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Anosmie : quand votre odorat perd son flair
Nous n’avons jamais autant parlé d’anosmie que depuis le début de la pandémie. Les symptômes de perte d’odorat chez les malades du coronavirus sont si courants qu’il est difficile de ne pas les évoquer et de réfléchir sur ce trouble déroutant, pénible et parfois long à disparaître.
Les mécanismes en jeu dans l’anosmie liée au virus ont été en partie élucidés par des chercheurs français. La perte de l’odorat fait partie des symptômes fréquents relatés dès le début de la pandémie. L’hypothèse communément admise était jusqu’à peu qu’un œdème temporaire installé au niveau des fentes olfactives barrait le passage de l’air qui transporte les molécules odorantes vers les cellules nerveuses olfactives. Cette explication, qui colle parfaitement au nez bouché lors d’un gros rhume, ne s’avère pas satisfaisante en cas de Covid-19.
Du nouveau dans l’anosmie
Le boom de ces deux dernières années sur l’anosmie liée au Covid-19 a permis de faire un bond de géant, bingo ! Un collectif de chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Inserm et de l’Université de Paris et de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris a publié dans la revue Science Translational Medicine1 en juin 2021 des résultats étonnants. Le SARS-CoV-2 semble bien infecter les neurones sensoriels et provoquer une inflammation persistante de l’épithélium et du système nerveux olfactif. Cette étude dévoile que les tests RT-PCR pratiqués sur les écouvillonnages nasopharyngés se révèlent parfois négatifs bien que le virus persiste au fond des cavités nasales, dans l’épithélium olfactif. Un brossage nasal pourrait donc être envisagé pour compléter le PCR de patients ayant une perte d’odorat. Cette étude met aussi à jour les différentes étapes qui conduisent à la perte d’odorat en cas d’infection au coronavirus. Les cils portés par les neurones sensoriels qui permettent de réceptionner les molécules odorantes disparaissent ; le virus est présent dans les neurones sensoriels ; l’épithélium olfactif est déstructuré en raison du phénomène de mort cellulaire ; le virus envahit le bulbe olfactif et pour conclure, la neuroinflammation et l’ARN viral se diffusent dans plusieurs parties du cerveau. La perte de l’odorat serait aussi la conséquence de la dégradation de l’organe sensoriel situé au fond des cavités nasales. Les chercheurs émettent l’hypothèse que l’infection des neurones olfactifs serait pour le virus un des moyens – comme le passage direct de la barrière hémato-encéphalique mis en évidence fin octobre 2021 par une équipe lilloise – d’accéder au cerveau. Ceci expliquerait les manifestations psychologiques et neurologiques vécues par certains patients : troubles anxieux, déprime ou dépression, déclin cognitif, etc.
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Ni goût ni odeur, une vie fade !
Selon les sources, entre 60 et 80 % des malades de la Covid-19 ont souffert d’une perte totale ou partielle d’odorat, très souvent accompagnée d’une perte de goût (agueusie). Il n’est pas rare que cette anosmie perdure plus de cinq à six mois. Si on y voit un peu plus clair concernant les étapes qui mènent à la perte d’odorat, les causes ne sont pas encore clairement établies. Dans une étude publiée en mars 2021 dans Neuroscience Letters, des neurologues italiens exposent des hypothèses pouvant expliquer l’inflammation qui altère les cellules du bulbe olfactif 2. La première indique que l’infection par le coronavirus induit une inflammation des cellules de l’épithélium olfactif, perturbant ainsi la perception des odeurs. La deuxième hypothèse serait d’envisager que les cellules situées au-delà de la barrière épithéliale soient infectées ou subiraient les effets d’une inflammation délétère. Une autre hypothèse suggère que le SARS-CoV-2 a une capacité neuro-invasive qui endommage les neurones. La perte du goût et de l’odorat serait ainsi la conséquence d’une blessure neurologique.
Les autres causes des troubles de l’odorat
Les troubles de l’odorat toucheraient environ 15 % de la population avec des causes diverses. Un bilan oto-rhino-laryngologique, des tests de l’odorat et des examens complémentaires peuvent dans plus de 80 % des cas en déterminer l’origine. Des sens humains, l’olfaction a été le plus négligée par la communauté scientifique, il reste donc beaucoup à découvrir sur le sujet. Il faut distinguer les troubles quantitatifs des troubles qualitatifs. L’anosmie ou hyposmie (diminution des performances de l’odorat) sont mesurables à l’aide de tests psychophysiques ou objectifs. Les troubles qualitatifs tels que la parosmie (distorsion d’une odeur vers une autre odeur, généralement désagréable) ou la fantosmie (odeur fantôme qui survient sans qu’une source d’odeur soit présente) sont subjectifs et plus rares que les troubles quantitatifs. Les causes les plus fréquemment répertoriées sont les états inflammatoires rhinosinusiens (un gonflement de la muqueuse nasale dû à une rhinite allergique ou lié à des polypes nasaux, rhinite chronique), une infection des voies aériennes hautes (infections virales ou bactériennes du nez et des sinus), les traumatismes crâniens (ils peuvent induire une déchirure du nerf olfactif qui relie le nerf au cerveau), une origine congénitale, les maladies neurologiques/neurodégénératives (Parkinson/Alzheimer), les pathologies telles qu’insuffisance rénale, diabète, maladies endocriniennes, un symptôme associé à une maladie systémique/métabolique ou alors secondaire à une tumeur, tel qu’un méningiome, des effets indésirables médicamenteux et/ou toxiques (substances toxiques ingérées ou inhalées comme la cocaïne) et le vieillissement physiologique de l’organe olfactif lié à l’âge. Près de 20 % des troubles de l’odorat restent à ce jour inexpliqués.
