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Bullet journal, gratitude journal : vous avez rendez-vous avec vous

  • Retour en force du journal intime : quels bienfaits ?Retour en force du journal intime : quels bienfaits ?
Article paru dans le journal nº 130

Écrire pour se libérer, s’organiser, se soigner, s’apaiser… Il existe mille et une façons de se plonger dans l’écriture régulière d’un journal d’introspection. Doit-on seulement voir dans cette activité une tendance passagère ? Il semblerait que non car ses bienfaits vont bien au-delà d’un simple effet de mode.

Parler de " journaling " replonge dans l’adolescence, pendant ces heures passées à coucher pensées, émotions et sentiments dans un carnet secret qu’il s’agissait de dérober au regard de la famille. Un journal comme refuge, un espace pour mettre des mots sur ce qu’on vit au quotidien, un espace de liberté totale sans aucun jugement, un moment d’introspection salvateur. Le journal est souvent une activité féminine adolescente généralement abandonnée à l’âge adulte.

Pourtant, ses bienfaits devraient nous motiver à reprendre ou découvrir ce bel espace, quel que soit notre âge, notre genre, notre condition sociale. Les adultes se cachent souvent derrière le manque de temps pour ne pas s’adonner à l’écriture d’un journal. Mais ne serait-ce pas plutôt la crainte que quelqu’un découvre ce journal ? Du qu'en-dira-t-on face à cette pratique connotée ado ? Mais si des barrières existent bel et bien, un réel engouement se dessine… le journaling comme outil de développement personnel signe son grand retour.

Le journaling ou journal intime : une pratique ancestrale

Le journaling, terme anglais tiré du français, signifie " écrire dans un journal ". Rien de neuf sous le soleil, sinon que les techniques se sont diversifiées. Les premiers journaux personnels ont été retrouvés dans des civilisations anciennes telles l’Égypte et la Grèce antiques. Le journal intime du haut fonctionnaire et parlementaire anglais Samuel Pepys sur les premières années de la Restauration en Angleterre au XVIIe siècle, les lettres et journaux de Champollion écrits pendant ses voyages en Égypte au XIXe siècle, ceux de Marco Polo sur ses voyages en Asie au XIIIe siècle sont des témoignages inestimables. Nombre d’écrivains, philosophes, artistes ont également tenu des journaux intimes pour poser leurs pensées, leurs inspirations et leurs idées (Jean-Jacques Rousseau, Stendhal, Raymond Queneau, Simone de Beauvoir, Annie Ernaux, Eugène Delacroix, Anaïs Nin, Virginia Woolf…). Anne Frank a aussi laissé un journal… tragique.

Alors oui, les temps ont changé… Écrire de sa plus belle plume dans un cahier peut sembler vieillot, mais les journaux d’aujourd’hui empruntent aussi des formes d’expression numérique (blogs personnels, applications de journaling…), à chacun son support tant que le plaisir est là. L’écriture manuscrite revêt toutefois des qualités que le clavier n’a pas (lire encadré ci-dessous).

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Écrire à la main est bon pour le cerveau

L’écriture manuscrite, de plus en plus délaissée, n’est pourtant pas qu’un simple moyen de communication pour le cerveau. C’est ce que révèle l’équipe de la neuroscientifique Audrey van der Meer du département de psychologie de l’université de Norvège. Elle a entre autres démontré que l’écriture manuscrite engendre une activité cérébrale plus favorable à l’apprentissage qu’une écriture au clavier.

Les auteurs de l'étude qu'elle cosigne expliquent que " les mouvements délicats et finement contrôlés de l’écriture manuscrite contribuent aux schémas d’activation cérébrale liés à l’apprentissage ". L’écriture à la main crée beaucoup plus d’activité dans les parties sensori-motrices du cerveau, et toutes ces expériences sensorielles, en créant un contact entre différentes parties du cerveau, améliorent l’apprentissage. Rien que ça.

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L’écriture est-elle thérapeutique ?

Les bienfaits de l'écriture ont fait l’objet de nombreuses recherches. Nayla Chidiac, docteure en psychopathologie clinique, spécialiste du traumatisme et de l’écriture thérapeutique¹, évoque l’atelier d’écriture thérapeutique du Centre d’étude de l’expression de la Clinique des maladies mentales et de l’encéphale de l’hôpital Sainte-Anne à Paris : " Ce travail, à travers l’écriture, permet une représentation et une élaboration de la souffrance ainsi partageables, d’où une réconciliation entre le moi intime et le moi public. Cette confrontation à la réalité extérieure permet de témoigner aux autres et à soi-même de la valeur positive de son monde interne.

De son côté, James Pennebaker, professeur de psychologie à l’université d’Austin (Texas), a mis en lumière avec sa consœur Sandra Beall en 1986³ une technique d’écriture thérapeutique appelée " écriture expressive ", qui a un impact positif sur la santé physique et psychique de patients ayant subi et gardé pour eux d’importants traumatismes. Sont observées une meilleure santé physique, une amélioration des relations et une diminution de l’anxiété. Attention toutefois, imaginer que vider son sac de malheurs sans en faire la moindre analyse réglerait tous les problèmes s’avère utopique. L’effet cathartique de l’écriture expressive demande une analyse, une prise de recul et un changement de perspective.

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Pourquoi et comment se lancer ?

