Pour consulter le site sans publicités inscrivez-vous

Vigilance : les tiques peuvent aussi provoquer des encéphalites

  • L'encéphalite à tiques, maintenant à déclaration obligatoireL'encéphalite à tiques, maintenant à déclaration obligatoire
Article 100% numérique

La présence des tiques sur notre sol est loin d’être anodine, comme le relève le programme de recherche CiTIQUE qui les cartographie et recense les piqûres. Dans les sous-bois et même dans nos jardins, les tiques peuvent transmettre diverses maladies comme la maintenant bien connue borréliose de Lyme (bactérie), mais également l’encéphalite à tiques. Plus méconnue, cette dernière vient juste d’être décrétée « maladie à déclaration obligatoire » pour mieux la diagnostiquer. Apprenez à en repérer les symptômes.

L’encéphalite à tiques ou méningo-encéphalite est une maladie infectieuse, de la famille des arbovirus, transmise par le virus TBE (Tick-borne encephalitis). En France, on recense chaque année en moyenne une vingtaine de cas graves avec « un pic de vingt-cinq cas en 2018 », selon Isabelle Leparc-Goffart, directrice du Centre national de référence des arbovirus (CNR). D’après ses données, « la France est un pays à faible incidence comparée à la Suisse ou la Pologne par exemple ». Le virus TBE circule surtout dans l’est de la France : principalement en Alsace, quelques cas dans la Loire et la Haute-Loire, dans le Livradois-Forez et en Auvergne-Rhône-Alpes.

En juin 2020, il y a eu une contamination exceptionnelle dans l’Ain : une quarantaine de personnes ont été infectées après avoir consommé du fromage de chèvre au lait cru. « Les chèvres ont été infectées par l’encéphalite à tiques et ont transmis le virus via leur lait. C’est un cas de contamination indirecte du TBE assez rare, et nous allons d’ailleurs publier un article scientifique sur ce foyer de l’Ain », précise le Dr Isabelle Leparc-Goffart. Au-delà de cet événement particulier, le mode de transmission habituel est la piqûre de tique. Une transmission qui augmente légèrement depuis environ cinq ans, observe le professeur Yves Hansmann, infectiologue au CHU de Strasbourg et expert en TBE : « La proximité avec la Suisse, où le virus circule plus, joue un rôle assurément. » C’est d’ailleurs en Suisse que Déborah Jublin, naturopathe spécialisée dans la maladie de Lyme et membre de l’association Lyme Europe Tour, a pris conscience que les tiques transmettaient non seulement des bactéries, mais aussi ce virus TBE : « Le chercheur expert Werner Tischhauser, créateur de l’application suisse interactive Tiques, m’a expliqué comment l’encéphalite à tiques avait gagné peu à peu tout le territoire suisse. Je me suis aperçue que les professionnels de santé français sont très peu informés sur cette maladie. »

« Je ne pouvais plus me déplacer seule »

Lucie, 37 ans, est éleveuse et monitrice de ski dans le Vercors. L’an dernier, début juillet, elle se fait piquer par une tique. Peu de temps après, elle ressent « des courbatures, de la fatigue, de la fièvre, plus aucune énergie » pendant une petite semaine. Puis ça s’arrête. Mais, fin juillet, son état s’aggrave soudain : « J’avais de la fièvre, un énorme mal de tête, les cervicales bloquées et mon corps ne me portait plus du tout. J’ai perdu 7 kilos en cinq jours. Je suis devenue incapable de me déplacer seule. » S’ensuit alors une errance médicale pour arriver à diagnostiquer ses symptômes. Son médecin généraliste pense d’abord au Covid, mais les raideurs dans la nuque de Lucie inquiètent fortement son père, lui-même médecin homéopathe. Il craint un syndrome méningé. Les analyses dans un premier hôpital ne donnent rien, puis direction les urgences du CHU de Grenoble où le père de Lucie insiste pour que des analyses plus poussées soient faites. D’autant qu’ils ont entendu parler de l’encéphalite à tiques par un ami suisse de la famille, spéléologue, lui-même infecté. Après une ponction lombaire, le diagnostic tombe : c’est bien une encéphalite à tiques. Lucie reste alors une semaine en observation au service infectiologie avant de repartir chez elle très affaiblie.

Entre deux et vingt-huit jours d’incubation

L’exemple de Lucie illustre la forme sévère de la maladie. Mais, selon le Pr Yves Hansmann, « la grande majorité des personnes infectées par l’encéphalite à tiques présente des formes asymptomatiques ou un syndrome pseudo-grippal qui passe tout seul. Souvent, les gens ne s’aperçoivent pas qu’ils sont malades et ne consultent pas. C’est lorsqu’ils ont des atteintes neurologiques qu’ils viennent à l’hôpital ». D’après les données du CNR, le temps d’incubation du virus TBE est de deux à vingt-huit jours, avec une forme asymptomatique pour 70 à 80 % des personnes infectées.