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Les conséquences de ces troubles à prendre au sérieux
Des accidents domestiques tels que l’ingestion d’aliments périmés ou la non-détection d’une fuite de gaz, la diminution du plaisir de s’alimenter ou de sentir les bonnes odeurs de la vie quotidienne, la perte de repère face à l’impossibilité de sentir ses propres émissions olfactives font partie des conséquences relatées. Cet inconfort extrêmement perturbant chez certaines personnes peut mener à une désocialisation et, dans certains cas, à une dépression. Le diagnostic des troubles de l’odorat repose sur une anamnèse approfondie qui prend en compte les circonstances d’apparition, la durée des troubles, les comorbidités, les opérations chirurgicales, les traitements en cours, l’exposition à des toxiques, etc. Elle est complétée par des examens cliniques de la sphère ORL, une endoscopie des cavités nasales, une évaluation des performances olfactives et, si besoin, une IRM cérébrale et des examens neurologiques.
Une rééducation quotidienne
Nombreux sont aujourd’hui les médecins et chercheurs qui vantent les bénéfices du « training olfactif » pour retrouver l’odorat perdu par les nombreux patients atteints de Covid-19. L’idée est de réunir des odeurs variées, prononcées et familières qui vont permettre, deux fois par jour, une stimulation olfactive. Épices, huiles essentielles, arômes et kit de training servent de support à la réorganisation du cerveau lésé par le virus.
Hirac Gurden, directeur de recherche en neurosciences au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), et Jean-Michel Maillard, président fondateur de l’association Anosmie, proposent un protocole 3 que vous pouvez retrouver sur www.anosmie.org. Il se base sur les travaux de recherche de Thomas Hummel, professeur à l’université de Dresde et référence mondiale de l’olfaction.
L’application Covidanosmie propose, elle aussi, un protocole basé sur l’inhalation d’huiles essentielles. Elle a été conçue à partir des travaux du CNRS à Paris, du CHU de Tours et de l’Association européenne des anosmiques.
Garder espoir ! Toujours !
Les troubles d’origine congénitale et ceux dus au vieillissement ne peuvent pas être traités. Bonne nouvelle toutefois, contrairement à l’ouïe et à la vue, l’olfaction a la capacité d’un renouvellement régulier. Comme la peau, l’épithélium olfactif se renouvelle à peu près tous les trois mois. La régénération se fait naturellement, plus ou moins rapidement mais ne sera que rarement complète. Après un traumatisme crânien, le taux de récupération des facultés d’une personne serait de 10 à 15 % seulement. Les troubles d’origine rhinosinusienne sont les plus faciles à traiter avec un traitement curatif (cortisone inhalée, par exemple) ou chirurgical (polypes, déviation de la cloison nasale…). En cas d’infections bactériennes, les antibiotiques peuvent être prescrits et les cures thermales d’une grande aide en cas de perte d’odorat due à une maladie virale chronique. Arrêter de fumer est conseillé car le tabagisme a une influence négative sur l’odorat, les anciens fumeurs en ont tous fait l’expérience. La paléoanthropologie explique qu’au cours de l’évolution, l’homme s’est adapté à son environnement et aux agressions extérieures pour survivre. Nos ancêtres recouraient donc à leur système olfactif comme véritable garant de leur survie et de leur adaptation. Avec le passage de l’alimentation crue à la cuisson, le système olfactif a décliné au profit du développement du sens du goût. Une voie possible pour stimuler l’odorat, et lui donner plus de place, est de privilégier l’alimentation crue, naturelle et non dénaturée par la cuisson. Bien mastiquer les aliments est également essentiel car cela permet de libérer un maximum de molécules odorantes. L’entraînement olfactif, d’une durée de quatre à six mois est vivement recommandé par les scientifiques et le corps médical. Il a l’avantage d’être naturel et sans effets secondaires contrairement aux corticoïdes qui peuvent provoquer « des effets indésirables comme la rétention d’eau, l’hypertension artérielle et des problèmes d’humeur et de comportement » comme explique Carl Philpott, spécialiste de la perte d’odorat à la faculté de médecine de Norwich. En outre, pour les personnes souffrant d’anosmie d’origine inflammatoire (rhinites chroniques ou allergiques), l’utilisation de spray à bases d’huiles essentielles décongestionnantes peut être préconisée. Les corticoïdes classiquement utilisés en cas d’anosmie ne sont pas recommandés en cas de coronavirus car ils affaibliraient les défenses immunitaires. Le lavage de nez ne fait pas l’unanimité ! Certains médecins évoquent des risques de dissémination virale le long des voies aériennes.
Références :
- G. Dias De Melo, F. Lazarini, S. Levallois et coll., « Covid-19 related anosmia is associated with viral persistence and inflammation in human olfactory epithelium and brain infection in hamsters », Science Translational Medicine, juin 2021.
- A. Mastrangelo, M. Bonato, P. Cinque, « Smell and taste disorders in Covid-19: From pathogenesis to clinical features and outcomes », Neuroscience Letters, mars 2021.
- F. Denis, A.-L. Septans, L. Periers et coll. « Olfactory Training and Visual Stimulation Assisted by a Web Application for Patients With Persistent Olfactory Dysfunction After SARS-CoV-2 Infection: Observational Study », Journal of Medical Internet Research, 2021.
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé
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