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Quelques questions en suspens autour du vaccin Covid
Volet 4 : des bénéfices et des risques

À l’heure où 73 % des Français s’inquiètent des effets secondaires des vaccins anti-Covid et où 45 % n’envisagent pas de se faire vacciner, beaucoup d’entre nous se questionnent : Quels sont les risques encourus si je ne me vaccine pas ? Dans mon cas particulier, la balance bénéfices-risques est-elle équilibrée ? Nous vous apportons ici quelques clefs pour vous faire votre idée.

La rédaction

Quel risque de mortalité sans vaccin ?

Outre les séquelles des formes longues de Covid (fatigue, trouble du goût et de l’odorat, essoufflement, troubles cognitifs, etc.) beaucoup d’entre nous se demandent quel est leur risque de décéder du Covid s’ils l’attrapent. La réponse n’est pas si simple mais quelques chiffres nous en donnent une idée. En octobre dernier, une compilation de 61 études publiée par l’OMS révélait que le taux de létalité moyen du Covid pourrait varier de 0 à 1,54 % (NDLR : le taux de létalité représente la proportion de décès spécifiquement causés par une maladie par rapport au nombre d’infections ou de cas confirmés). En clair, cela signifie que toutes catégories d’âge, de sexe et de pays confondus, une personne qui contracte le Covid-19 aurait de 0 à 1,5 % de probabilité d’en mourir. Une autre étude de qualité publiée en novembre dans Science indiquait un taux moyen de létalité de 0,79 % en France.

Pour de nombreuses raisons techniques et scientifiques, le taux de létalité d’un virus est très difficile à estimer et celui du Covid ne fait pas exception. Ainsi, même si ces chiffres sont pour l’heure à prendre avec des pincettes, ils ont le mérite de nous détailler des taux de létalité par tranches d’âge qui permettent, eux, de se forger une opinion personnelle sur les risques individuels. Pour exemple, une étude menée par l’Institut Pasteur, le CNRS et l’université de Cambridge, publiée en novembre dernier dans Science, estime que le taux de létalité sous Covid serait de 0,5 % avec de grandes variations selon l’âge et l’état de santé : 0,001 % si vous êtes âgé de moins de 20 ans et jusqu’à 8,3 % si vous avez 80 ans ou plus.

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Une « grippette », vraiment ?

Si ces taux de létalité peuvent sembler statistiquement très faibles, sont-ils pour autant comparables à ceux d’une « grosse grippe » comme l’avancent certains ? Comme pour le Covid, le taux de létalité de la grippe est difficile à estimer mais il y a consensus scientifique pour dire qu’il se situerait entre 0,04 à 0,1 %. Sachant qu’il y aurait entre 290 à 650 000 décès annuels dans le monde causés par la grippe saisonnière, et qu’au 1er février 2021 (soit environ un an après le début de la pandémie) nous comptabilisons 2 238 513 décès dus au coronavirus dans le monde, on pourrait estimer que la létalité du Covid serait 3,5 à 7,7 fois supérieure à celle de la grippe saisonnière. Une récente étude française menée au CHU de Dijon évoque d’ailleurs un taux de mortalité parmi les patients hospitalisés avec Covid-19 trois fois plus élevé que celui de la grippe saisonnière.

Un rapide calcul permet de mieux comprendre l’éventuelle ampleur de la crise si la maladie venait à contaminer rapidement 100 % de la population française : si le Covid a un taux de létalité de 0,5 à 1,5 %, cela signifie que 335 000 à plus d’1 million de Français pourraient en mourir. À titre de comparaison, 610 000 personnes décèdent en moyenne en France chaque année. Par conséquent, si ces taux peuvent sembler minimes, ils le sont moins dès lors qu’on les applique à la population entière d’un pays sur une courte période de temps. Pour autant, le virus ne semble pas avoir la virulence suffisante pour toucher l’ensemble de la population sur une courte période. Ainsi, concrètement, sur l’année écoulée (2020) 658 000 personnes sont décédées en France, soit 7,3 % de plus qu’en 2019.

Le versant positif de ce « calcul » est qu’un taux de létalité de 0,5 à 1,5 % signifie également que plus de 98,5 % des patients survivent à l’infection. Ainsi, si le Covid ne peut pas réellement être comparé à une « grippette », il inquiète surtout pour les personnes âgées ou celles ayant une santé dégradée.

De ce point de vue, sachant que le vaccin ne sert pour l’heure qu’à éviter les formes graves de la maladie mais n’empêche pas a priori de l’attraper et de la retransmettre, proposer de vacciner l’ensemble de la population qui n’est pas à risque interroge. D’autant plus que de nouvelles informations sur le taux d’immunité collective viennent bouleverser de nombreuses certitudes…

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80 % d’individus déjà naturellement immunisés ?

