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Biofeedback, l’antiaspirine ?
Reconnaître et comprendre ses sensations et réactions physiologiques, et apprendre à les réguler, voici ce que propose le biofeedback, ou rétrocontrôle. Cette méthode donne aux patients les clefs pour réduire leur dépendance aux médicaments, elle fait preuve d’efficacité pour lutter contre les migraines, mais pas seulement…
D’après la Fédération française de neurologie1, sur la base des études épidémiologiques réalisées, il a été estimé que près de 20 % de la population adulte est touchée par la migraine, avec environ 16 % de femmes pour 6 % d’hommes. La tranche d’âge la plus concernée est celle des 20-50 ans. Afin de stopper l’amalgame entre céphalée et migraine, retenons que les céphalées de tension sont diffuses et n’ont pas de localisation précise. Les migraines quant à elles débutent par une douleur lancinante ou pulsatile sur un seul côté du crâne et leur puissance s’amplifie avec la pratique d’une activité physique. Les crises peuvent durer de quelques heures à plusieurs jours et s’accompagnent selon les cas de mal aux yeux, aux tempes, de douleur à l’arrière du crâne, de nausées, vomissements, d’intolérance aux bruits, aux odeurs ou à la lumière, voire de troubles de la vue. La douleur et les symptômes sont très invalidants, impactant de manière notable la qualité de vie. Céphalées de tension et migraines se déclenchent communément par un cumul de facteurs. Variations hormonales, facteurs posturaux, problèmes ORL, dentaires ou de la vue, troubles digestifs et/ou hépatiques, arthrose cervicale, changements de rythme des activités personnelles et professionnelles, du sommeil ou des repas, certaines conduites alimentaires, stress, anxiété, émotions, faim, fatigue, certaines odeurs, bruit, certains aliments et composés chimiques, dépendance médicamenteuse, écrans, etc. peuvent être à l’origine de certaines crises. Le Dr Michel Lantéri-Minet, neurologue et chef du département de la douleur au CHU de Nice, précise que « la migraine est une céphalée primaire neurovasculaire dont la base est génétique. Environ 40 % des patients ont des anté- cédents familiaux de migraine ».
Vers quel professionnel se tourner ?
Aucune formation au biofeedback n’étant reconnue par l’État en France, il est difficile d’orienter de manière sûre. Le plus sage est de s’adresser aux spécialistes (médecins, neurologues, neuro- psychologues, rhumatologues, sages-femmes…) qui vous indiqueront les thérapeutes formés selon les normes de la Biofeedback Certification International Alliance (BCIA), encore peu nombreux en France*.
Encore des médicaments…
Anti-inflammatoires, bêtabloquants ou autres hypertenseurs, antidépresseurs, antiépileptiques et antisérotoninergiques (comprenez qui s’oppose à la sérotonine) sont parfois associés pour réduire la fréquence, l’intensité et la durée des crises. Depuis quelques mois, trois médicaments injectables très efficaces, appelés anticorps monoclonaux anti-CGRP2, en référence à la substance libérée pendant la crise de migraine, sont recommandés par la Haute Autorité de santé (HAS) aux personnes qui souffrent de migraine au moins huit jours par mois et pour qui les autres traitements sont inefficaces ou mal tolérés. Ils ne sont pour l’instant pas remboursés par l’Assurance maladie et coûtent plusieurs centaines d’euros par mois. Si ces traitements soulagent en effet, leur utilisation trop fréquente conduit à la dépendance, et ils ont de nombreux effets secondaires !
Une méthode prometteuse
Nous avions déjà évoqué l’utilité de faire appel à certaines interventions non médicamenteuses pour éviter le trop-plein d’antalgiques et trouver des solutions plus douces. Nous allons nous arrêter aujourd’hui sur le biofeedback, à la fois méthode, outil et processus qui a été étudié à de nombreuses reprises et qui, s’il est encore peu répandu en France, a vu le jour aux États-Unis dans les années 1970. L’étude de référence3 s’appuie sur deux méta-analyses ne regroupant pas moins de quatre-vingt-quatorze essais cliniques. Le biofeedback donne de bons résultats pour les maux de tête ordinaires et pour les migraines, la fréquence des crises étant significativement diminuée. Une étude qui s’est concentrée sur les patients migraineux a montré que cette méthode atténue la durée, l’intensité et la fréquence des crises4. Elle réduit aussi le stress, l’anxiété et l’irritabilité en lien avec la migraine.
