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Les blessures de l’abandon

Article paru dans le journal nº 24

Parmi les raisons fondamentales qui poussent des patients à consulter un thérapeute, l’abandon, avec les blessures qui en découlent, tient statistiquement le haut du pavé. Il est une des failles psychiques aux retentissements physiques et somatiques le plus violent. L’identifier, le comprendre pour mieux se défaire de ses liens est un défi aussi bien pour le patient que pour le thérapeute.

Pour comprendre et aider un patient, un thérapeute doit étudier la qualité du lien qui s’est tissé entre lui et son environnement, et identifier les éventuelles distorsions. Face à cet adulte en désarroi, le thérapeute questionne l’« âge psychique » : celui où l’enfant incompris, blessé, trahi, abandonné (physiquement et/ou psychiquement) est resté bloqué dans son développement psychoaffectif. Le spécialiste doit alors jouer le rôle du « parent réparateur » qui, celui-ci, n’abandonnera pas.

Allô maman bobo

L’être humain naît dépendant, en lien avec son environnement. En découle le caractère archaïque de l’ancrage du lien originel qui nous lie à la mère (ou à « l’espace maternant », si celle-ci disparaît immédiatement). Autrement dit, à la naissance,
l’individu se place dans un espace fusionnel dont le personnage central est la mère. Si cette dernière est défectueuse, l’enfant peut retarder son développement, voire se laisser mourir, ou encore se chercher un lien de substitution.

Cette tentative fusionnelle sera par la suite recherchée et l’adulte tentera de la reproduire dans ses futures rencontres amoureuses. Les formes d’attachement de la toute petite enfance, pathologiques ou saines, restent actives dans l’inconscient de l’âge adulte et seront réactivées lors des relations amoureuses. Raisons pour lesquelles le plus douloureux, dans les blessures de l’abandon, est lorsqu’elles sont rejouées.

Sept blessures capitales

Par rapport à la fusion originelle avec la mère, l’abandon, qu’il soit physique
et/ou psychique, fait ressentir péniblement le paradis perdu. D’où une sensation
d’injustice, accompagnée d’une émotion de tristesse et/ou de colère, mais aussi assez souvent d’un sentiment de honte et de culpabilité.

L’individu ressent la névrose d’abandon (on parle parfois aussi d’« abandonnite ») qui se caractérise par une insécurité permanente et la crainte irrationnelle d’être abandonné. Ce sentiment est plus ou moins accompagné de troubles psychiques et physiques intenses.

Le rejet

Il peut s’installer entre le moment de la conception et un an. Il entraîne l’impossibilité de se sentir le droit d’exister, puis la conviction que, pour être aimé, il est nécessaire de s’effacer, de disparaître. Ces personnes tentent parfois de réagir pour exister ; mais souvent elles surjouent,
devenant insupportables. Elles ne s’accordent aucune valeur, car on ne leur en a pas
accordé. Elles ont un perpétuel besoin d’être sécurisées, rassurées, et de contrôler les situations. Elles ont souvent des difficultés sexuelles, car elles donnent la primauté au désir de l’autre : au moins, si l’autre est satisfait, il ne nous abandonnera pas.

L’abandon

Entre un et trois ans, il peut être éprouvé vis-à-vis du parent du sexe opposé et constitue un manque de nourriture affective. Il entraîne un besoin panique de présence et de soutien de la part de l’autre et de grandes difficultés à être, à faire et à décider seul. On constate souvent chez ces personnes une hypersexualité qui traduit une recherche fusionnelle éperdue.

L’humiliation

Entre un et trois ans, il est souvent en lien avec la mère. Il entraîne le sentiment d’indignité et de culpabilité face à une faute perpétuelle. C’est ainsi que nous voyons ces individus avoir honte de leurs désirs sexuels, les amenant souvent à compenser et se récompenser par la nourriture (tendance boulimique). Ils nient leur droit à s’exprimer. Parfois, quand l’humiliation a été trop vive, on détecte chez eux des tendances suicidaires, l’auto-humiliation suprême consistant à se faire disparaître.

La trahison

Ce sentiment s’implante entre deux et quatre ans à l’égard du parent du sexe opposé. Il génère une grande méfiance envers l’autre, parfois jusqu’à l’installation d’une structure paranoïaque. Paradoxalement, ces personnes sont souvent de grandes manipulatrices pour prévenir le risque de trahison. Elles sont généralement obsédées par le fait de tout contrôler.

L’injustice

Ce sentiment s’installe le plus souvent entre quatre et six ans, avec le parent du même sexe. Les individus qui l’ont subi sont coupés de tout affect et ne veulent laisser voir aucune de leurs défaillances, alors qu’ils sont plongés dans de grandes souffrances. Ils sont ainsi coupés de leur ressenti émotionnel et sont perfectionnistes.

La dévalorisation

Elle intervient généralement entre quatre et huit ans, avec l’un ou l’autre des parents. Elle conduit ceux qui l’ont subie à ressentir le regard de l’autre comme rabaissant et à se considérer comme « pas capable » ou « pas à la hauteur ». Ils ne prennent aucune initiative, procrastinent, ne savent pas dire non et s’inscrivent dans le désir de l’autre, puisqu’ils ne se reconnaissent aucune légitimité pour écouter le leur.

La privation

Elle peut se manifester dès les premiers instants de la vie, à travers une privation de nourriture (alimentaire ou affective). Elle est le fruit d’une mère qui ne va pas répondre au besoin originel du bébé,
à savoir la satisfaction du plaisir buccal. Quand le petit est confronté à de telles négations, il va s’interroger sur son droit même d’exister. Grandes solitaires, ces personnes compensent par un surinvestissement intellectuel. Elles connaissent de graves troubles psychosomatiques, car leur corps est habitué à souffrir.

Ces sept blessures conduisent invariablement les individus à la question fondamentale : « Ai-je le droit d’exister ? », avec la névrose qui en découle immanquablement.

À retenir

Nous naissons tous dépendant, avec une demande d’amour. Dans l’idéal, le bébé qui arrive au monde va être narcissisé et pouvoir installer un lien affectif avec l’autre. S’il y a faillite, la blessure va s’installer. La blessure d’abandon, le plus souvent blessure d’amour, renvoie chacun à la solitude fondamentale du défusionnement d’avec la mère. En cela, elle réactualise les pires terreurs enfantines. Au-delà, nous pouvons dire qu’elle affirme notre finitude car l’amour est un rempart contre la mort. Ainsi, symboliquement, être blessé en amour, c’est mourir.

Les cinq grands liens d’attachement

Dans la nécessaire fusion à la mère et, dans une autre mesure, au père, on peut citer cinq grands liens d’attachement, en premier lieu la succion (allaitement, baiser, nourriture, toute satisfaction de l’espace buccal), l’étreinte (partage d’intimité, réassurance), le cri (désir de parler, de communiquer ; à noter que les maladies psychosomatiques sont la résurgence du cri archaïque qui traduisait les besoins, les souffrances de notre corps), le sourire (qui se construit dans la relation avec l’autre) et le rapprochement (aller vers l’autre ; dans les blessures de l’abandon, il y a un doute, une faille, une suspicion qui empêche d’aller vers l’autre). Quand l’un de ces cinq liens ne s’est pas installé, ou a été cassé, la blessure est très profonde, parfois même irréparable. C’est cette tentative de réparation qu’entreprend la psychothérapie.


 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


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