En septembre dernier, Peter Doshi, rédacteur en chef adjoint du célèbre British Medical Journal révélait dans un article que nous avons sûrement tort de croire que seuls 5 à 10 % des populations sont immunisées contre le Covid, car il se pourrait que bien plus de personnes qu’on ne le pense aient une « immunité préexistante contre le SRAS-CoV-2 ».

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En effet, nous établissons aujourd’hui que seuls 5 à 10 % de la population aurait été infectée puis immunisée car les tests réalisés ne recherchent qu’un seul marqueur : les anticorps. Pourtant, d’autres marqueurs importants pourraient indiquer une immunité naturellement préexistante : les lymphocytes T.

Une étude allemande publiée le 30 septembre 2020 dans la revue Nature établissait que 81 % des individus n’ayant pas été exposé au virus disposent de ces fameux lymphocytes T permettant de ne pas développer une forme grave de la maladie (NDLR : pour information, la production de lymphocytes T est fortement corrélée au taux de vitamine D). Cette théorie se base sur de nombreuses observations et de nombreux travaux qui trouvent les mêmes résultats aux quatre coins du globe.

Cette importante découverte pourrait signifier que jusqu’à 81 % de la population est naturellement immunisée contre la maladie. Ainsi le choix de prendre les anticorps comme seuls indice du taux d’immunité collective pourrait nous donner une vision erronée de la potentielle gravité de l’épidémie et de notre besoin en vaccins.

Un intérêt à se vacciner à évaluer selon chaque situation

Pour Michel de Lorgeril que nous avons interviewé à la mi-janvier, bien que « chaque cas soit un cas particulier » et que « nous manquons de données pour certains profils » il est tout de même possible de dresser un portrait global de cette balance à travers quelques exemples. Pour l’épidémiologiste chercheur au CNRS : « Une personne de 80 ans obèse, diabétique et qui attrape chaque hiver tous les rhumes qui passent a, a priori, plus de risque de faire une forme grave du Covid que de subir des effets indésirables du vaccin. On ne peut pas lui garantir l’efficacité du vaccin mais les bénéfices immédiats possibles face au risque peuvent contrebalancer des risques différés. En revanche, une personne de quarante ans en pleine forme qui n’a jamais aucun rhume n’a aucun intérêt à prendre un risque quelconque puisque son bénéfice immédiat est quasi nul ». Concernant les personnes atteintes de maladies du système immunitaire, ce serait selon lui « de la folie de stimuler un système immunitaire déjà hyperactif ». Enfin, pour ceux ayant déjà eu le Covid, il n’y aurait « aucune raison d’aller se faire vacciner » car « vous risquez des effets indésirables du vaccin alors que vous êtes en principe naturellement protégé. ».

Comme le rappelle cet autre médecin gynécologue sur son blog qui émet des doutes quant à la tolérance au vaccin Pfizer : pour éviter un cas de Covid, il faudrait vacciner 140 personnes et « compte tenu de la fréquence » des effets secondaires « on peut déduire qu’on observera 3 à 6 cas de réactions sévères au vaccin pour un cas de Covid-19 évité. » Un nombre « non négligeable » d’autant plus qu’il est « le prix à payer pour éviter un cas de Covid-19 qui, dans la tranche d’âge 18-55 ans, a toutes les chances d’être une forme bénigne. »

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Femmes enceintes, allergiques, immunodéprimées : ce que l’on sait :

En janvier 2021, la Haute autorité de santé détaillait les profils de Français qui ont le plus été concernés par les formes graves de Covid. Parmi les personnes décédées de la maladie, 73 % étaient âgées de 75 ans et plus, 17 % avaient entre 65 et 74 ans, 9 % avaient entre 45 et 64 ans et seulement 1 % avaient moins de 45 ans.

Bien que des groupes de personnes à risques soient désormais bien connus, beaucoup d’entre nous se demandent si la balance bénéfices-risques est équilibrée dans leur cas particulier. Femmes enceintes, personnes atteintes de maladies du système immunitaire ou profils allergiques… Voici quelques éléments d’informations pour éclairer votre choix.

J’ai déjà eu le Covid :

Dans ses recommandations provisoires sur les vaccins, l’OMS précise que l’éventuelle « protection supplémentaire » conférée par le vaccin aux personnes déjà infectées « n’a pas encore été établie ». En France, la HAS recommande depuis le 12 février de vacciner les personnes déjà contaminées 3 à 6 mois après la contamination et avec une seule dose faisant office de « rappel ». Pour autant, les études sur l’immunité naturelle à long terme sont rassurantes. Une étude publiée dans Science estime ainsi que la mémoire immunitaire perdure au moins 8 mois, certains travaux indiquent même qu’elle pourrait durer « des années ». Les scientifiques expliquent qu’avec les infections à coronavirus même si « l'immunité anti-infectieuse diminue rapidement, l'immunité réductrice de la maladie dure longtemps ». Enfin les réinfections restent très rares et l’immense majorité des personnes ayant déjà contracté le Covid-19 ne l’attrapent pas une seconde fois (NDLR du 05/05/21 : l'apparition récente de nouveaux variants plus agressifs - comme le variant sud-africain ou brésilien - qui génèrent plus de recontaminations peut toutefois désormais légèrement augmenter les cas de réinfections jusqu'à 5 %).

