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Les chocs à la tête altèrent le système circulatoire du cerveau
Un traumatisme crânien, même léger, peut avoir des conséquences à long terme sur le cerveau. Une équipe de recherche a observé un nouveau type d’altération, de nature circulatoire, potentiellement responsable de désordres comportementaux et de différentes formes de démence. Ces recherches interrogent sur les impacts sur la santé de certains sports de contact.
Une nouvelle étude produite par la University of Virginia School of Medicine complète par un éclairage original les connaissances encore partielles des séquelles de lésions cérébrales traumatiques modérées , c’est-à-dire consécutives à des chocs comme ceux éprouvés, par exemple, dans la pratique d’un sport, et caractérisées par le fait qu’elles sont souvent peu suivies médicalement à cause de signes cliniques faibles (pas de fracture du crâne, simple étourdissement, maux de tête pendant quelques jours…).
Un précédent retentissant… resté lettre morte
Les dégâts causés au cerveau par des commotions répétées ont connu une audience inédite au cours des années 2000 et 2010 aux États-Unis par le biais des joueurs de la NFL (National Football League) , qui gère le championnat de football américain. À la suite de la déchéance puis du décès prématuré d’un des plus célèbres joueurs de ce sport, le médecin légiste chargé de son autopsie ‒ le docteur Bennet Omalu, jusqu’alors totalement anonyme ‒ s’est intéressé à son cerveau pour comprendre comment ce sportif, autrefois au faîte de la gloire, avait sombré dans de graves troubles du comportement et de la mémoire et fini par mourir d’une crise cardiaque à 50 ans.
Les premiers examens post-mortem révélèrent un cerveau apparemment intact. Mais à force de persévérance, le légiste découvrit ce qui s’apparentait à des éclaboussures brunes et rouges dans les tissus du cerveau. Il s’agissait d’une accumulation de protéine Tau (pour Tubulin associated unit, un type de protéine de structure qui peut s’agréger en plaques et provoquer la dégénérescence neurofibrillaire) ayant entraîné une inflammation que le Dr Omalu appela « encéphalite traumatique chronique ». Bien qu’ayant subi une longue campagne de dénigrement pour éviter que soit établi un lien entre cette inflammation (par la suite identifiée chez d’autres joueurs dont certains s’étaient suicidés) et le football, d’autres recherches sont venues depuis confirmer sa découverte, comme cette étude publiée dans la célèbre revue JAMA en 2017 qui constate auprès de 202 footballers décédés dont les familles suspectaient une encéphalite traumatique chronique, que 177 d’entre eux présentaient bien une telle pathologie. Ce groupe comprenait 111 joueurs ayant officié en NFL ; parmi ceux-ci, 110 étaient atteints ! Pour mémoire, plus d’un million de jeunes s’adonnent à ce sport idolâtré aux USA.
Une meilleure compréhension des conséquences d’un choc à la tête
L’étude de l’université de Virginie, effectuée sur des souris (admises pour être un excellent modèle relativement au traumatisme crânien), a identifié des conséquences jusque-là ignorées des chocs à la tête. À l’état normal, le cerveau baigne dans le liquide céphalorachidien à l’intérieur de la boîte crânienne, avec un peu de « jeu » remplissant le rôle d’amortisseur. Lorsque le cerveau subit un choc ou des chocs répétés, les heurts contre les os du crâne peuvent donner lieu à des lésions, des contusions et des œdèmes susceptibles d’entraîner une augmentation de volume, de sorte que le cerveau vient se comprimer contre les parois de la boîte crânienne.
D’après les chercheurs de Virginie, cette pression rend inopérants les fins vaisseaux lymphatiques parcourant la périphérie du cerveau, qui ont un rôle d’évacuation des toxines produites par le métabolisme cérébral et autres macromolécules indésirables . Une telle « neutralisation » peut, dès lors, causer une sorte « d'intoxication du cerveau » et donner lieu, à terme, à des signes cliniques comme des troubles de l’humeur, du comportement, voire de la démence.
Ces vaisseaux lymphatiques, localisés dans la couche la plus superficielle des méninges, n’ont été découverts qu’en 2015, quand on croyait encore le cerveau isolé du système circulatoire classique, notamment par la barrière hémato-encéphalique. Une erreur battue en brèche depuis par la mise au jour progressive d’un véritable système circulatoire entre le liquide céphalo-rachidien, le parenchyme cérébral et les vaisseaux lymphatiques des méninges dont l’étude de Virginie semble démontrer l’importance.
Un précédant choc augmenterait les risques lors d’un choc ultérieur
Les traumatismes crâniens n’ont rien d’exceptionnel : ils sont la première cause de mortalité chez les 15-25 ans et la première cause de handicap sévère avant 45 ans . En France, 120 000 personnes sont victimes d’un traumatisme crânien chaque année, dont 10 000 sont qualifiés de sévères. Les accidents sur la voie publique sont les plus nombreux, mais on ignore combien de personnes subissent un choc à la tête sans autre forme de suivi médical , bien qu’ayant éventuellement occasionné une brève perte de conscience, des céphalées, des vertiges ou d’autres symptômes pendant plusieurs semaines ou mois.
L’étude de l’Université de Virginie sur la souris suggère que des dommages au cerveau préexistants augmentent très sensiblement les conséquences de nouveaux chocs à la tête , en particulier les pertes de mémoires et la neuro-inflammation. « Actuellement, nous ne savons pas vraiment dire à ceux qui veulent retourner à leur activité après un traumatisme quand ils peuvent le faire en toute sécurité », explique le Dr John Lukens, co-auteur de l’étude.
Demain l’imagerie pour détecter les séquelles de traumas crâniens ?
La découverte de l’encéphalite inflammatoire chronique devrait soulever quelque interrogation sur les risques de santé qu’entraînent des chocs (mêmes légers) répétés à la tête. Jusqu’à présent, ce type d’encéphalite caractérisé par des dépôts spécifiques de protéine Tau (parallèlement à de faibles dépôts de bêta-amyloïde, ce qui la distingue des autres pathologies comme Alzheimer) n’est établi que sur autopsie, donc post-mortem, et reste difficilement détectable par l’imagerie classique.
Une étude américaine de 2019 a voulu vérifier s’il était possible de faire ce diagnostic du vivant des sujets, grâce à l’imagerie PET-scan (positron-emission tomography). Les chercheurs ont investigué 26 joueurs de la NFL se plaignant de troubles cognitifs et de symptômes neuropsychiatriques, contre un groupe témoin. Les PET-scans ont effectivement permis de constater que les joueurs de football américain présentaient des niveaux d’agrégation de protéine Tau supérieurs aux témoins dans les régions du cerveau connues pour être prioritairement impactées par l’encéphalite inflammatoire chronique. Les faibles dépôts de bêta-amyloïdes caractéristiques de cette inflammation étaient visibles aussi. Une porte ouverte vers la prise en compte et le diagnostic précoces des traumas crâniens, même modérés ?
Source :
« Meningeal lymphatic dysfunction exacerbates traumatic brain injury pathogenesis », dans Nature Communications, septembre 2020.
« Clinicopathological evaluation of chronic traumatic encephalopathy in players of american football », dans Journal of the American Medical Association, juillet 2017.
« Tau positron-emission tomography in former National Football League players », dans The New England Journal of Medicine, mai 2019.
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