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Sentir pour guérir

Article paru dans le journal nº 87 Acheter ce numéro
  • L’action thérapeutique réside dans le message olfactif et biochimique que l’HE.L’action thérapeutique réside dans le message olfactif et biochimique que l’HE.

Dans un article précédent (n° 84, novembre 2020), nous avions consacré un article sur l’intérêt d’utiliser l’odorat pour accéder à la mémoire. Cette idée est loin d’être farfelue. L’olfactothérapie est une méthode psycho-émotionnelle qui utilise les odeurs, les vibrations de certaines huiles essentielles, la respiration et le toucher pour dénouer des nœuds du passé qui polluent la vie quotidienne.

L’aromathérapie se sert depuis longtemps de l’action biochimique des odeurs sur la sphère émotionnelle. Depuis une vingtaine d’années, différentes thérapies utilisent l’impact des odeurs sur les sphères énergétique et psycho-émotionnelle. « Avec les odeurs, on accède à la charge émotionnelle, à ce qui anime ou freine un individu », explique Gilles Fournil qui crée, en 1992, l’olfactothérapie, une méthode puisant dans les neurosciences, la tradition hindoue tantrique, la somatologie et l’approche jungienne des archétypes. Ce fervent pratiquant de yoga depuis son plus jeune âge et doué d’un flair hors du commun a imaginé une méthode qui s’appuie sur l’odorat pour amener un individu à trouver la source de ses souffrances, puis à les surmonter et les évacuer. L’olfactothérapie est une approche en plein essor dans le domaine de la santé. Marie-France Archambault est à l’initiative d’ateliers ­olfactifs, dont le premier fut ouvert en 2001 à l’hôpital Raymond-Poincarré de Garches (92) dans le service de rééducation neurologique. Elle collabore avec Patty Canac, aromathérapeute, parfumeuse chimiste, professeure à l’Institut supérieur international du ­parfum, de la cosmétique et des arômes alimentaires (ISIPCA) de Versailles et membre de l’association CEW (­Cosmetic Executive ­Women). Leur but est de stimuler les patients atteints de troubles de l’attention et de la mémoire à la suite d’un traumatisme crânien ou d’un accident vasculaire.

D’autres ateliers ont vu le jour dans certains hôpitaux. Ils participent à la prise en charge en gériatrie auprès de personnes souffrant des maladies de ­Parkinson et d’Alzheimer, en ­cancérologie et auprès d’adolescents en souffrance. L’olfactothérapeute Catherine ­Degouy se réjouit des résultats bénéfiques qu’elle ­observe auprès de personnes ­anxieuses, ­stressées, phobiques, qui ont des ­addictions, manquent de confiance en elles ou qui ont l’impression d’être ­enfermées dans leur vie. Chaque séance est une incroyable expérience. Elle nous détaille le ­déroulement d’une séance.

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Associations libres

Le thérapeute invite la personne à s’allonger et la guide dans une relaxation et une écoute fine de son corps. Il lui fait sentir des huiles essentielles (HE) et lui demande de choisir parmi elles l’odeur la plus aimée et celle qui est la moins aimée. La séance se poursuit par un temps où la personne se laisse aller à des associations libres. Elle évoque ce qui remonte à la surface, à la conscience, les émotions, les souvenirs qui émergent en lien avec ces odeurs. Les odeurs sont un chemin d’accès aux souvenirs. Une huile essentielle appréciée sécurise et encourage la personne, tandis qu’une huile qui provoque un rejet donne une information sur la problématique à ­traverser. L’odeur de la rose, par exemple, qui est liée au chakra du cœur peut être désagréable pour une personne qui a des problèmes dans ses relations amoureuses. Une huile essentielle s’impose parfois et opère un véritable déclic qui guide vers la résilience. La séance ­chemine à la ­recherche de la cause du trouble évoqué, puis un rééquilibrage doit être ­enclenché : exercices de respiration, travail de relaxation et toucher de certains points du corps en lien avec certaines émotions. Doucement le patient réapprivoise l’odeur non appréciée révélatrice d’un blocage ou d’un mal-être, et apprend à utiliser l’huile essentielle jugée agréable comme soutien de la sphère psycho-­émotionnelle. La thérapie doit être envisagée sur la durée, entre huit mois et un an à raison de deux séances par mois d’une heure à une heure trente.

