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Intégration de fragments du Covid-19 dans le génome : cela change-t-il quelque chose ?

Après plusieurs publications polémiques sur le sujet, la possibilité d’une intégration virale de fragments du coronavirus dans notre ADN semble désormais acceptée par une part de la communauté scientifique, à la suite d'une recherche publiée récemment dans le réputé journal PNAS.

Jean-Pierre Giess

L’intégration virale est un processus qui n’a rien de nouveau. On sait aujourd’hui que de nombreuses insertions de matériel génétique viral dans l’ADN d’espèces hôtes ‒ dont l’espèce humaine ‒ se sont produites depuis l’origine de la vie , et que celles-ci ont été, au moins partiellement, transmises par voie héréditaire. D’après les dernières données, près de 8 % du génome humain dériverait ainsi de virus, en particulier de rétrovirus.

L’intégration virale du coronavirus, une incertitude enfin levée ?

Pour en revenir au coronavirus, le postulat dominant jusqu’ici voulait que l’intégration de parties de son ARN dans l’ADN de son hôte ne s’applique pas au SARS-CoV-2. Mais voilà que fin 2020, une étude du célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology) infirmait cette hypothèse, suggérant que des fragments de matériel génétique du coronavirus peuvent s’intégrer dans l’ADN humain et persister dans l’organisme longtemps après l’infection, sans pour autant que ledit organisme puisse être considéré comme contaminant.

Dès sa prépublication, cette étude a provoqué une levée de boucliers pour deux raisons. D’une part elle a été accusée d’alimenter la fronde anti-vaccinale, et de pouvoir nourrir l’argument selon lequel l’ARN messager des vaccins contre le Covid pourrait interférer avec l’ADN humain (sur ce sujet, voir notamment l’instrumentalisation de la polémique opposant Christian Vélot du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN) et Alain Fischer le président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale). Une interprétation contre laquelle les chercheurs ont dû se défendre pour pouvoir être entendus. Un exemple supplémentaire, s’il en fallait, de la tendance regrettable à la politisation des sciences fondamentales à des fins de communication en santé publique (surtout ne pas effrayer la population).

D’autre part, une partie de la communauté scientifique a d’abord pensé que leurs résultats avaient été faussés par les techniques de recherche utilisées et l’usage de cultures cellulaires. Mais devant les données complémentaires apportées par l’équipe au fur et à mesure des objections, les contradicteurs ont finalement dû admettre que le phénomène était « plausible ». Le professeur Rudolf Jaenisch, coauteur de cette étude, affirme désormais que « nous avons maintenant la preuve sans ambiguïté que les séquences de coronavirus peuvent s’intégrer dans le génome ».

Une découverte potentiellement lourde de conséquences

Considérant que notre génome est truffé de fragments génétiques de virus ayant interagi avec nos ancêtres à travers les âges, il est donc envisageable, à la lumière de ces travaux, que le SARS-CoV-2 suive le même chemin. Les chercheurs précisent cependant que l’intégration virale du coronavirus ne signifie pas que les personnes qui se remettent du Covid restent infectieuses dans la mesure où les séquences rétrotranscrites intégrées au génome hôte ne peuvent pas produire le virus infectieux. Mais l’intégration pourrait-elle expliquer les cas de personnes qui ont « récupéré » de l’infection et qui s’avèrent à nouveau positives à un test RT-PCR quelques fois plusieurs semaines plus tard ?

Comme le relayent également les chercheurs, leurs travaux posent la question des conséquences éventuelles de l’intégration virale vis-à-vis de l’immunité. Les séquences virales intégrées induisent-elles la production d’antigènes susceptibles d’engendrer une immunité naturelle acquise ? Les données cliniques actuelles suggèrent que si c’est envisageable, ce serait un processus de faible ampleur, mais qui pourrait tout de même amener une immunité durable.

Dans l’hypothèse où l’intégration d’ARN viral chez l’hôte est un phénomène d’ampleur, l’étude relève à mots couverts qu’elle impacterait la pertinence des tests PCR en tant que diagnostic. Leur extrême sensibilité pourrait les conduire à détecter des séquences virales dérivées de l’intégration plutôt que des particules de virus infectieux .

Encore bien des questions en suspens

Quel crédit accorder au test PCR en tant qu’outil diagnostique tel qu’il a été utilisé jusqu’ici, si les résultats de cette étude s’avéraient transposables à grande échelle ? Les verdicts « positif » et « négatif » sur la base de ce seul test peuvent-ils encore avoir un sens univoque ? Les instructions d’utilisation des tests RT-PCR émises par les CDC (Centers for Disease Control and Prevention) aux États-Unis stipulaient pourtant dès les premiers mois de la crise que « la détection d’ARN viral n’indique pas la présence de virus infectieux ni que le 2019-nCoV est l’agent responsable des symptômes cliniques ». Un « détail » totalement omis depuis le début de la pandémie tant par les décideurs que par les médias qui n’ont eu de cesse d’amalgamer abusivement « test positif » avec « nouvelle infection » et « contagiosité », malgré la complexité d’interprétation des tests PCR.

Un peu plus d’un an après l’apparition du SARS-CoV-2, ces travaux, parmi beaucoup d’autres, suggèrent qu’on est encore loin des certitudes qu’on nous assène depuis des mois quant au comportement de ce virus et à ses conséquences.

Source :

« Reverse-transcribed SARS-CoV-2 RNA can integrate into genome of cultured human cells and can be expressed in patient-derived tissues », PNAS, mai 2021

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