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Épices de table : la médecine du quotidien
Si toutes les cultures du monde ou presque ont fait appel aux épices pour réhausser le goût des plats c'est bien entendu pour des raisons culinaires mais aussi pour profiter de leurs nombreux bénéfices sur la santé, aujourd'hui bien établis. Dans cet article, nous vous proposons un zoom sur six épices incontournables, avec un éclairage sur leurs propriétés gustatives, thérapeutiques et énergétiques.
Les épices ont, de tout temps et sous toutes les latitudes, joint l’utile à l’agréable. Elles sont souvent utiles pour la conservation des aliments, grâce à leurs propriétés antimicrobiennes, notamment dans les zones tropicales où elles ont toujours été largement employées. Elles sont aussi bénéfiques pour la santé du fait de la polyvalence de leurs effets sur ladite santé et de leurs pouvoirs antioxydants, anti-inflammatoires, voire anti-cancer pour certaines. De plus, elles ont, pour qui sait les manier et les marier, l’art d’exalter les mets, d’en diversifier à l’infini les saveurs, tout en prévenant ou en permettant d’accompagner nombre de pathologies. On retrouve l’usage des épices dans toutes les civilisations, à la façon d’une médecine du quotidien, pour une cuisine à la fois savoureuse, subtile et vertueuse.
Les épices au coeur des médecines traditionnelles
Les aliments apportent bien entendu leur lot de nutriments (protéines, vitamines, minéraux, etc.), mais l’essentiel n’est pas là. Les épices ont en plus, telles des substances alchimiques et selon diverses traditions et médecines anciennes, comme les diététiques traditionnelles chinoise et ayurvédique, une dimension énergétique. Les aliments sont, pour les Chinois, classées par nature (chaud, froid, neutre) et par saveur (amer, salé, acide, doux, piquant), et les épices sont le plus souvent classées comme chaudes et piquantes. Pour cette raison, elles sont considérées comme stimulantes de l’énergie vitale, ou Qi, et des différents métabolismes. Elles sont aussi favorables au démarrage du feu digestif, autrement dit à une bonne digestion, et capables de réchauffer un organisme victime d’un « Vent Froid » (qu’on Occident on qualifierait de coup de froid) et de prévenir les maladies hivernales. Du point de vue ayurvédique, et dans la cuisine indienne en particulier, les épices ont une place centrale et sont adaptées à chaque constitution, ou dosha. Elles tendent, en outre, à imprégner les préparations culinaires de leur qualité énergétique et médicinale et ont pour cette raison un intérêt plus vaste que strictement nutritionnel.
Une richesse moléculaire incomparable
Les épices ont également, pour la plupart, un indice ORAC (capacités antioxydantes) et un indice PRAL (potentiel alcalinisant) des plus intéressants. En plus de présenter une grande variété de substances aromatiques, les épices sont riches en composés phytochimiques (polyphénols, terpénoïdes, anthocyanines, tanins, huiles essentielles, etc.) aux vertus anti-inflammatoires, anti-infectieuses et antioxydantes, capables de prévenir diverses maladies, notamment les maladies chroniques et cardiovasculaires.
Aussi les épices sont-elles plus intéressantes consommées en synergie, sous la forme de mélanges. Hormis les divers poivres et piments, dont la consommation excessive peut poser des problèmes digestifs, toutes les épices ou presque gagnent à être consommées quotidiennement, en les variant régulièrement.
Sur le plan pratique, il est préférable de conserver ses épices à l’abri de l’air, de la lumière et de l’humidité afin d’en préserver les précieux composés. Préférez, en outre, celles issues de l’agriculture biologique. Les épices produites en cultures intensives présentent des résidus de pesticides et subissent une irradiation ionisante lors de leur stérilisation, procédé qui leur fait perdre une partie de leurs nutriments.
Six épices de table à la loupe
Le curcuma (Curcuma longa)
On ne présente plus cette épice dont l’usage s’est répandu dans le monde entier à la faveur d’études de plus en plus nombreuses sur ses vertus. Son principal composé bioactif est la curcumine, molécule hautement antioxydante et anti-inflammatoire qui possède également des effets antiviraux, antibactériens, antifongiques et anti-cancer. Ses vertus sont nombreuses, notamment concernant les pathologies en lien avec l’inflammation : arthrose, dépression, déclin cognitif et pathologies neurodégénératives, troubles digestifs bénins, diabète (métabolisme des glucides), maladies cardiovasculaires, voire maladies auto-immunes, etc.
