Accueil Coups de gueule Paludisme et Artemisia annua, un débat sans fin
Paludisme et Artemisia annua, un débat sans fin
Le débat scientifique concernant les effets de l’Artemisia annua sur le paludisme dure depuis des années. Ses propriétés anti-infectieuses ont de nouveau été mises sur le devant de la scène avec l’épidémie de Covid-19. Sans parler de plante miracle, il semble que l’Artemisia ne soit pas considérée à sa juste valeur.
Connue en France sous le nom d’armoise, cette plante est utilisée depuis des siècles comme plante aromatique et médicinale. Le genre Artemisia se compose de plus de 200 espèces connues, dont l’armoise commune (Artemisia vulgaris), l’estragon (Artemisia dracunculus) ou encore l’absinthe (Artemisia absinthium). L’armoise annuelle qui fait l’objet de polémiques était mentionnée pour la première fois dans le traitement des fièvres dans Le traité de prescriptions urgentes de Ge Hong en 340 après Jésus-Christ. Originaire des hauts plateaux de Chine, elle s’est largement propagée dans le monde. La Chine, l’Europe de l’Est et l’Afrique en sont les principaux producteurs.
L’Artemisia annua occupe une place de choix dans la pharmacopée chinoise, et les médecines traditionnelles ayurvédique et africaine l’emploient pour soigner une grande variété de maux. Ses constituants actifs sont utilisés dans le traitement de maladies infectieuses et pour leurs effets répulsifs, digestifs, cicatrisant, antipyrétiques, anticancéreux, antifongiques, antioxydants, anti-inflammatoires et antiparasitaires. Face aux décès qui ravagent ses troupes durant la guerre du Vietnam, Hô Chi Minh demande de l’aide à son voisin chinois pour soigner les soldats de la malaria, cette maladie infectieuse due au parasite Plasmodium falciparum, propagé par la piqûre de certaines espèces de moustiques anophèles. Se basant sur ses connaissances ancestrales de l’armoise annua, la Chine envoie des stocks d’armoise aux troupes d’Hô Chi Minh qui parviennent à contenir la malaria. Pour la petite histoire, l’armée française, lors de la colonisation de l’Algérie, prescrivait quant à elle de l’absinthe à ses troupes afin de lutter contre la malaria…
Les Chinois confient leurs recherches sur l’Artemisia annua au Dre Tu Youyou en 1969. S’appuyant sur d’anciens écrits et constatant que dans les régions de Chine où on utilisait la plante il n’y avait pas de problème de malaria, elle décide de comprendre les mécanismes d’action de la plante. En 1972, elle parvient à isoler l’artémisinine, molécule qu’elle considère être le principe actif le plus efficace de la plante contre le paludisme. Le Dre Tu est la première femme chinoise a être récompensée par le prix Nobel de médecine en 2015 pour ses travaux sur le sujet.
Les laboratoires pharmaceutiques du monde entier recherchaient une nouvelle molécule pour combattre la malaria. Celle-ci devenant de plus en plus résistante à la chloroquine (un dérivé de la quinine tirée de l’écorce de quinquina), ne restait plus que le lariam qui provoque des effets indésirables très sévères (dépression, psychoses, idées suicidaires…). La découverte du Dre Tu entraîne la fabrication de médicaments dits CTA : il s’agit de combinaisons thérapeutiques alliant un dérivé de l’artémisinine reconnu pour éliminer les parasites avec un médicament visant à prévenir leur recrudescence.
Deux sons de cloches
Il est toujours surprenant de constater combien les avis divergent selon l’angle considéré… L’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne jure que par les CTA tandis que des expériences très sérieuses montrent l’efficacité de la plante entière, y compris avec l’Artemisia afra qui pousse en Afrique et qui ne contient pas d’artémisinine. On recense, en effet, plus de 400 composants dans la plante, dont plus de 20 sont décrits comme antipaludiques. Cette richesse expliquerait le fait que le parasite responsable de la malaria n’arriverait pas à s’adapter comme il le fait si bien lorsqu’il n’y a qu’une molécule seule, ou même quelques-unes (certaines plasmodies ont déjà développé des résistances aux traitements par CTA).
L’Artemisia annua a fait l’objet d’études biochimiques poussées. Elle est riche en huiles essentielles, polysaccharides, saponines, coumarines, acides, minéraux, flavonoïdes et polyphénols, des substances qui se trouvent dans les feuilles, d’autres dans les tiges. Des études prometteuses se penchent sur l’effet synergique de ces constituants, motivant l’argument de l’utilisation de la plante dans son intégralité. Pour avancer, il faudrait débloquer des fonds afin que des études à grande échelle soient multipliées selon les standards internationaux. Il reste un travail conséquent à effectuer sur la standardisation d’un remède à base de plante complète (sous forme de tisane) mais on ne peut pas nier les expérimentations, aux résultats stupéfiants, menées à travers le monde.
