastie. À la troisième consultation postopératoire, le chirurgien, qui tient plus du beauf que du gynéco, lui aurait déclaré : " Je t’ai recousue bien serré, ton mari devrait apprécier. " Ou cette internaute de Lyon qui dit avoir dû cesser tout rapport sexuel avec son mari pendant presque dix-huit mois après son premier accouchement à cause d’une douleur telle qu’elle en donnait la nausée. Elle aussi dit avoir été recousue avec ce que certaines appellent le " point du mari " ; ou encore cette Girondine qui, à 20 ans tout juste, s’est vue si mal recousue, que durant de nombreux mois, il lui était impossible de s’asseoir ou d’aller aux toilettes sans pleurer de douleur.

À ces témoignages, s’ajoutent ceux qui concernent des pressions psychologiques de la part du corps médical pour accepter le déclenchement d’un accouchement ou une césarienne, mais aussi des propos déplacés, humiliants et vexatoires, des gestes très mal perçus… Une femme, admise à une maternité pourtant réputée pour sa " douceur ", parle de son accouchement – avec épisiotomie mal recousue et utilisation violente des spatules – comme d’une " expérience traumatisante ", une autre regrette de pas avoir eu " d’explications pour prendre sa propre décision sur son propre corps ", et enfin celle-là qui conclut son témoignage en déplorant être " passée à côté de [son] accouchement ".

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Le point de la honte ?

Le « point du mari ». Il s’agit de points de suture supplémentaires pratiqués après une épisiotomie par le ou la gynécologue -obstétricien(ne) afin d’accroître le plaisir de l’homme lors des rapports sexuels. C’est en 2014 qu’explose cette bombe, et sages-femmes et gynécologues montent au créneau pour dénoncer une calomnie. Pourtant, dans son édition du 18 avril 2014, Le Monde rapportait des propos pour le moins ambigus du président du Syndicat des obstétriciens de France (Syngof). Selon lui, le « point du mari », c’est avant tout « dans la tête des femmes ». S’il reconnaît que des femmes ont été « victimes, incontestablement », il explique que « la chirurgie est du domaine de l’art », et ajoute : « On peut penser que certains médecins ont eu l’idée qu’en modifiant un peu leur façon de suturer, ils amélioreraient un peu la sexualité, et ça, ça ne nous choque pas ». Et pourtant… Si des sages-femmes réfutent l’intention, certaines admettent qu’il peut être difficile d’évaluer le nombre de points de suture nécessaires. Néanmoins, le « point du mari » est revenu sur le devant de la scène en novembre dernier avec La Grande Lizon, une illustratrice qui a dénoncé en dessin cette pratique qu’elle a elle-même subie.

Vivre son accouchement

C’est peut-être ça le véritable ressort qui a poussé Sandrine Bartoli à proposer un programme d’hypnobirthing, un accompagnement hypnothérapeutique dédié aux futures mères et véritable préparation à l’accouchement. Elle leur propose de reprendre le contrôle de la mise au monde de leur bébé, de " ne pas passer à côté de [leur] accouchement ", de le vivre intensément et de ne plus le subir. En résumé, qu’elles deviennent actrices de leur accouchement. " C’est toute une démarche voire une détoxification mentale qu’il faut opérer ", dit-elle. Et pour cause. On a encore tendance à dire d’une femme qu’elle est " tombée " enceinte, comme on tomberait malade, comme une chute. Et quelqu’un de malade a besoin de soins, une chute nécessite de l’aide. Celle de l’entourage, des amis, de la famille, du corps médical, avec les risques de conseils toujours plus contradictoires, de jugements, d’ordres tacites. Mais est-ce qu’une grossesse s’apparente à une maladie ? En tout cas, " c’est déjà à ce moment précis qu’intervient l’hypnose, qui agit sur l’état d’esprit, un état d’esprit qui va permettre au corps d’être en pleine capacité ", affirme Sandrine Bartoli. Pour éclairer un peu plus cette alliance de l’esprit et du corps, l’hypnothérapeute évoque le " mur du marathon " réquisitionnant le mental quand le physique s’écroule : " À partir du trentième kilomètre, en général, tout coureur prend un énorme coup de massue. C’est le mental qui permet de tenir malgré la terrible sensation d’impuissance. Pour revenir aux femmes, il y a des moments durant les contractions, où elles peuvent perdre leur calme, leur maîtrise et céder à la panique. L’hypnobirthing permet de mobiliser les forces physiques et de l’esprit pour conserver le contrôle et ce minimum de mise en distance pour ne pas être submergée. "

La " pleine capacité " du corps s’acquiert également par la maîtrise des mécanismes et de la physiologie de l’accouchement. Pas simplement pour être informée mais, selon Sandrine Bartoli, " parce que plus on aura de connaissances sur ces domaines via l’hypnose, moins on aura peur, plus l’esprit pourra agir au bénéfice de l’organisme en libérant des hormones comme l’ocytocine ". Et la thérapeute de rappeler que " libérer l’ocytocine permet de raccourcir le temps du travail de l’accouchement en stimulant les contractions utérines et l’émission de lait ".

