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Le feu, rites et fascination vus par une ethnologue

Article paru dans le journal nº 40

Mystérieux, magique, fécond et destructeur, protecteur et purificateur, le feu nous accompagne depuis environ 300 000 ans. Si certaines sociétés traditionnelles continuent à le vénérer, qu’en est-il chez nous en Occident ? A-t-on conservé son caractère sacré et magique ?

Dans les légendes grecques, ­Prométhée dérobe le feu à Zeus pour l’offrir aux hommes. Du feu inextinguible chez les Grecs anciens qui brûlait sans cesse à Athènes et à Delphes au feu des prêtresses romaines et dans toute l’Antiquité, le feu a été objet de vénération. Moteur de la civilisation, la maîtrise du feu a permis à l’homme de cuire ses aliments, de se protéger des bêtes sauvages, de s’éclairer et de se chauffer ; plus tard, il deviendra source de métamorphose de la matière avec la naissance de la terre cuite et de la poterie, de la métallurgie et de la fabrication des métaux. Mais pas seulement !

Célébrer le Soleil

Tous les 24 juin, on fête la Saint-Jean (Jean le baptiste) et le solstice d’été. La veille au soir, on allume des feux de joie pour célébrer le Soleil qui est alors au sommet de sa puissance, car c’est le jour le plus long de l’année ; puis la lumière va en diminuant. Dans nos villes, ces rituels sont quasiment absents, mais en Bretagne ou encore dans l’Aubrac, cette fête de la Saint-Jean est aujourd’hui encore une grande fête villageoise, l’occasion de partager de la nourriture, boire du vin et chanter au son de l’accordéon ou de l’harmonica, tout en dansant autour d’un immense feu de joie qui sera alimenté de grosses bûches jusqu’à l’aube.

Selon la tradition, c’est ­aussi le 24 juin, tôt le matin, que l’on cueille les sept plantes sacrées de la Saint-Jean : l’achillée millefeuille, l’armoise, la joubarbe, le lierre terrestre, le millepertuis et la sauge. Ces plantes étaient coupées ce jour du solstice d’été, moment de l’année où leurs vertus médicinales sont supposées être les plus efficaces.

D’où viennent ces rituels et ces danses autour du feu ? Les rituels célébrés au moment des solstices étaient d’origine païenne, car ils célébraient un phénomène saisonnier ou astronomique particulier. Ces rites autour du feu viendraient de rites celtiques et germaniques de bénédiction de moissons et de célébration du Soleil, car c’est bien par le biais du feu que l’on peut représenter la puissance de l’astre solaire sur terre. L’Église catholique les a par la suite christianisés et les anciennes fêtes solaires, chantées par Ovide, sont devenues les fêtes de la Saint-Jean.

Rites chamaniques

Qu’en est-il dans d’autres civilisations ? ­Autrefois, les Aztèques vénéraient l’énergie du feu. Selon leurs légendes, ­Huehueteotl était le plus ancien des Dieux, ­antérieur à la création du Soleil et de la Lune, car c’est lui qui apporta ­l’étincelle de vie. Tous les cinquante-deux ans, les Aztèques organisaient une grande ­cérémonie du feu nouveau qui correspondait à leur compte du temps. Cette tradition du « feu nouveau » s’est préservée dans certaines communautés indigènes. Chaque année, au moment où les Pléiades s’alignent au milieu du ciel, les chamans organisent une cérémonie rituelle autour du feu ; on y jette tout ce qui est vieux ou négatif comme les mauvaises énergies qui vont être absorbées par le feu. Celui-ci apportera en retour une renaissance de la vie, un nouveau départ. Et c’est bien là qu’apparaît son pouvoir purificateur : tout comme le Soleil, le feu brûle et absorbe ce qui doit être éliminé. Le fait que ce rite se déroule en lien avec la position des Pléiades est aussi une manière de souligner symboliquement l’alignement de l’être humain avec le cosmos.

Les Amérindiens connaissent depuis toujours les bienfaits des huttes de sudation et le rôle purificateur du feu, particulièrement lorsqu’il est mêlé à l’eau et aux plantes odoriférantes qui brûlent sur les pierres. Il est d’ailleurs présent dans tous les rituels chamaniques. L’affronter fait aussi partie de certains rituels d’initiation chamanique comme la marche sur les braises, une épreuve que l’on doit subir afin de vaincre ses peurs. Mais le feu est ambivalent, on ne peut le nier : il peut tout détruire en quelques minutes, comme une forêt, mais il a également le pouvoir de régénérer la terre après avoir brûlé les herbes et broussailles, et ses cendres vont à nouveau fertiliser et féconder la terre après la pluie. Tout comme le Soleil, ce feu céleste, le feu terrestre nous réchauffe, nous alimente, nous protège, nous réjouit ; il nous illumine et attise notre énergie vitale.

Tatewari, le grand-père feu

Les Indiens Huichols, ou Wixáritari, peuple indigène du centre-ouest du Mexique, continuent de vénérer le feu qu’ils appellent Tatewari (« grand-père ») ; ils lui adressent leurs prières, comme à un être vivant, et lui demandent la permission de faire le pèlerinage à Wirikuta (lieu sacré du centre du Mexique, où fut « créé le monde » et où pousse le peyotl) afin que tout se passe bien. « Maintenant que le Soleil s’est caché, tu es présent avec nous, Tatewari , nous allons faire la fête et toi, tu nous protégeras durant cette nuit. » Comme le raconte Don Matsiwa, chaman et artiste Huichol, « c’est dans le feu que nous renvoyons les maladies vers le Soleil, qui le transforme en pure lumière ». Et c’est bien là que réside le pouvoir magique du feu : dans la transformation de la matière. Avant de repartir vers leurs hameaux, les peyoteros se peignent le visage avec la racine Usha, de couleur jaune comme le Soleil, afin de conserver sur eux l’esprit du grand-père feu Tatewari.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


Tags sur la même thématique Chamanisme soleil feu rites chamaniques feu sacré

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