Le problème de la curcumine reste sa biodisponibilité dans le sang, une fois passée la barrière intestinale. C’est la raison pour laquelle il est recommandé d’associer le curcuma à la pipérine du poivre noir et à un corps gras (huile végétale par exemple) afin d’en augmenter l’absorption. Si, en grande quantité, le poivre noir peut abîmer la muqueuse et favoriser la perméabilité intestinale (ce qui explique certaines mises en garde récentes sur son usage dans les compléments alimentaires), la simple adjonction d’un peu de poivre dans l’alimentation ne pose pas de problème. Préférez, quand c’est possible, le curcuma frais et fraîchement râpé qui reste plus intéressant sous cette forme qu’en poudre.
Côté cuisine, le curcuma fait partie du curry, appelé aussi « cari », « karee » ou encore « colombo », qui signifie en réalité « plat », tandis que masala, en Inde, désigne un « mélange ». Ce mélange, composé d’une dizaine, voire davantage, d’épices et d’aromates, est variable d’une région à l’autre et doit sa teinte jaune orangé au curcuma.
Le curcuma colore et parfume toutes sortes de plats ainsi que le lait d’or, une boisson très vertueuse pour la santé associant curcuma, gingembre, cannelle et poivre noir mélangés dans un lait végétal sucré au miel. De petites quantités d’épices suffisent, avoir la main trop lourde pourrait altérer le goût. Les épices sont subtiles, leur dosage l’est aussi.
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Le gingembre (Zingiber officinale)
Les propriétés médicinales de ce rhizome sont reconnues depuis plusieurs millénaires par les pharmacopées ayurvédique, chinoises et d’Asie du Sud-Est. Anti-inflammatoire, analgésique, antiallergique, antimicrobien, hypoglycémiant, le gingembre est aussi un protecteur hépatique bien connu, aidant à prévenir les nausées et les vomissements (mal des transports, grossesse, etc.), stimuler et tonifier les différents métabolismes, notamment le métabolisme digestif.
Environ 40 composés antioxydants font du gingembre, plus encore quand il est consommé frais, un allié contre le stress oxydatif, le rhume ou la fatigue de la saison froide. Frais, il est riche en gingérol, aux nombreux bénéfices santé, qui se transforme en shogaol lorsqu’il est séché ou chauffé. En effet, certains des composés du gingembre résistent à la chaleur, ce qui permet de le cuire sans trop l’altérer.
En cuisine, il est prudent d’avoir la main légère, le gingembre est fort en goût. Il s’utilise en salade, en râpant dessus un peu de racine fraîche, pour la préparation d’une boisson revigorante ou encore associé à d’autres épices dans le curry et le tandoori.
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Composez votre garam tandoori !
Mélangez du gingembre, de la coriandre, du cumin, du piment, des clous de girofle, de l’ail et de la cannelle en poudre, en dosant plus ou moins l’une ou l’autre épice selon votre goût. Ce mélange sert à préparer, entre autres morceaux de viande, du poulet à laisser mariner au moins 12 heures dans une sauce à base de laitage (yaourt ou crème végétale) avant de faire cuire la préparation, à nouveau généreusement épicée, huilée et citronnée. La cuisson se fait traditionnellement dans un four en argile, mais un four moderne fera tout à fait l’affaire. Le poulet tandoori est servi avec du riz.
Le sumac (Rhus coriaria)
Riche en antioxydants (tanins, flavonoïdes, anthocyanine, acide gallique), ce qui lui vaut un indice ORAC des plus élevés, le sumac l’est aussi en minéraux (potassium, sodium, magnésium, calcium, fer, cuivre, zinc, manganèse et phosphore), en vitamines (B et C) et en acides gras.
Dans la pharmacopée orientale, le sumac est utilisé pour ses propriétés antiseptiques, antibactériennes et antifongiques. Il est surtout reconnu pour faciliter la digestion, apaiser les troubles digestifs et intestinaux (diarrhées, ulcère gastrique, constipation, flatulences), réguler la transpiration et faire diminuer la fièvre (action fébrifuge).
De couleur grenat, le sumac est issu des petites baies d’un arbre qui ont été cueillies, écrasées, séchées puis réduites en poudre. Bien connu de la cuisine moyenne-orientale, le sumac, naturellement salé, est idéal pour relever les plats sans les dénaturer. Il l’est aussi dans la préparation d’un houmous maison, en mélangeant une cuillère à café de sumac au reste des ingrédients (pois chiches, pâte de sésame, huile de sésame et jus de citron). En infusion, à raison d’une cuillère à café dans une tasse d’eau filtrée et chauffée à 70 °C pendant 7 à 10 minutes, le sumac offre également de nombreux bienfaits.
Le cumin (Cuminum cyminum)
De la même famille que le persil, le cumin est utilisé en cuisine, dans nos contrées, au moins depuis le Moyen Âge. Ailleurs, et notamment en Égypte ancienne, l’épice était utilisée autant pour soigner que comme support à la vénération : par exemple, les tombes des pharaons étaient parsemées de graines de cumin. De nombreux rites, à travers le temps, témoignent de ce type d’usage sacré.
