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Sauvage, libéré, bricolé ? L’origine du Covid-19 fait débat

  • Le Covid-19 est-il né dans un marché chinois ? Le Covid-19 est-il né dans un marché chinois ?
Article 100% numérique

Dans un climat de tension exacerbée entre la Chine et les États-Unis, l’origine du coronavirus est l’objet d’une suspicion américaine alimentée par le culte du secret chinois. À y perdre son mandarin…

Comme ce fut déjà le cas à l’occasion d’épidémies précédentes, SRAS 2002/2003, grippe aviaire H5N1, Ebola ou même le VIH lui-même, des rumeurs ont insinué peu après le début de l’épidémie de Covid-19 à Wuhan que le virus responsable aurait été fabriqué en laboratoire. Il s'est rapidement avéré qu’il existait bien un laboratoire de virologie de très haute sécurité type P4 à quelques encablures du marché aux animaux vivants officiellement désigné par la Chine comme point de départ, constat qui a peut-être encouragé ces rumeurs.

Des travaux menés par des scientifiques indiens de l’Indian Institute of Technology de New Delhi et pré-publiés début mars, remettaient un peu d’huile sur le feu en établissant des similitudes de séquences dans le matériel génétique du coronavirus avec le VIH. Mais les auteurs s’étaient rétractés et avaient retiré leur publication devant l’hostilité de la communauté scientifique qui estimait, quasi unanimement, que ces suites d’acides nucléiques homologues entre SRAS-CoV-2 et VIH étaient trop petites et n’avaient statistiquement aucune valeur. (1)

Dans la foulée, une autre étude publiée mi-mars par Nature Medicine enfonçait le clou en affirmant que « ses analyses montrent clairement que le SRAS-CoV-2 n’est pas une construction de laboratoire ou un virus volontairement manipulé ». De quoi couper l’herbe sous le pied des conspirationnistes de tous poils et clore le sujet. Mais depuis quelques jours, un faisceau d’éléments contradictoires fait de l’ombre à la belle assurance quant à l’origine "100% naturelle" du coronavirus.

Il y a d’abord les nombreuses incertitudes sur ce que les autorités Chinoises ont bien voulu communiquer : date et lieux réels du début de l’épidémie, rétractation publique contrainte du médecin lanceur d’alerte et dissimulation, statistiques officielles s’avérant de plus en plus improbables avec le recul de l’expansion de l’épidémie en Europe comme en Amérique du Nord, et tout récemment, réévaluation du bilan des décès à quelque 1 500 supplémentaires, comme pour donner le change aux interrogations occidentales.

D’autre part, le Washington Post affirme ces jours-ci que de janvier à mars 2018, des membres de l’ambassade américaine ont visité à plusieurs reprises les locaux du laboratoire de virologie de Wuhan et ont alerté Washington par deux fois sur l’insuffisance des mesures de sécurité et des personnels amenés, déjà, à travailler sur des coronavirus de chauve-souris. À rapprocher du refus opposé par Technip, une entreprise française de management de projets et d’ingénierie, de certifier le bâtiment à l’issue du chantier.  (2)

Les câbles échangés entre l’ambassade américaine et Washington faisaient état de travaux sur une espèce de chauves-souris très proche de celle qui avaient initié l’épidémie de SRAS en 2003. Ils constataient aussi que les équipes de Wuhan avaient démontré que d’autres coronavirus de type SRAS pouvaient interagir avec l'ACE2 , ce récepteur cellulaire identifié comme étant la principale porte d’entrée chez l’humain, et soulignaient la dangerosité de telles expériences pour la santé publique.

Le gouvernement américain avait, de son côté, imposé dès octobre 2014 un moratoire sur toute recherche qui rendrait un virus plus mortel ou plus contagieux, serait-ce dans le but de prévenir une pandémie à venir... Cependant, comme le reconnaissent pour l’instant les autorités américaines, il n’existe aucune preuve que le coronavirus actuellement à l’œuvre soit issu d’une manipulation quelconque.

Mais rien ne permet non plus d’écarter l’hypothèse d’un accident, soit au Wuhan Institute of Virology (le labo P4), soit au laboratoire du Wuhan Center for Disease Control and Prévention, d’un niveau de sécurité inférieur mais également aux prises avec des coronavirus. D’autant que le gouvernement chinois ne se prête pas à la transparence sur le sujet ; sa thèse quant à l’émergence du coronavirus depuis le marché aux animaux de Wuhan ne convainc pas tout le monde, surtout depuis la publication dans la revue The Lancet d’une étude chinoise montrant que le premier malade identifié le 1er décembre 2019 n’avait eu aucun lien avec ce marché, qui d’ailleurs, ne vendait pas de chauves-souris.

Le manque de transparence et de coopération de la Chine avec les autres pays sur les sujets de santé publique est récurrent. Il s’est manifesté dès les premiers stades du projet de laboratoire P4 à Wuhan, dont l’idée s’était concrétisée lors d’une rencontre entre Jacques Chirac et son homologue Jiand Zemin en 2004. Les travaux avaient démarré en 2008 avec le concours d’une quinzaine d’entreprises françaises très spécialisées. Mais à partir de la mise en exploitation du site, les Chinois s’étaient accaparé le laboratoire , où aucun chercheur français ne mettra jamais les pieds.

Aujourd’hui, le gouvernement chinois a pour ainsi dire verrouillé l’information émanant de son territoire, particulièrement l’information scientifique. Ce mercredi même, de sévères restrictions ont été instaurées relativement à l’approbation requise pour toute publication scientifique chinoise traitant de l’origine du coronavirus. Cependant, de nombreux experts, chercheurs et scientifiques internationaux estiment que la Chine recèle aujourd’hui des scientifiques de haut vol et que l’hypothèse d’une fuite du virus paraît peu probable.

Dans ce contexte, la sortie du Professeur Montagnier, déclarant que le SRAS-CoV-2 intègre des séquences originaires du VIH sème un peu plus le trouble. Aussitôt vilipendé par l’ensemble de la communauté scientifique pour sa posture « complotiste », le prix Nobel de médecine 2008 explique « en être arrivé à la conclusion que ce virus n’est pas naturel, mais résulte d’un travail de professionnel de la biologie moléculaire, sans doute pour faire un vaccin contre le sida » (3). Ses pairs lui opposent les mêmes arguments que ceux qui avaient valu le retrait de l’étude indienne.

Au final, saura-t-on jamais la vérité sur l’origine réelle du virus ? Si la thèse d’une transmission naturelle via un animal hôte sur le marché aux animaux exotiques de Wuhan a perdu en crédibilité, celle d’une fuite accidentelle, actuellement promue par les États-Unis, n’est pas étayée pour autant . Et ce n’est probablement pas le contexte de bras de fer diplomatique entre les deux pays qui permettra d’investiguer sereinement.

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Sources

(1) « HIV-1 did not contribute to the 2019-nCoV genome », 14 fevrier 2020, Emerging Microbes and Infections

(2) "State Department cables warned of safety issues at Wuhan lab studying bat coronaviruses", 14 avril 2020, Washington Post

(3) "Pour le Pr Montagnier, SARS-CoV-2 serait un virus manipulé par les Chinois avec de l'ADN de VIH !", 16 avril 2020, Pourquoi Docteur

 

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