Message olfactif

La méthode s’appuie sur l’utilisation de 16 huiles essentielles de base, choisies en fonction de leur fréquence vibratoire. Le thérapeute peut faire appel à un plus large choix d’huiles essentielles, environ 70, afin d’affiner la recherche. Lorsque le patient les inspire, une résonance se diffuse aux chakras (les plexus énergétiques de la médecine ayurvédique) qui permettent de diffuser l’énergie vitale dans le corps. Cette ­résonance renseigne sur l’état physique et psychologique du patient. L’action thérapeutique réside dans le message olfactif et biochimique que l’HE véhicule et qui permet de retrouver l’origine enfouie d’un traumatisme, d’un blocage. Certaines huiles essentielles vont déloger une colère, une grande tristesse, une peur viscérale. L’huile essentielle de basilic tropical qui agit sur la sphère hépatique est, par exemple, d’une grande aide pour exprimer la colère et ce qui se cache derrière cette émotion. Chaque HE possède ses caractéristiques, elle s’inscrit dans une famille spécifique qui possède sa propre signature, car la plante véhicule l’essence même de sa famille botanique. La lavande vraie, la camomille matricaire et l’hélichryse italienne sont des huiles essentielles puissantes pour désenkyster les mémoires et s’en libérer. Elles agissent ­aussi différemment selon l’histoire du ­sujet. Gilles Fournil a emprunté à ­l’analyste Carl Gustav Jung, la notion d’archétype. À chacun des sept chakras, les thématiques archétypales ­ – pulsions de vie ou de mort, identité sexuelle, place dans la famille ou la société, ouverture de cœur, créativité, capacité au non-­jugement ou relation à l’infini – sont sollicitées par des HE spécifiques. Des échanges énergétiques vibratoires se font, via les trois principaux nadis (canaux énergétiques de la médecine ayurvédique) afin de rééquilibrer les énergies et permettre de rendre neutre une expérience ou un souvenir ancien traumatique. Les exercices de respiration yogique qui accompagnent la séance sont essentiels pour favoriser la circulation du prana, le souffle vital de la tradition hindoue, et équilibrer le yin et le yang.

Culture et évolution

Certaines réactions aux odeurs sont une question de survie et elles ont très certainement été sélectionnées par l’évolution. Heureusement que notre odorat est capable de nous alerter pour éviter de consommer de la nourriture avariée ! Mais le caractère répulsif ou attirant de certaines odeurs a aussi un aspect culturel. Les Asiatiques fuient l’odeur de nos fromages bien faits, mais se régalent d’œufs pourris… Chacun son truc !

Je sens donc je suis

Bien au chaud dans le ventre maternel, le fœtus vit déjà des sensations olfactives véhiculées par le liquide amniotique au troisième trimestre de grossesse ! Les récepteurs olfactifs commencent à apparaître dès la septième semaine. Toutes les odeurs passent dans le sang, traversent le placenta et parviennent dans le liquide amniotique. Dès sa naissance, le bébé dilate et réfracte ses narines, il est capable de reconnaître l’odeur de sa mère, les autres sens lui sont bien moins utiles à la naissance. Car c’est bien par le nez que le bébé tisse ses premiers liens ­affectifs ! Il est intéressant de constater que certains ­services de néonatalité diffusent une odeur de vanille qui se rapproche de l’odeur maternelle pour calmer l’enfant. L’odorat joue un rôle majeur dans l’attachement mère enfant et tout au long de la vie les odeurs contribuent à l’élaboration de la personnalité.