En outre, l’hypnose est un remarquable relaxant et un vrai soutien à la concentration qui permet " d’inhiber la sécrétion d’hormone de stress tel le cortisol, de contrôler sa peur, son stress, et le jour J, sa douleur ".

L’hypnobirthing serait donc un moyen pour les femmes de se forger patiemment et en profondeur un mental d’acier et de développer la confiance en soi, en son corps, en sa capacité d’accoucher sans s’en remettre au corps médical, mais en comptant sur son aide, en s’appuyant sur lui en cas de besoin. C’est la femme qui accouche, et il faut qu’elle soit armée pour le faire. " C’est de l’entraînement. C’est une longue préparation à la naissance, qui permet d’être prête le jour J. " Un entraînement au long cours, qu’il est d’usage de commencer à partir du quatrième mois (voire plus tôt) jusqu’à terme.

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Une invention anglaise

On attribue souvent à l’Américaine Marie Mongan la maternité de l’hypnonaissance, mais l’idée d’utiliser l’hypnose pour accompagner la grossesse et surtout l’accouchement remonte aux années 1920 avec l’obstétricien britannique Grantly Dick-Read.

Le principe de base, c’est que la peur et le stress créent des tensions qui peuvent induire la douleur. Une douleur anticipée avant l’accouchement et amplifiée durant celui-ci. L’hypnonaissance est une méthode qui déconstruit toutes les représentations effrayantes chez la femme enceinte et propose l’apaisement par des techniques de relaxation au long cours.

Le partenaire lui aussi préparé

Le programme présente l’avantage d’inclure les pères ou ce que Sandrine Bartoli nomme le " partenaire de naissance, qui a un poste capital. C’est le coach, le rempart, le soutien. Je leur ai dédié un module pour qu’ils puissent être à leur tour confiants, forts, sereins le jour J pour aider la femme qui accouche. Oui, c’est elle qui met le bébé au monde, mais si elle n’est pas soutenue et accompagnée par quelqu’un qu’elle aime, qui sera le premier humain aimant et témoin de cette nouvelle vie présente sur Terre, l’accouchement peut être amputé d’une part symbolique forte ".

Moins de médicalisation

L’hypnobirthing s’enorgueillit de participer à une baisse spectaculaire des soins médicaux : " Il faut rappeler que la médicalisation est nécessaire et essentielle pour les femmes qui en ont besoin, ajoute Sandrine Bartoli. Mais si les études n’ont pas compris pourquoi l’hypnose ou l’autohypnose seraient plus efficaces que la péridurale pour réduire les douleurs, elles confirment néanmoins que son utilisation durant l’accouchement conduit à une diminution des gestes et actes médicaux. " En effet, des études1, 2 avèrent que l’hypnobirthing est synonyme de diminution du travail, du nombre de césariennes, d’utilisation d’analgésiques, ainsi que d’une augmentation du confort du travail et de l’accouchement et d’une satisfaction émotionnelle plus grande.

L’hypnobirthing présente également un intérêt pour le corps médical qui, face à des femmes bien préparées à leur accouchement, peut se concentrer sur celles qui ont réellement besoin des soignants : " Quand une femme comprend la façon dont les contractions vont agir sur l’utérus pour faire descendre le bébé, et qu’elle peut rester apaisée et bien vivre chacune des contractions, elle rassure l’équipe médicale et se prémunit de la médicalisation. " Et les chiffres sont là. Utilisée dans les maisons de naissance que la HAS recommandait de développer et dont la pérennisation et le déploiement ont été ratifiés par décret fin novembre 2021, l’hypnobirthing rejoint une gamme d’accompagnements à l’accouchement qui aboutit à des taux d’épisiotomies de moins de 2 %, et où seules 6 % des femmes optaient pour la position allongée. De quoi nécessiter un dossier complet. Patience…

Référence :

  1. S. Eappen, D. Robbins, dans International Anesthesiology Clinics, 2002.
  2. J. Phillips-Moore, dans British Journal of Midwifery, 2012.

 

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