Des électrodes au rétrocontrôle en passant par la pédagogie
Le biofeedback part du principe que les émotions et les pensées ont un impact sur les fonctions de notre organisme et qu’elles sont tout à fait aptes à nous aider à contrôler nos fonctions physiologiques. On comprend déjà mieux le terme de biofeedback ! En bon français, on parle plutôt de rétrocontrôle ou rétroaction biologique. Une session de biofeedback dure environ une heure. Un entretien, des tests et examens préalables sont nécessaires afin que le thérapeute puisse estimer comment les symptômes vont pouvoir être minimisés grâce aux différentes techniques de biofeedback. Des électrodes sont appliquées sur la peau sur différentes parties du corps, elles envoient des signaux à un moniteur qui mesure différents paramètres physiologiques (fréquence et rythme cardiaques, fréquence respiratoire et variation du volume de la cage thoracique, volume sanguin, température cutanée, conductivité de l’épiderme, tension musculaire, ondes cérébrales…). Ces paramètres se traduisent sur un écran en signaux visuels et auditifs. Le patient reçoit les signaux en temps réel et le thérapeute l’aide à les comprendre afin de pouvoir les maîtriser. Le patient peut ainsi prendre conscience de l’impact de ses pensées, ses sensations et comportements sur sa physiologie. Lors d’un état de stress par exemple, le rythme cardiaque et la pression artérielle augmentent, les muscles sont plus contractés, la respiration accélère et la transpiration apparaît. Grâce à l’apprentissage de techniques de rétrocontrôle agissant sur les sphères physiques et mentales – techniques de respiration, de relaxation, de méditation de pleine conscience –, le patient apprend au fil des séances à atténuer les processus physiologiques qui apparaissent en simultané sur les écrans. Après dix à vingt séances guidées par un professionnel, le patient est capable d’agir sur son organisme : il saura ralentir son rythme cardiaque, abaisser sa tension artérielle, soulager ses tensions musculaires, ses douleurs, etc., sans l’aide du rétrocontrôle des moniteurs.
Apprendre à changer sa propre température corporelle
Selon les symptômes et les particularités des patients traités, la migraine emprunte des chemins différents. Sont parfois conseillés des changements de style de vie (gestion du stress, alimentation équilibrée, sommeil de qualité, activité physique…), certains médicaments et traitements naturels, des thérapies corps-esprit telle que la thérapie cognitivo-comportementale, les massages, la respiration abdominale, la relaxation musculaire progressive ou encore le biofeedback. Le stress est reconnu pour être un déclencheur important des crises de migraines. En aidant le patient à reconnaître et prendre conscience de ses réactions corporelles au stress, à gérer ce stress et à détendre les zones de tension du corps, la fréquence des migraines s’amenuise.
Le biofeedback d’entraînement à la température et la rétroaction biologique par électromyographie [technique qui enregistre les courants électriques provoqués par l’activité musculaire, NDLR] sont les biofeedback les plus fréquemment utilisés pour la migraine5. Le patient reçoit une formation sur la rétroaction de la température. Il utilise un moniteur de température à domicile pendant quatre semaines. Un lecteur de température est fixé à l’index de la main dominante. La température de la peau indique des changements dans le diamètre des petits vaisseaux sanguins qui l’irriguent. L’objectif du patient sera d’élever la température de la peau des mains et d’augmenter ainsi le flux sanguin vers cette zone et loin de la tête. Le patient pratique deux fois par jour en utilisant des phrases spécifiques conçues pour détendre le corps et encourager les mains à s’échauffer. Pour le biofeedback par électromyogramme (EMG), des électrodes sont placées sur le front ou le cou pour mesurer la tension musculaire à ces endroits. À mesure que la tension augmente, le moniteur EMG augmente son bruit ; si la tension diminue, le bruit s’affaiblit. Le thérapeute guide le patient dans des exercices mentaux ou des techniques de relaxation telle la relaxation musculaire progressive afin d’observer une baisse de la tension artérielle et une détente du corps. Les patients reçoivent cette formation deux fois par semaine durant quatre semaines. Ils sont ensuite encouragés à continuer à pratiquer sans le moniteur les exercices de relaxation, quotidiennement et à chaque fois qu’ils ont mal à la tête.
Le feedback du volume sanguin peut aussi être utilisé pour l’entraînement à la vasoconstriction. Sur l’écran, un anneau symbolise l’irrigation sanguine de l’artère temporale. L’exercice consiste à faire en sorte que l’anneau soit le plus étroit possible. En stabilisant le tonus artériel, le patient réduit le nombre de crises de migraine et/ou leur gravité. Selon les personnes, biofeedback et relaxation suffisent à un soulagement de 45 à 60 % de la fréquence et de l’intensité des maux de tête tandis que pour d’autres, c’est la combinaison des médicaments et du biofeedback qui les soulage le plus (70 %)6. Une précision pour conclure : si le biofeedback ne présente pas de risques pour la plupart des gens, il est contre-indiqué pour ceux utilisant des dispositifs médicaux bioélectriques implantés tels que le pacemaker, ou les personnes épileptiques.
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Des applications bien au-delà des migraines et des céphalées
La littérature scientifique montre que le biofeedback est efficace pour traiter également l’incontinence urinaire chez la femme, les symptômes en lien avec la constipation chez l’enfant, la constipation chronique chez l’adulte, l’incontinence fécale et pour réduire les symptômes du TDAH (trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité). Insomnies, symptômes de la fibromyalgie, dysfonction urinaire chez l’enfant, crises d’asthme, dysfonction érectile, douleurs, arythmie cardiaque ne sont que quelques exemples qui répondent également très favorablement aux séances de biofeedback.
Références :
- La migraine, Fédération française de neurologie.
- EMGALITY : nouvel anticorps monoclonal en prophylaxie de la migraine, Vidal, mars 2021
- Y. Nestoriuc, A. Martin, W. Rief et al., dans Appl. Psychophysiol Biofeedback, 2008.
- M. Odawara, M. Hashizume, K. Yoshiuchi et al, dans Int. J. Behav. Med., 2015.
- https://headaches.org
- American Migraine Foundation, 2016.
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