L’ONG allemande Anamed(1), spécialisée dans les médecines naturelles pour traiter les maladies tropicales, défend l’utilisation d’Artemisia, tout comme le fait l’association humanitaire française La Maison de l’Artemisia qui, depuis 2013, déploie un réseau mondial de médecins, chercheurs, agronomes, agriculteurs, ONG et bénévoles pour prouver que les armoises annua et afra soignent efficacement le paludisme et la bilharziose (maladie parasitaire due à un ver). Elle a financé des études cliniques en Afrique dont certaines, aux normes de l’OMS. Le site lavierebelle.org (2), animé par un collectif international de chercheurs met à disposition le contenu d’une bibliothèque recensant les études scientifiques sur Artemisia annua et afra ; il suffit de commencer à les parcourir pour se rendre compte de l’étendue des travaux ! L’association belgo-luxembourgeoise IFBV-BELHERB constituée de médecins et de scientifiques, à travers son réseau d’universités africaines et sud-américaines partenaires, a lancé des essais cliniques concluants dans une dizaine de pays. Le docteur en sciences chimiques Pierre Lutgen porte la voix de cette association et s’insurge contre l’argumentation de l’OMS pour empêcher l’utilisation de l’Artemisia annua sous prétexte de manque d’études et de principe de précaution (aucun effet toxique n’a jamais été révélé) alors que le lariam, dont on connaît les graves effets indésirables, est encore sur le marché.
Faut-il croire l’OMS ?
Les chiffres dévoilés par l’Institut Pasteur cette année sont alarmants : « Selon l’OMS, la malaria cause près d’1 million de victimes par an dans le monde […] et 500 millions de cas cliniques sont observés chaque année ». Ce fléau ne devrait-il pas être une priorité absolue pour l’Organisation mondiale de la santé ? Avec un coup d’accélérateur pour les études sur l’Artemisia ? Eh bien non ! Y aurait-il là-dessous des conflits d’intérêts ? Fini le temps où l’OMS était majoritairement financée par les États ! Aujourd’hui le budget est partagé entre les contributions des États membres (parts fixées en fonction de la fortune et de la population du pays), soit environ 20 % du budget, et des contributions volontaires pour les 80 % restants, dont font partie les fonds privés, tels que le généreux donateur de la Fondation Bill et Melinda Gates(4)… de quoi rester perplexe.
La recherche continue
Impossible de ne pas évoquer l’histoire tristement rocambolesque du médecin et chercheur congolais Jérôme Munyang. Ses problèmes ont débuté, d’après lui, alors qu’il étudiait les vertus de l’Artemisia à Paris. Il fut contraint d’abandonner ses recherches sous prétexte que l’université pourrait perdre les subventions accordées par les firmes pharmaceutiques… Soutenu par La Maison de l’Artemisia, il continue ses travaux en République démocratique du Congo et confirme l’efficacité d’Artemisia ; ses résultats sont corroborés en laboratoire par le Worcester Polytechnic Institute dans l’État américain du Massachusetts(3). En 2019, il demande l’asile politique à la France à la suite d’arrestations et de menaces à son encontre après la diffusion d’un film documentaire sur France 24 : Malaria business : Les laboratoires contre la médecine naturelle ? où il défendait les bienfaits de l’Artemisia et de sa tisane.
Les expérimentations et les plantations se multiplient dans les zones infestées et les populations suivent de plus en plus les préconisations des tisanes d’Artemisia. De quoi, espérons-le, faire réfléchir les instances médicales internationales… et débloquer des fonds pour confirmer les études prometteuses sur les propriétés antivirales d’Artemisia dans la lutte contre le coronavirus.
1. anamed.org/en/artemisia-annua-anamed.html
3. wpi.edu/news/harvest-healing
4. liberation.fr/checknews/2020/04/17/qui-finance- l-oms_1785538
En savoir plus
• Artemisia, une plante pour éradiquer le paludisme, Lucile Cornet-Vernet, Laurence Couquiaud, éd. Actes Sud, 2018.
• Pour des conseils de posologie d’ Artemisia annua et afra concernant les personnes semi-immunisées (vivant en zone impaludée), consulter maison-artemisia.org/du-cote-medical-et-legal/posologie
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé
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