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Lyme, les co-infections en embuscade
La borréliose de Lyme toucherait à elle seule près de 15 % des humains. D’autres bactéries, virus et parasites noircissent le tableau clinique de cette pathologie atypique aujourd’hui encore difficile à diagnostiquer. Afin d’améliorer leur prise en charge et prévenir l’errance thérapeutique des patients, tentons avec Pierre-Yves Marion de mieux comprendre ces co-infections.
En regroupant 89 études internationales réalisées sur 160 000 participants à travers le monde, les chercheurs de cette méta-analyse publiée mardi 14 juin dans la revue BMJ Global Health ont découvert dans le sang de 14,5 % d’entre eux la présence des anticorps dirigés contre la Borrelia burgdorferi sensu lato, responsable de la borreliose de Lyme. Ce chiffre, déjà impressionnant, est probablement minimisé, considérant le non-consensus existant devant la fiabilité des tests sérologiques Elisa et Western Blot utilisés dans le cadre de ces études. De plus, ces résultats portent sur le complexe Borrelia burgdorferi sensu lato – soit 18 espèces de spirochètes –, mais ignorent les autres co-infections – Bartonella, Babesia, divers virus et champignons – transmises par les tiques, y compris la souche Borrelia myamotoi.
Borrelia : pas la seule fautive
De nombreux pathogènes ont appris à vivre à l’intérieur de l’organisme en catimini. Pierre-Yves Marion, naturopathe spécialisé dans la maladie de Lyme*, qui a exercé en tant que médecin généraliste à la bien connue clinique BCA (Borreliose Clinic Augsburg) en Allemagne entre 2016 et 2018, nous livre son expertise afin d’y voir plus clair dans le rôle des co-infections res.ponsables des formes chroniques.
Les bactéries, virus et parasites, explique-t-il, « sécrètent différentes toxines qui leur permettent de tromper l’attention du système immunitaire ». Ce sont des organismes dont nous sommes l’hôte toute notre vie sans nous en rendre compte. Les co-infections prennent la pleine mesure de leur talent lors de l’arrivée de Borrelia, qui vient modifier le fonctionnement du système immunitaire. C’est à ce moment que la maladie de Lyme se déclenche. « C’est un travail d’équipe. Ces co-infections prennent entièrement part à l’opération. C’est essentiel de savoir cela dans le trai.tement de la maladie de Lyme. Si le traite.ment ne s’intéresse qu’à Borrelia, la mala.die persistera car les autres pathogènes auront le champ libre et prendront le relai sur le plan pathologique. »
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Les co-infections agissent-elles en l’absence de Borrelia ?
Ce serait « marginal ». Prenons l’exemple de la bactérie Bartonella, dont le fonctionnement est autonome, plus connue sous le nom de « maladie des griffes du chat ». « Elle est responsable de fortes fièvres et peut sans antibiothérapie aboutir à la mort », précise le naturopathe. Une fois traités, les symptômes disparaissent, mais la bactérie reste dans l’organisme. Il suffira d’une baisse de votre système immunitaire au cours de votre vie pour qu’elle réapparaisse. La plupart des co-infections fonctionnent de la sorte. Un autre exemple parlant : la famille des mycoplasmes respiratoires. Leur primo-infection peut être totalement invisible. Mais dans le cas d’une infection par un virus respiratoire, les Mycoplasma pneumoniae, déjà présents, vont profiter de la baisse de l’immunité due au virus pour déclencher une poussée infectieuse et donc une réaction inflammatoire. En règle générale cependant, la plupart des co-infections, sans contamination à la B. burgdorferi, restent dormantes, jusqu’à une prochaine crise.
Aux États-Unis, un effort collectif pour comprendre les co-infections
Se démarquant de la France où les autorités sanitaires peinent à reconnaître la chronicité de la maladie de Lyme et l’ampleur du rôle des co-infections dans cette dernière, un groupe de travail sur les maladies transmises par les tiques a été créé par le Congrès étatsunien en 2016. Baptisé Tick-Borne Disease Working Group, il a été approuvé par le secrétaire de la Santé et des Services sociaux afin d’améliorer la prise en charge globale au niveau fédéral.
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S’attaquer au triptyque Borrelia, Bartonella, Babesia
On fait face ici aux pathogènes « les plus dangereux pour l’organisme et qui nécessitent impérativement une prise en charge spécifique. Ce sont les deux co-infections [Bartonella et Babesia spp, NDLR] à rechercher de manière systématique », explique Pierre-Yves Marion. Il est essentiel d’établir le lien de causalité entre la contamination, l’infection et les symptômes. Contamination ne veut pas dire infection, infection n’est pas maladie. Leurs tests sérologiques se révélant encore moins fiables que pour Borrelia, le diagnostic clinique est privilégié. Si ces « trois B » sont suffisamment bien pris en charge, toutes les co-infections n’ont pas forcément à être traitées. « Pour Bartonella, deux signes sont très évocateurs : les acouphènes et le syndrome de Bannwarth. » Ce dernier est une méningoradiculite lymphocytaire, une inflammation de la racine du nerf à la sortie de la colonne vertébrale. Le malade a notamment des difficultés de préhension et peine à tenir sur ses jambes.
