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Acupuncture : du bon usage du temps pour guérir

  • Les intestins sont le trait d’union entre le temps et la maladie.Les intestins sont le trait d’union entre le temps et la maladie.
Article paru dans le journal nº 107

« C’est la maladie du siècle », « c’est dans l’air du temps »… Ces expressions courantes sont symptomatiques du rôle du temps dans les déséquilibres énergétiques pouvant occasionner des maladies complexes. En tant que thérapeutes, le rapport au temps est donc à prendre en considération lors de l’anamnèse de nos patients. La preuve par la chronopuncture, une forme d’acupuncture qui utilise aussi les aiguilles… du temps.

«Aiôn », « Chronos », « Kaïros », la pensée grecque a très bien développé ce qu’est le temps, ou plutôt les temps. Instruisons-nous de cette pensée. Il y a Aiôn, le temps qui passe : une seconde succède à la précédente et cela dans un écoulement perpétuel. C’est le sablier ou la clepsydre des Chinois, qui ont très tôt cherché à « mesurer » le temps. Aiôn est compté du moment de notre première respiration à notre dernier souffle. Il y a Chronos, le temps cyclique. Les saisons, le lever et le coucher appartiennent à Chronos. Une maladie qui revient à date fixe ou presque est une maladie chronos. Et il y a une proximité évidente entre ce dieu Chronos et une maladie chronique ! Enfin, il y a Kaïros, le temps de la coïncidence, de la synchronicité jungienne, du « bien faire au bon moment ». C’est le temps où l’homme ne laisse plus son propre temps fuir entre ses mains mais l’accepte et en devient responsable. Il devient acteur de sa santé et ne s’en remet pas au jugement des dieux ou d’autrui.

Dans la pensée chinoise et particulièrement dans son approche de la santé au travers de l’acupuncture, qu’est-ce qui est le « mensurateur » du temps ? C’est le gros intestin. Tentons de voir comment cela se manifeste.

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Le temps qui passe et donc le vieillissement, avons-nous dit, c’est Aiôn. Dans les intestins, les villosités sont comme des toboggans de vie et de mort. La cellule croît en « montant » le long de la villosité et meurt en « redescendant ». Ce cycle de vie et de mort à l’échelle de la cellule peut se reproduire une cinquantaine de fois (limite de Hayflick). En se dupliquant, la cellule prend de l’énergie au bout du brin d’ADN, le télomère, qui perd peu à peu de sa longueur. La longueur minimum étant celle de Hayflick. Lorsque cette dernière est atteinte, la cellule entre en sénescence. Cela entraîne le vieillissement mais aussi la sénescence immunitaire et donc une fragilité devant les attaques virales. Un autre phénomène intéressant aussi les intestins est son microbiote. Celui-ci est varié, mais plus nous vieillissons, plus sa diversité se restreint, au point d’en arriver à une homogénéité du microbiote. Il est clair alors que le temps intestinal devient un pourvoyeur de maladies. Les Chinois avaient très vite compris cela en choisissant pour traiter le gros intestin (GI) un point d’acupuncture très particulier, le 5 GI Zhong Kui (Yang Xi), associé à la Grande Ourse. En effet, cette constellation, aussi nommée le Boisseau septentrional, indique par sa rotation journalière autour du ciel le temps qui passe.

La clepsydre, une horloge en deux pots trois mouvements

Les Chinois ont très tôt tenté de mesurer le temps. La clepsydreune horloge à eau, était constituée de deux pots en terre, l’un placé au-dessus de l’autre. Le premier, rempli d’eau avec un trou dans le fond, s’écoulait dans le second qui était gradué et étalonné sur la course nocturne des étoiles. Cela permit aux Chinois de déterminer la rotation de la Terre sur elle-même (24 heures) et celle autour du soleil (23 h 56 min). Et plus encore, la vitesse de propagation de l’énergie et du souffle dans les méridiens d’acupuncture.

Le temps Chronos, lui, est chronique et cyclique. C’est le temps des cinq saisons chinoises représentées par les quatre saisons « classiques » intercalées de quatre intersaisons qui permettent le passage en douceur d’une saison à une autre. Ces saisons sont le modèle cosmologique et énergétique de l’acupuncture traditionnelle. Mais qui dit cyclique dit aussi des maladies chroniques, qui reviennent, telles les allergies printanières. Un point du gros intestin est attribué à cette constatation cyclique, le 13 GI Ou Li (Wou Li). Wou, c’est cinq, et Li, ce sont des rigoles d’irrigation, rôle dévolu encore une fois aux intestins. La règle à propos de ce point est de ne pas le piquer plus de cinq fois sur le même individu au cours de sa vie. C’est un fait notable que si nous devons agir plus de cinq fois, cela signifie que nous n’avons pas réglé le problème et que notre patient est toujours sous la dépendance de cette maladie qui réapparaît à chaque cycle.

Le temps Kaïros, celui qui nous synchronise, est aussi indiqué par un point du méridien du gros intestin. Il s’agit du 20 GI, Inn Siang (Yingxiang), accueil des parfums. Ce point nous permet de recevoir les odeurs qui nourrissent le Yang général de notre organisme. Il semble étonnant de parler de ce point pour aborder une notion de vieillissement. Pourtant, il y a une proximité entre le nez et l’anus, et ce dès l’embryogenèse. Les deux sont aux extrémités de notre tube digestif, un peu comme le sont les télomères aux extrémités des brins d’ADN. Il y a une vraie relation entre les odeurs du haut, qui entrent, et celles du bas, qui sortent. Il est clair que nous sommes attirés par celles qui éveillent nos sens et qui nous donnent du plaisir. C’est par ce biais que nous stimulons la sérotonine, l’hormone du bonheur. Elle peut être produite par des émotions, mais nous savons aujourd’hui que celles-ci sont hyperstimulées par les odeurs – voir la madeleine de M. Proust.

