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Quels enseignements tirer de la fuite de données à l’Agence européenne des médicaments ?

La rédaction

La séquence serait digne de figurer dans un film d’espionnage : en décembre dernier, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a été victime d’une cyberattaque, attribuée par le journal néerlandais de Volkskrant à des « agences de renseignement étrangères, probablement russes et chinoises » (voir notre article sur le cyber-espionnage en lien avec les vaccins Covid-19).

Les hackeurs ont publié sur le dark web l’équivalent de 40 mégabits d’informations classifiées et envoyé ces données directement à plusieurs universitaires et journalistes (dont un du British Medical Journal (BMJ), lequel a analysé l’affaire dans ses colonnes ce 10 mars).

D’après le BMJ, qui a examiné ces documents, certains parmi les premiers lots commercialisés du vaccin Pfizer (celui qui a besoin d’être conservé à -70 °C) présentaient une proportion anormalement faible d’ARNm intact (55 %) par rapport aux lots ayant servi à l’évaluation clinique (78 %) pour la mise sur le marché du médicament. En conséquence, l’EMA aurait adressé fin novembre deux « objections majeures » à Pfizer, soulignant qu’on ne connaissait ni la cause, ni les conséquences de cette différence d’intégrité de l’ARNm du vaccin.

 

Moins d’un mois plus tard, le 21 décembre 2020, l’EMA autorisait néanmoins le vaccin Pfizer-BioNtech, arguant que « la qualité de ce produit médical, présenté dans le contexte d’urgence de la pandémie de Covid-19, est considérée comme suffisamment stable et acceptable ». Selon l’un des documents ayant fuité, une source américaine non révélée aurait fourni à l’EMA des nouvelles rassurantes stipulant que les lots les plus récents intégraient bien 70 à 75 % d’ARN intact.

 

Le BMJ s’est enquis auprès de Pfizer, de Moderna, de CureVac (tous trois fabricants de vaccins anti-Covid) et du régulateur britannique (Medicines and Healthcare products Regulatory Agency – MHRA) du pourcentage minimum d’ARNm intact qu’ils considéraient comme acceptable pour être efficace. Pas de réponse du côté des fabricants, tandis que le régulateur s’est contenté d’objecter que cette spécification était « commercialement confidentielle », sans donner plus de détail. Pas davantage d’informations sur ce point dans les documents accessibles auprès de la Food and Drug Administration (FDA) américaine ou de Pfizer.

 

Finalement, l’EMA a bien voulu indiquer que « les niveaux d’ARNm tronqué et les quantités de protéines potentiellement produites à partir de l’ARNm tronqué seraient trop faibles pour constituer un risque sanitaire », et Pfizer a souligné que « chaque lot de vaccins est testé par le laboratoire de contrôle officiel ‒ l’Institut Paul Ehrlich en Allemagne ‒ avant son introduction dans le commerce. » Interrogé sur la question, le professeur Daan Crommelin, expert pharmaceutique à l’université d’Utrecht, explique qu’il y a un manque de compréhension quant au pourcentage d’ARNm intact requis parce qu’il s’agit d’une technologie inédite.

 

Le BMJ précise que la stabilité de l’ARN utilisé dans les vaccins anti-Covid est l’un des premiers défis de ce type de produit, et la principale raison qui oblige une chaîne du froid aussi rigoureuse et le recours à l’encapsulage de l’ARNm dans des nanoparticules lipidiques, la technologie actuellement utilisée par Moderna, Pfizer et CureVac. Mais sur ce point aussi, l’incertitude domine. D’après J.W. Ulm, un spécialiste de la thérapie génique et du ciblage des tissus par les vecteurs thérapeutiques à la Harvard Medical School, « il y a pour l’instant peu d’informations sur les tissus dans lesquels sont localisés les nanoparticules lipidiques utilisées pour l’encapsulage de l’ARNm. Il est vital de savoir plus précisément où vont ces nanoparticules après injection »... Une autre inconnue à laquelle ni les fabricants ni les autorités de régulation n’ont daigné répondre.

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Source :

« The EMA covid-19 data leak, and what it tells us about mRNA instability », The British Medical Journal, 10 mars 2021

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