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Alzheimer : une nouvelle piste, aussi responsable d’autres maladies liées à l’âge ?

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Un nouveau mécanisme cellulaire, récemment découvert, pourrait expliquer en grande partie la dégénérescence observée dans le cadre d’Alzheimer, mais concerner aussi d’autres pathologies associées au vieillissement.

La maladie d’Alzheimer n’a toujours pas d’explication certaine. La science constate seulement que deux types de lésions caractérisent la phase « aiguë » de la maladie : les dépôts amyloïdes (dus aux protéines du même nom) et les dégénérescences neurofibrillaires (causées par l’hyperphosphorylation des protéines Tau). Pour autant, ces deux phénomènes n’en sont peut-être pas la cause « originelle ».En effet, les différents essais cliniques qui, depuis plusieurs années, ont ciblé ces protéines, n’ont pas eu les résultats escomptés.

Alzheimer commencerait bien avant les premiers symptômes manifestes

Devant l’impasse de ces faibles résultats, certaines recherches prennent d’autres directions. Le stress chronique fait partie des pistes étudiées actuellement : il pourrait constituer la source véritable de cette maladie dégénérative, en tant qu’accélérateur du vieillissement.

Il apparaît en effet certain maintenant que les premiers symptômes d’Alzheimer résultent d’une longue évolution silencieuse préalable ; un « continuum » qui se manifeste, aux premiers stades, par une déficience cognitive légère, mais pas suffisamment prononcée ou flagrante pour affecter de manière significatives les activités quotidiennes. Les personnes atteintes peuvent ainsi très bien se plaindre occasionnellement de déficiences subtiles et afficher des performances normales dans les tests standards.

Toute la difficulté réside dans cette détection précoce, sachant que les chances de ralentir l’évolution de la maladie sont maximales quand on intervient aux stades les plus précoces . Aux habituelles imageries cérébrales (PET scan et IRM) et aux invasives ponctions lombaires se substitueront vraisemblablement, dans un avenir proche, de nouveaux marqueurs sanguins, salivaires, urinaires, rétiniens ou encore la nouvelle technique d’imagerie « légère » dénommée « magnétoencéphalographie » – utilisant un bonnet criblé de capteurs à poser sur le crâne – qui devraient permettre un diagnostic plus en amont que les examens actuels.

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Le stress chronique, assez puissant pour initier Alzheimer ?

Plusieurs études (1) se sont penchées sur la responsabilité du stress chronique dans l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Il est établi que le stress affecte de multiples voies neuronales et systèmes cérébraux , activant notamment le système nerveux sympathique et l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Ce qui se traduit par une importante production de cortisol ; or cette hormone est capable de traverser la barrière hémato-encéphalique pour se lier aux récepteurs neuronaux situés sur l’hippocampe, l’amygdale et le cortex préfrontal. Par ailleurs, la réponse de l’organisme au stress chronique implique également le système immunitaire, par la production de cytokines pro-inflammatoires capables d’influencer directement l’activité neuronale dans le cerveau.

Ces déséquilibres, lorsqu’ils perdurent, conduisent à un vieillissement accéléré . Ils ont d’ailleurs encore plus d’impact avec l’âge, la capacité de résistance au stress chronique et à ses conséquences diminuant nettement chez les séniors. Une étude (2) suédoise révèle que des personnes de 18 à 65 ans soumises au stress chronique ou à la dépression ont un risque deux fois plus élevé de contracter Alzheimer, et que ce risque est même quatre fois plus élevé quand les deux conditions sont réunies.

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La protéine ATM, peut-être la clé dans le processus dégénératif

Devant le manque de succès des traitements ciblant les plaques amyloïdes et l’accumulation de protéine Tau, une équipe de recherche de l’Inserm a décidé d’investiguer (3) plus en amont, le stress dit « oxydatif » qui, lorsqu’il n’est plus correctement jugulé par l’organisme, conduit au vieillissement accéléré. La maladie d’Alzheimer est alors envisagée comme une symptomatologie parmi d’autres du vieillissement global de la personne.