Les odeurs sont liées en grande partie à notre microbiote. Elles sont plus ou moins fortes en fonction de la quantité de bactéries et de virus qui travaillent. Moins de bactéries et plus de stagnation entraînent putréfaction et odeurs nauséabondes. Les odeurs reçues ou émises reflètent ainsi notre état de santé par le truchement de ce microbiote. Le 20 GI stimule notre symbiote et finalement notre santé.

Kaïros nous invite donc à prendre notre vie en main et à ne pas être passifs devant notre vieillissement. Nous pouvons par exemple choisir de manger différemment en fonction de notre âge et des odeurs produites par notre corps. Certes, nous vieillirons et nous sommes encore mortels, et tant mieux. Mais tout est là, dans notre ventre, qui est celui qui sera en première ligne devant la maladie. En acupuncture, le gros intestin produit en effet une énergie nommée Oe (Wei) qui permet au corps humain de se défendre devant l’envahisseur, qu’il soit bactérien ou viral.

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Problème essentiel de notre temps : sans doute celui du temps ! Tout va vite, trop vite et nous ne prenons plus ni ne donnons plus de temps à notre corps pour se réparer, se réagencer, cicatriser. Il faut un médicament contre la fièvre, la diarrhée, la constipation, la maladie de Crohn. Cette dernière est une maladie inflammatoire et surtout immunitaire. Il n’y a plus de temps pour le temps. Toutes les personnes atteintes de Crohn sont inquiètes, anxieuses, agitées et toujours occupées. Leur horloge est devenue folle et il faut retrouver la saveur du temps qui passe. Un point éveille la curiosité, le 26 E (estomac) Oae Ling (Wailing), qui signifie heurter, violer le temps extérieur. Ce point agit sur le long intestin, le grêle. Comment s’exprime le temps dans ce point ? Par un idéogramme qui explique que la lune est un marqueur temporel auquel nous devons obéir. Alors vous ne serez pas surpris d’apprendre que le 2 GI El Tsienn (Erjian) et le 3 GI San Tsienn (Sanjian) – sur le méridien du gros intestin – nous parlent aussi de cette lune qui marque le temps mensuel. D’autres pratiques se fondent sur les cycles naturels, telle la scapulomancie, dont on utilise les 50 baguettes de divination en référence aux 50 cycles de la cellule !

Le Yi Jing ou la divination à la baguette

Élaboré en Chine, il y a plus de 3 500 ans, le Yi Jing ou livre des mutations, système de « divination » appelé achilléomancie, se faisait sur des carapaces de tortues. Le chaman interprétait les fissures créées par le feu qui éclairait celui qui venait consulter. Les carapaces furent remplacées ensuite par des baguettes d’achillée qui permettaient de monter un hexagramme, figure constituée de six traits superposés. Au nombre de 64, les hexagrammes répondent à toutes les interrogations rencontrées dans la vie.

Dans une étude publiée dans Science*, François Legoux et Olivier Lantz montrent que certains lymphocytes T, reconnaissant un composé bactérien, ont besoin des bactéries intestinales pour se développer dans le thymus. Leurs expériences indiquent que certaines bactéries de l’intestin sécrètent ce composé qui voyage alors à travers le corps jusqu’au thymus, où il est capturé et présenté aux lymphocytes T immatures. Ces derniers le reconnaissant, maturent en réponse, puis augmentent en nombre et quittent le thymus pour se positionner dans les muqueuses, notamment intestinales. L’éducation dans le thymus de certains lymphocytes T repose donc sur des molécules du microbiote, ce qui bouleverse le paradigme actuel et suggère que le microbiote fait partie intégrante du soi immunitaire. Soixante pour cent de nos cellules immunitaires sont dans nos intestins !

Vous l’aurez compris, les intestins sont le trait d’union entre le temps et la maladie. Je crois, en tant que thérapeute depuis plus de quarante ans, que ce problème de temps est fondamental. Il fait partie des maladies du siècle, et nous avons grand intérêt à nous en préoccuper. Autant que de l’air que nous respirons, qui nous intoxique – et il semble utile de faire des cures du bol d’air Jacquier pour augmenter notre oxygène – et autant que de notre alimentation, devenue trop sucrée, ce qui modifie le terrain acido-basique de nos intestins.

Dans cette course effrénée en avant sans plus laisser la futilité ou la paresse s’inviter dans notre vie, il y a une sorte de frénésie à aller vers notre tombe. Nos intestins sont sensibles à ce temps qui passe, au temps qu’on leur accorde et au fait de les laisser parfois un peu vides. Les jeûnes de seize heures permettent de les soulager et de les laisser au repos. Ce repos tant mérité.

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Néanmoins, la course entre nos aspirations dans notre tête et la tranquillité de nos intestins peut engendrer des maladies. Le 56 V (vessie) Tchreng Tsinn (Chengjin) signifie « accepter la charge, corriger les intestins ». Les intestins ont donc aussi la capacité de nous aider dans notre Ming – destinée –, imposée par le poids de l’éducation, de la culture, des croyances. C’est notre devoir de savoir faire le tri entre ce qui est bon ou mauvais pour nous. Si ce tri est mal effectué, alors les impuretés remontent dans notre corps, créant toutes sortes de désordres énergétiques.

J’espère que ce rapide tour d’horizon vous aura permis de comprendre la place importante des intestins dans le maintien de la santé. Un déséquilibre de celui-ci, et voilà l’angoisse du temps qui nous étreint et la maladie qui se positionne pas très loin, cachée derrière notre frénésie compulsive.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


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