Je suis enceinte ou allaitante :

D’après l’OMS, les femmes enceintes sont légèrement plus à risque de Covid-19 sévère et le Covid est « associé à un risque accru de naissance prématurée » (de 10 à 25 % chez l’ensemble des femmes enceintes et jusqu’à 60 % chez les femmes enceintes ayant déjà une maladie grave). Pour autant, de manière générale, la vaccination chez les femmes enceintes n’est pas particulièrement recommandée, notamment parce que les essais cliniques comportent peu voire pas de femmes enceintes, ce qui crée un manque de données. Les risques de formes graves de Covid chez la femme enceinte semblent particulièrement liés au fait que la mère ait déjà une maladie grave. La HAS recommande donc aux femmes enceintes ou allaitantes d’établir au cas par cas leur balance bénéfice-risque avec leur médecin en fonction de leurs comorbidités (obésité, diabète, etc.).

J’ai une maladie du système immunitaire :

Dans ses recommandations provisoires pour chaque vaccin autorisé, l’OMS précise certains points concernant les profils de patients atteints de maladies du système immunitaire.

Les personnes immunodéprimées (sous immunosuppresseurs, en chimiothérapie, biothérapie ou sous corticothérapie à haute dose) sont plus à risque. Les personnes atteintes par le VIH pourraient être plus à risque et, durant les essais cliniques, aucun effet secondaire particulier n’aurait été signalé. Concernant ces deux catégories de patients, l’OMS précise : « Les données disponibles sur l’administration du vaccin sont actuellement insuffisantes pour permettre l’évaluation de l’efficacité ou de l’innocuité » des vaccins Pfizer, Moderna et Astra Zeneca et qu’« il est possible que la réponse immunitaire au vaccin soit réduite, ce qui pourrait modifier son efficacité. »

Enfin, concernant les personnes atteintes de maladies auto-immunes, l’OMS précise qu’elles sont plus à risques de formes graves mais qu’« aucune donnée n’est actuellement disponible sur l’innocuité et l’efficacité » des vaccins Pfizer, Moderna et Astra Zeneca.

J’ai un profil allergique :

Il est rappelé que les personnes allergiques à l’un des constituants des trois vaccins actuellement disponibles en France (polyéthylène glycol, cholestérol, potassium chloride, potassium dihydrogène phosphate, sodium chloride 10, disodium phosphate dihydrate, sucrose) doivent s’abstenir de vaccination en cas d’historique de réaction allergique grave. Les profils allergiques peuvent toutefois se faire vacciner si elles le souhaitent, en accord avec leur médecin mais uniquement si un traitement approprié pour traiter un éventuel choc anaphylactique est disponible à proximité et si le vacciné peut rester en observation durant les 30 minutes qui suivent l’injection.

Par ailleurs, en janvier dernier, deux allergologues américaines ont estimé dans le New England Journal of Medicine que les risques de choc anaphylactique avec le vaccin Pfizer sont dix fois plus élevés que pour les autres types de vaccins.

Concernant les profils asthmatiques, une étude publiée en janvier 2021 semble indiquer que les patients asthmatiques n’ont pas plus de risque de développer une forme grave de Covid que le reste de la population.

Enfants ou adolescents de moins de 18 ans :

Pour l’heure, les vaccins ne sont pas recommandés aux enfants et adolescents mineurs car ils sont très peu à risque mais également car nous n’avons pas encore de données cliniques sur leurs tranches d’âge (les essais sur les vaccins ne comportent pas pour l’heure de patients de moins de 18 ans). NDLR du 05/05/21 : suite aux essais cliniques menés par Pfizer, la vaccination des 12-15 ans avec le vaccin Pfizer Comirnaty devrait être autorisée très prochainement aux États-Unis et est en cours d'étude par les régulateurs européens.

 

Concernant les jeunes générations, le positionnement du Conseil Scientifique a récemment évolué. Dans un point de vue publié dans le Lancet, plusieurs membres du Conseil Scientifique dont son président Jean-François Delfraissy, expliquent que les nouveaux variants risquant de rendre les vaccins moins efficaces, « la fin tant attendue de cette crise sanitaire mondiale pourrait bien être continuellement repoussée ». Ainsi, pour éviter de sacrifier la jeune génération un nouveau « contrat social » serait mis en place dans lequelles jeunes générations acceptent « la contrainte» des mesures de prévention (comme les masques et la distance physique) et les plus âgés de s'auto-isoler au besoin, le tout pour éviter une « génération sacrifiée ».

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