L’équipe s’est ainsi aperçue qu’une autre protéine semblait décisive : dénommée « ATM » (ataxia telangiectasia mutated), cette molécule est impliquée dans la détection et la réparation des cassures double-brin de l’ADN et dans le contrôle du cycle cellulaire. Elle semble une actrice majeure de la réponse à toute forme de stress oxydatif.

Ce type de stress se caractérise par la formation massive des fameux radicaux libres (qu’on appelle désormais « espèces radicalaires oxygénées » ou « espèces réactives de l’oxygène », ou ERO), chimiquement très réactifs, au point de pouvoir endommager (littéralement « casser ») l’ADN.

Les chercheurs ont remarqué qu’ à la suite d’un stress oxydatif , dû par exemple à une irradiation ou à une exposition à des métaux lourds ou à des pesticides, de nombreuses copies de la protéine ATM sont produites dans le cytoplasme de la cellule puis dirigées vers le noyau pour y détecter et réparer les cassures de l’ADN.

L’ennui, c’est que la migration d’ATM peut être entravée lorsque la protéine rencontre et se lie à d’autres protéines durant ce processus. Ces « nouvelles » protéines, appelées « X », peuvent être de nature très diverse selon les individus et selon le tissu que l’on considère et les troubles auxquels il est soumis. Selon les auteurs, c’est possiblement ces protéines X, au travers de leurs mutations, qui sont à l’origine des maladies.

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Une accumulation de cassures de l’ADN menant à la dégénérescence puis à la mort cellulaire

Dans le cas d’Alzheimer, la protéine X la plus crédible semble être l’apolipoprotéine E, ou APOE, en raison du fort polymorphisme qui lui est attribué chez une grande majorité des malades et de ses sites d’interaction préférentielle avec l’ATM.

En étudiant dix lignées de cellules de peau provenant de patients Alzheimer à différents stades de la maladie, l’équipe de l’Inserm a constaté que toutes présentaient systématiquement une surexpression de la protéine APOE autour du noyau .

Le scénario envisagé serait donc le suivant : un stress oxydatif – quelle qu’en soit l’origine, endogène ou exogène – entraîne la surexpression d’APOE , qui favorise la « capture » et l’agglutination avec l’ATM autour du noyau, pendant que les cassures de l’ADN dues au stress se multiplient sans pouvoir être réparées (du fait de l’immobilisation de l’ATM), jusqu’à la dégénérescence, puis la mort de la cellule.

D’où l’idée que tout porteur de cellules surexprimant la protéine APOE autour du noyau pourrait être prédisposé à la maladie d’Alzheimer – et la tentation d’en dériver un outil de diagnostic précoce, comme c’est à l’étude chez Neolys Diagnostics, dans le Bas-Rhin.

Une approche moléculaire aussi valable pour d’autres maladies dégénératives ?

L’équipe de l’Inserm a également observé ce processus sur d’autres maladies comme le rétinoblastome, la myopathie de Duchenne, la maladie de Huntington, la sclérose tubéreuse de Bourneville ou encore le syndrome de Usher, avec à chaque fois une autre protéine spécifique dans le rôle de la protéine X neutralisant l’ATM. Cette capture de la protéine ATM pourrait donc constituer une clé importante dans le déclenchement et l’évolution du vieillissement prématuré et de nombreuses maladies. Ainsi que dans l’initiation de nouvelles voies thérapeutiques.

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Références bibliographiques

(1) «The Role of Chronic Stress as a Trigger for the Alzheimer Disease Continuum», Frontiers in Aging Neuroscience, octobre 2020 - https://doi.org/10.3389/fnagi.2020.561504

(2) « Stress, depression, and risk of dementia – a cohort study in the total population between 18 and 65 years old in Region Stockholm», Alzheimer’s Research & Therapy , octobre 2023 - https://doi.org/10.1186/s13195-023-01308-4

 

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