Les formes symptomatiques concernent 2 à 30 % des personnes qui développent en phase 1 un syndrome pseudo-grippal avec fièvre, céphalées, douleurs articulaires… Certaines personnes basculent en phase 2 avec des symptômes neurologiques type méningite : « état de confusion, troubles de l’équilibre, rares convulsions et, dans les formes vraiment gravissimes, le coma », explique le Pr Yves Hansmann qui suit ces cas-là dans son service. Ce sont eux qui sont comptabilisés dans la vingtaine à trentaine de cas annuels recensés officiellement. Impossible de savoir en réalité combien de personnes sont touchées chaque année par le TBE. Si tous les âges sont concernés, il note plus d’incidences chez les jeunes et les enfants.

Lire aussi De nouvelles tiques hybrides vecteurs de maladies mortelles en Russie

Maladie à déclaration obligatoire

Selon le Pr Hansmann, les études de séroprévalence relèvent que «sur l’ensemble d’une population donnée ayant une exposition professionnelle aux piqûres de tiques [activités forestières, agricoles, parcs et jardins NDLR], 2 à 5 % des personnes ont été en contact avec le virus TBE dans l’Est de la France. Un taux assez faible mais qui représente bien évidemment beaucoup plus de gens que la vingtaine à trentaine de cas graves enregistrés par an ». Le virus circule donc plus qu’on ne l’imagine, le plus souvent sous une forme silencieuse et asymptomatique.

Et pour détecter les formes symptomatiques et faire remonter les cas identifiés, encore faut-il connaître le virus TBE et savoir diagnostiquer la maladie. Or l’errance médicale de Lucie, qui a eu du mal à faire « analyser » sa maladie, prouve que l’information sur le TBE est encore très méconnue chez les médecins. C’est la raison pour laquelle le Dr Isabelle Leparc-Goffart a œuvré avec nombre d'épidémiologistes pour que l’encéphalite à tiques devienne une maladie à déclaration obligatoire : « Cette obligation permettra de sensibiliser tous les professionnels de santé à cette maladie et d’augmenter le niveau national de surveillance du virus TBE. » Le décret instituant la déclaration obligatoire de l’encéphalite à tiques vient d’ailleurs d’être publié au Journal officiel – le 12 mai dernier.

Pas de traitement…

Pour diagnostiquer l’encéphalite à tiques, il faut faire un test sérologique et une ponction lombaire. Mais, relève le Pr Hansmann, « excepté l’institut de virologie de Strasbourg et le Centre national de référence des arbovirus, très peu de laboratoires pratiquent actuellement des tests TBE ».

L’autre problème, plus crucial, c’est qu’il n’existe à ce jour aucun traitement de référence. Des chercheurs de l’université américaine Rockefeller ont identifié in vitro des anticorps capables de neutraliser la méningo-encéphalite. Une piste prometteuse, mais d’ici là, à part donner des antipyrétiques (pour faire baisser la fièvre), le patient doit attendre que son organisme élimine de lui-même le virus, ce qui peut prendre longtemps. Lucie commence tout juste à sentir les bénéfices de ses deux séances de kinésithérapie hebdomadaires après huit mois de lutte quotidienne contre la maladie : « J’ai retrouvé ma motricité, mais les gestes du quotidien restent difficiles. C’est un combat de chaque jour pour récupérer. Je m’aide aussi avec de l’acupuncture et de l’homéopathie. » Comme pour toute infection, il est important de soutenir aussi le système immunitaire, souligne la naturopathe Déborah Jublin, en prenant « du zinc, de la vitamine D, de la vitamine C liposomale, mieux assimilée, des oligoéléments type cuivre, or, argent ». Elle conseille aussi la mycothérapie avec des champignons médicinaux comme le coriolus versicolor et le cordyceps sinensis, puissants antiviraux et riches en bêta-glucanes qui « interviennent dans l’immunomodulation ».

…mais de la prévention

Pour éviter les piqûres de tiques, les gestes de prévention essentiels sont : se promener en portant des vêtements longs et des chaussettes montantes, et bien s’inspecter en rentrant. Si on trouve une tique, surtout ne pas mettre d’éther, d’huile ou autre, mais l’enlever avec une pince adéquate dans un geste tournant-dévissant et consulter un médecin si des symptômes inhabituels apparaissent dans le mois qui suit la piqûre. L’encéphalite à tiques est pour le moment peu répandue en France, mais les vaccinations préventives recommandées par exemple en Autriche, en Allemagne ou en Suisse, démontrent que ce virus est virulent et en essor en Europe.

Lire aussi Lyme, la maladie qui fait transpirer la médecine

 

 


 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


Tags sur la même thématique Lyme encéphalite à tiques TBE tiques