S’adonner à l’écriture du journal ne part pas forcément d’un désir thérapeutique. Tenir son journal permet d’accéder au plus profond de soi, de mettre sa vie en mots, de s’explorer tel un voyage intérieur, d’apprendre à se connaître, de prendre du recul face à ses émotions, d’abaisser la température d’un mental en surchauffe assailli par les ruminations incessantes, d’y voir plus clair. Crier la douleur de ses maux en posant des mots soulage, libère, comme certains pourraient s’adonner à les peindre, les modeler, les chanter… Écrire sa colère, sa tristesse, ses peurs, ses doutes, ses incompréhensions mais aussi ses joies, ses extases, ses désirs. Conscientiser ses émotions participe d’un cheminement vers une meilleure connaissance de soi.

Le journal s’alimente tous les jours, permettant de travailler la régularité. Écrire sur son quotidien, ses ressentis inconfortables permet de mieux les appréhender, de les conscientiser et de les affronter, abaissant ainsi le niveau de stress. Mettre des mots sur ce que l’on ressent facilite le processus de réflexion et d’analyse ainsi que la prise de décision, permet une meilleure résolution de problèmes et constitue aussi une belle façon de lutter contre la procrastination.

Il est bien sûr primordial de ne pas se concentrer seulement sur les côtés négatifs. Noter tous les bons moments et belles choses de la vie afin d’apprécier pleinement chaque petit plaisir. Écrire au quotidien stimule la créativité, en permettant de voir les situations sous un angle nouveau et plus constructif.

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Matin, midi ou soir : le timing idéal pour écrire son journal

Tout dépend de vos préférences personnelles. Écrire le matin peut être propice à préparer son esprit à la journée ; le soir est le moment adéquat pour revenir sur les événements de la journée et décompresser, prendre du recul. Créer une routine est important, quel que soit le temps qu’on y consacre.

Il n’existe pas de règles strictes, l’idée est de se sentir bien dans cette pratique qui deviendra avec le temps un outil pertinent de développement personnel. Se créer un environnement calme et accueillant pour se consacrer à ce moment d’introspection rendra l’exercice d’autant plus agréable.

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Bullet journal, prompts, écriture libre : les différentes déclinaisons du journal intime

L’écriture librela plus simple

Elle consiste à écrire sans se préoccuper de la structure, de la grammaire, des fautes d’orthographe et de la cohérence. L’idée est de se laisser aller à écrire vite sans se restreindre, de libérer son esprit en permettant aux pensées de s’exprimer librement. Évacuer les émotions, stimuler la créativité et sonder ce qui se trame au plus profond de soi.

Les " prompts " : des questions qui guident la réflexion

Les prompts sont des questions qui guident la réflexion et auxquelles on essaie de répondre afin de mieux se comprendre, gérer ses émotions ou encore dépasser ses croyances limitantes, ces pensées envahissantes qui freinent l’expression de notre plein potentiel. Les prompts pour mieux se connaître peuvent être :

  • Quelles sont les valeurs qui comptent le plus pour moi ?
  • Qu’est-ce qui me motive à me lever chaque matin ?
  • Comment est-ce que je gère mes échecs et mes réussites ?
  • Quelles sont les peurs qui m’empêchent d’avancer ?
  • Quels sont mes rêves les plus fous ?

Quelques exemples de prompts pour mieux comprendre vos émotions :

  • Qu’est-ce qui déclenche souvent mes moments de tristesse ou d’anxiété ?
  • Comment est-ce que je réagis face à la colère ?
  • Comment pourrais-je mieux exprimer mes émotions aux autres ?
  • Comment cultiver plus de joie au quotidien ?
  • Quelles sont mes peurs et comment puis-je les apaiser ?
  • Les prompts sont infinis et peuvent aussi venir explorer les croyances, le passé, la créativité, la vie rêvée, etc.

Le "gratitude journal" : un journal de reconnaissance

Le "gratitude journal" est un type de journaling qui consiste à écrire sur tous les moments vécus pour lesquels nous sommes reconnaissants. Se concentrer sur les aspects positifs renforce le sentiment de gratitude, permet d’apprécier chaque petite chose du quotidien et booste le bien-être émotionnel.

Le journaling de visualisation : pour se projeter et se motiver

Ce type de journaling repose sur l’idée d’utiliser l’écriture pour se projeter dans l’avenir et créer une image mentale de ses envies, aspirations, rêves et objectifs. En prenant le temps de les détailler, on renforce sa motivation et on détermine de manière plus fine ce qu’il est bon de mettre en place pour atteindre ses objectifs.

Le journaling de créativité : un espace à soi

Le journaling de créativité propose de s’adonner chaque jour à l’écriture de poèmes, dessins, croquis, collages, de noter des idées, des projets.

Le " bullet journal " : pour planifier ses objectifs.

Dehors, les to-do lists sur papier volant. Choisissez un carnet avec pages numérotées. Ce journal est composé de différentes parties. L’index les répertorie sous forme de sommaire, la page de clefs détermine les rubriques : tâches, évènements, notes, qui s’accompagnent de signes ou motifs.

Un triangle peut par exemple illustrer le " à faire ", un rond vide le " en cours ", un rond plein le " terminé ", un carré le " reporté " et une croix le " annulé ". Il s’agit ensuite de choisir sur combien de mois vous voulez vous organiser, et de noter, pour chaque mois, les évènements prévus et les choses dont vous avez besoin de vous rappeler avec les objectifs à atteindre.

D’autres pages sont consacrées à l’organisation quotidienne, ce que vous avez prévu de faire, les tâches, les pensées qui vous viennent à l’esprit, etc. Cet exercice peut paraître fastidieux mais ce journal est un outil très utile pour moins procrastiner et atteindre ses objectifs.

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Références bibliographiques

1. Autrice de Les bienfaits de l’écriture, les bienfaits des mots – Un atelier d’écriture, éd. Odile Jacob.

3. J. W. Pennebaker et S. K. Beall, dans Journal of Abnormal Psychology, 1986.

 

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