Ne pas confondre le cumin avec le carvi ou le cumin noir dont les propriétés gustatives et thérapeutiques sont différentes. Le cumin est d’abord carminatif, c’est-à-dire qu’il facilite la digestion, ouvre l’appétit et apaise les troubles légers, tels que les coliques, les ballonnements et l’excès de gaz intestinaux, dont il favorise l’expulsion. Son arôme puissant aide, lui, à chasser les vers intestinaux. Le cumin participe aussi à une meilleure absorption des minéraux par le gros intestin. Le cumin est enfin galactogène, c’est-à-dire qu’il stimule la production de lait maternel chez les femmes allaitantes.
Croquer quelques grains de cumin avant le repas ouvre l’appétit, tandis qu’après, cette bonne habitude contribue à prévenir notamment les fermentations intestinales et la constipation. D’ailleurs, en Inde, il est courant de grignoter, en fin de repas, quelques grains d’un mélange appelé « pan masala » à base de cumin pour faciliter la digestion et rafraîchir l’haleine.
L’anis étoilé ou badiane chinoise (Illicium verum)
Le trans-anéthol, le principal composé bioactif de la badiane, lui confère quantité de propriétés, et notamment d’être antivirale, digestive, carminative, gastro-protectrice, expectorante, antimicrobienne, antiparasitaire, antispasmodique et sédative.
Les grains d’anis étoilé sont le fruit de la badiane, depuis longtemps employée dans la pharmacopée chinoise, notamment pour faciliter la digestion (crampes, flatulences, ballonnements). Utilisée en excès, elle peut néanmoins provoquer des vomissements, voire des convulsions, aussi est-il recommandé de la consommer plutôt en tisane et avec parcimonie (en particulier chez les enfants) plutôt qu’au long cours. C’est d’ailleurs une épice pour laquelle il existe des contre-indications en cas de grossesse, de mastoses, de cancer du sein ou d’antécédents de cancer hormono-dépendant (action légèrement œstrogénique).
La badiane est une épice au goût anisé et puissant qui accompagne fort bien un plat de poisson, parfume un gâteau ou encore une tisane.
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La cannelle (Cinnamomum verum)
Préférez la « vraie », à savoir la cannelle de Ceylan qui, contrairement à sa cousine de Chine (Cinnamomum cassia ), est bien moins riche en coumarines, aux vertus certes sédatives, hypotensives et anticoagulantes, mais aussi toxiques pour le foie en grande quantité.
La cannelle est une alliée de choix en cas de diabète grâce à ses nombreux principes actifs qui favorisent la régulation du taux d’insuline, donc de la glycémie, et plus généralement en cas d’appétence pour le goût sucré, qu’elle est capable d’apaiser. La cannelle est aussi une très bonne épice antimicrobienne, carminative, antispasmodique et immunomodulatrice, protectrice du cœur et du foie. Elle permet, en outre, de prévenir les maladies infectieuses et d’accompagner les problèmes de gastrites et d’ulcères de l’estomac.
Infusée dans un vin chaud lorsqu’il fait froid, l’épice a le mérite de réchauffer en cas de coup de froid, de stimuler en cas de fatigue ou encore d’apaiser en cas de stress ou de fringale sucrée.
Ces épices et bien d’autres multiplient les bienfaits, tant gustatifs que thérapeutiques. Chacune à sa façon, et plus encore en synergie, sous la forme de mélanges, les épices gagnent à intégrer la cuisine au quotidien, qu’elle soit express ou élaborée, sucrée ou salée, afin d’être et de rester en bonne santé.
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Références bibliographiques
« Turmeric and Its Major Compound Curcumin on Health: Bioactive Effects and Safety Profiles for Food, Pharmaceutical, Biotechnological and Medicinal Applications », Frontiers in Pharmacology , 2020.
« Bioactive Compounds and Bioactivities of Ginger ( Zingiber officinale Roscoe) », Foods, 2019.
« Rhus coriara Linn, a Plant of Medicinal, Nutritional and Industrial Importance: A Review », The Journal of Animal and Plant Sciences , 2012.
« Cumin (Cuminum cyminum L.): A review of its ethnopharmacology, phytochemistry» , Biomedical Research and Therapy , 2020.
« Illicium verum (Star Anise) and Trans-Anethole as Valuable Raw Materials for Medicinal and Cosmetic Applications », Molecules , 2022.
« Medicinal properties of ‘true’ cinnamon ( Cinnamomum zeylanicum): a systematic review » , BMC Complementary and Alternative Medicine , 2013.
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