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Dans les cerveaux

Le cerveau reptilien agit de façon réflexe pour la survie, le cerveau limbique ­traduit l’information physique en émotion et le cerveau cortical élabore des pensées (puis des gestes, des mots, ou de nouvelles ­réactions physiques). Autant dire que l’idéal de la pratique thérapeutique est de pouvoir s’adresser à chacun de ces cerveaux ! Contrairement à nombre ­d’informations, les odeurs empruntent un circuit direct, elles passent par le système limbique qui gère les émotions, connectées au nerf olfactif, et n’ont pas besoin de passer par le thalamus. Une information majeure qui explique que, dans ce cas, le mental n’intervient pas pour bloquer ou modifier les informations en lien avec des souffrances émotionnelles du passé. Il suffit, en effet, de sentir une odeur pour qu’elle nous transporte instantanément dans certains souvenirs. Les messages provenant des autres sens (vue, ouïe, goût et toucher) passent d’abord par le cortex cérébral où ils sont traités et interprétés. Si les odeurs éveillent en nous des émotions et des souvenirs aussi clairs et intenses, c’est parce qu’elles ­activent les aires ­cérébrales mobilisées par les émotions : le cortex orbito-frontal, fortement impliqué dans les processus de décision et de récompense, et l’amygdale (qui appartient au système limbique), qui intervient dans les comportements comme la peur, l’anxiété, la colère, le plaisir ou encore la mémoire émotionnelle.

À la trace

Il était une fois une molécule volatile qui voyageait dans l’air et qui s’immisçait dans le mucus de la cavité nasale, baignée des cils des neurones qui capturent la molécule… Les odeurs sont perçues par 400 récepteurs présents dans les neurones situés au fond de la cavité nasale. Un seul récepteur est capable de ­reconnaître plusieurs molécules, et une molécule peut activer plusieurs récepteurs, un nombre astronomique de combinaisons ! À titre de comparaison, les couleurs sont codées par trois types de cellules réceptrices, les cônes situés dans la rétine… Il semblerait que notre cerveau établisse des cartes olfactives à partir de la combinaison de ­récepteurs activés par telle ou telle ­molécule. Ces cartes permettent ­d’associer chaque stimulus chimique à une ­représentation mentale (l’odeur).

Science et odorat

Des chercheurs du Centre de recherche en neurosciences de Lyon ont démontré que les souvenirs associés à des odeurs sont d’autant plus précis que l’émotion générée par le parfum est intense (étude parue en 2014 dans Frontiers ­Behavioral ­Neuroscience). On sait depuis déjà longtemps que les sens imprègnent la ­mémoire. Les odeurs ne génèrent pas plus de souvenirs qu’une image ou un son, mais ils sont souvent plus riches en émotions et peuvent être très anciens. Les souvenirs associés aux odeurs sont bruts, ils sont non verbalisés et refont surface de façon très fidèle, ce qui n’est pas le cas de souvenirs associés à une musique ou à un paysage qui, lors de l’évocation, subissent souvent des distorsions par rapport à la réalité. Des résultats surprenants d’une équipe du Centre de recherche allemand pour la chimie des aliments (Leibniz-­Institut für Lebensmittel-­Systembiologie) menée par Peter Schieberle, avèrent que d’autres endroits du corps comme le cœur, les poumons et le sang possèdent des ­récepteurs olfactifs… Des recherches à venir devraient élucider leur utilité.

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Retrouver le calme à la maison

À la maison, vous pouvez utiliser les effets apaisants et équilibrants de certaines huiles essentielles. Choisissez une de ces huiles : camomille romaine, lavande officinale, petit grain bigarade, orange douce ou ylang-ylang, puis asseyez-vous sur une chaise, les pieds à plat sur le sol, la colonne vertébrale droite et appliquez deux gouttes d’HE sur les poignets. Frottez-les et rapprochez-les de votre nez. Inspirez lentement, en conscience, une dizaine de fois. Trempez une bandelette dans l’HE choisie, allongez-vous et déposez la bandelette sur le bas du front. Mettez en place une respiration ventrale et laissez-vous porter par l’odeur de l’HE.

En savoir plus:

 

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