Le parasite Babesia est moins spécifique dans ses manifestations neurologiques. La plupart du temps, c’est un gros pour.voyeur de maux de tête, de troubles de la concentration et de la mémoire, dont les gens touchés se plaignent quasi continuellement. Le souci est que Borrelia peut à elle seule provoquer les mêmes symptômes. « Le seul signe qui peut garantir que Babesia est présent sont les sueurs nocturnes », mais leur absence ne signifie pas forcément l’absence de la Babesia. « C’est là que la balance bénéfices-risques importe. » Chaque malade étant différent, rappelle Pierre-Yves Marion, « la certitude passe par la fenêtre presque dès que les malades rentrent » [dans le cabinet, NDLR]. Face à un doute sur la présence d’un pathogène, le thérapeute doit toujours se demander si les potentiels effets secondaires d’un traitement – liés à la molécule ou à la possible réaction de Jarisch-Herxheimer – valent le risque de traiter le patient, afin d’en observer l’efficacité. Le « herx » est une réaction inflammatoire aiguë reconnaissable à l’exacerbation temporaire des symptômes lors de l’attaque d’une bactérie ou d’un parasite par un traitement de première intention, conventionnel ou non.
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Tests sérologiques en appoint
Les symptômes des Chlamydiae et Mycoplasma, installés en intracellulaire, « ne sont pas toujours très évocateurs ». Les patients décrivent « la fatigue, le brouillard mental, des attaques respiratoires et cardiaques assez spécifiques » (tachycardie, troubles du rythme cardiaque, palpitations)… souvent invisibles lors des examens radiologiques. Cela se produit en général lorsque « ces infections ont débordé sur le péricarde ». Contrairement aux autres co-infections, le test Elisa se révèle fiable pour les cytomégalovirus et la plupart des Chlamydiae et Mycoplasma. « Cherchant les anticorps dirigés contre la maladie, les tests [ceux pris en charge par la sécurité sociale sont l’Elisa puis le Western Blot en vérification, NDLR] ne font cependant qu’attester de notre exposition et ne sont pas capables de dire si l’infection est actuellement active. Ces tests ne peuvent donc jamais se substituer au diagnostic clinique », avertit Pierre-Yves Marion. Cela vaut pour tous les pathogènes. D’autant que, non pris en charge par la sécurité sociale, les tests représentent un coût certain pour les patients…
L’espoir de nouveaux tests pour les Borrelia
- Depuis 2016, les tests Phelix de l’université de Leicester (Grande-Bretagne), basés sur la présence massive dans notre organisme de virus tueurs de bactéries, suscitent l’espoir. Avec une sensibilité cinq fois supérieure aux sérologies classiques, sont d’ores et déjà acces.sibles au public, via le laboratoire Red Labs, ceux détectant Borrelia burgdorferi sensu lato, ainsi qu’un large éventail de Rickettsia.
- Le laboratoire Infectolab Americas de Minneapolis (États-Unis) a développé un nouveau test Elispot. Il repère les lymphocytes T activés par une réponse immunitaire de l’organisme et constitue une analyse de 20 à 200 fois plus sensible qu’un Elisa conventionnel. Il est disponible pour plusieurs pathogènes dont Borrelia burgdorferi et miyamotoi, Anaplasma, Ehrlichia, Babesia microti et Bartonella henselae.
Prix des tests (non remboursés). Phelix Phage : 235 € + 25 € de frais de port. Elispot : 170 €.
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Les cellules assiégées
« Lorsque des cellules sont infectées par un virus, elles altèrent le fonctionnement de leur mitochondrie. » À défaut de produire de l’énergie, elles vont fabriquer des radicaux libres et de l’acide lactique, ceci afin d’éviter que le virus ne se réplique. « Elles s’auto-empoisonnent d’une certaine manière pour préserver les cellules autour. Ce système se met en place contre les virus et les bactéries intracellulaires [Rickettsia, Chlamydiae…, NDLR] et rend les cellules moins performantes. » Elles ont alors deux options : mourir ou se placer en veille. « Si cela arrive à une cellule de notre foie, ce n’est pas dramatique, mais quand cela arrive à l’un de nos neurones, il cesse de fonctionner et se réactivera quand il aura éliminé toutes les toxines. » Ce processus engendre le symptôme bien connu des « lymés » qu’est la fatigue chronique, due à une asphyxie cellulaire.
Le Candida albicans : « la cerise sur le gâteau »
Dans cette image, visualisons la borreliose de Lyme comme le gâteau, la dysbiose intestinale comme le glaçage. C’est lorsque ces deux maux sont réunis qu’interviennent les Candidas albicans, la « cerise sur le gâteau », selon Pierre-Yves Marion. « Au même titre que les virus sont trop nombreux pour être tués, les C. albi.cans, eux, sont trop solides. Le champignon lui-même fabrique des toxines qui peuvent participer au problème », c’est-à-dire aggraver l’état d’une personne atteinte par Lyme, « mais ce problème est créé par les infections sous-jacentes. Un champignon ne se développe que quand les conditions s’y prêtent. » Une personne saine peut avoir des C. albicans, mais qui « restent à l’état torpide ». Les traiter avec des antifongiques peut aider mais si l’on ne s’attaque pas au gâteau, ces derniers referont toujours sur.face. « Le terrain bactériologique doit être suffisamment affaibli pour que le Candida n’ait pas les moyens de repousser. » C’est un peu la même logique en ce qui concerne Anaplasma, Ehrlichia et Rickettsia. Ces bactéries, « si elles passent sous le radar, seront rattrapées [c’est-à-dire traitées, NDLR] par le traite.ment mis en place contre les trois B ».
* Voir son site : survilyme.com
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