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L’humus : un potentiel thérapeutique retrouvé ?

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L’humus de nos jardins ou des forêts est une substance au potentiel peu exploré qui pourrait apporter des pistes thérapeutiques novatrices, comme nous l’indiquent certaines expériences.

La géophagie est une pratique humaine ancestrale que les chercheurs supposent être un comportement adaptatif, soit pour pallier une déficience nutritionnelle, soit pour protéger contre des pathogènes et toxines ingérées. Une revue de la littérature scientifique sur le sujet souligne que les premiers cas de géophagie humaine ont été signalés par Hippocrate, il y a plus de 2 000 ans, et qu'on en a relevé depuis sur tous les continents habités (1). Naturellement, les animaux mangent également de l’humus, et tous les enfants ont déjà mis de la terre dans leur bouche de façon instinctive. Quelles sont donc les potentielles vertus de cette couche vivante du sol ?

Qu’est-ce que l’humus et que contient-il ?

L’humus, situé dans la couche supérieure du sol, est la matière qui résulte d’un processus d’humidification et de décomposition lente qui transforme la matière organique fraîche (feuilles et fruits tombés au sol, par exemple) en humus actif composé d’une partie organique (à base de carbone) et d’une partie minérale. Les responsables de la production d’humus sont les organismes vivants présents dans la couche superficielle du sol qui se nourrissent de cette matière organique fraîche : sans bactéries, champignons et microfaune (vers, insectes…), il n’y aurait pas d’humus ! De par sa composition en carbone et en minéraux biodisponibles pour les plantes, l’humus a un rôle nutritif essentiel puisqu’il garantit la fertilité des sols, et contribue à la croissance des végétaux. Cependant, on ne trouve pas que du carbone et des minéraux dans l’humus : le processus d’humidification génère également des substances humiques (humines, acides humiques, acides fulviques) qui jouent également un rôle nutritif pour les plantes. L’humus de qualité est donc un milieu naturel dans lequel les micro-organismes croissent naturellement et facilement. Il est à différencier des autres couches de terre qui ne présentent par la
même composition chimique et microbiologique, ni les mêmes intérêts.

Un super probiotique ?

La composition de l’humus en micro-organismes, tout comme en substances humiques, varie en fonction de l’écosystème local et du stade de dégradation des éléments du sol. L’humus actif est caractérisé par sa richesse en acides humiques et en acides fulviques, mais également en bactéries. On estime en effet qu’un gramme d’humus contient entre 1 à 100 millions d’espèces bactériennes, et environ dix fois plus de bactéries au total, dont un certain nombre n’est pas encore identifié ; on pourrait ainsi comparer l’humus à une « boîte noire » microbienne, à l’instar des microbiotes humains (intestinal, stomacal, cutané, vaginal, utérin, etc.) dont on commence à peine à élucider toute la complexité microbienne ; sans oublier le mycobiote (champignons microscopiques) et le virobiote (population virale) encore très méconnus, qui peuplent également notre tube digestif ! Cet état de fait nécessite une immunité parfaitement fonctionnelle en vue d’un éventuel usage thérapeutique de l’humus.

Pour Philippe Andrianne, praticien et formateur en gemmothérapie et président de la FEH (Fédération européenne d’herboristerie), l’humus serait un analogue fonctionnel de notre flore intestinale.« En outre, il permet de réensemencer notre microbiote, car il contient des bactéries communes à notre flore intestinale » , énonce-t-il. En effet, les études montrent que le simple contact avec la terre enrichit notre microbiote (2).

La richesse de l’humus en acides fulviques permettrait d’atténuer les risques possiblement associés à la consommation de micro-organismes présents dans la terre : en effet, ces molécules exercent un effet antibiotique puissant qui permet l’inhibition de la croissance, voire l’annihilation, de bactéries pathogènes. Philippe Andrianne indique n’avoir eu aucun effet indésirable au cours de sa propre pratique ; pour lui, la présence d’une bactérie indésirable dans l’humus serait automatiquement éliminée d’un organisme à l’immunité fonctionnelle par le déclenchement d’une diarrhée.

En dehors des acides fulviques et des micro-organismes, le sol contient une certaine quantité de composés bioactifs qui pourraient avoir un bénéfice pour notre santé : des acides gras, des glycérides, des acides phénoliques, des alcools linéaires, des terpénoïdes, des glucides, des acides aminés, etc.

Des usages thérapeutiques encore à explorer

Le retour de pratique de Philippe Andrianne, est particulièrement interpellant : « Utilisé par voie orale, l’humus du jardin semble éliminer les bactéries problématiques, notamment celles qui forment des biofilms de nature polysaccharidique, principalement grâce aux enzymes décomposant la cellulose, mais aussi grâce à l’acide fulvique » . Les études ont en effet montré l’effet antimicrobien de l’acide fulvique sur la formation de biofilms dans la cavité orale (3), notamment de Streptococcus mutans (4) et de Candida albicans (5). Le thérapeute les propose principalement dans le domaine digestif où il a obtenu d’excellents résultats : maladie de Crohn, rectocolite hémorragique, douleurs digestives, infections intestinales, hyperperméabilité, mais aussi gros problèmes de flore intestinale. « La prise d’humus par voie orale est pour moi d’efficacité équivalente à la greffe de selles », précise-t-il. Et les caractéristiques organo-minérales des humus varient en fonction de leur lieu de prélèvement. « L’humus de jardin est une matière équilibrée entre sa part minérale et sa part organique, tandis que l’humus de forêt est principalement organique, néanmoins très riche en acide fulvique », explique Philippe Andrianne.

Les autres pistes thérapeutiques de l’humus sont nombreuses : il pourrait aussi s’avérer particulièrement intéressant pour les cas complexes où « on a tout essayé » ou sur les douleurs résistantes aux traitements classiques, comme les douleurs articulaires ou gynéco-urinaires de type endométriose. L’une des explications serait que les bactéries ingérées sont capables d'encourager la production endogène de neurotransmetteurs qui permettraient d’agir sur les neurones sensitifs de la zone abdomino-pelvienne, voire au-delà, et ainsi de diminuer les douleurs. On peut extrapoler plus encore et imaginer l’employer dans le cadre d’affections neuropsychologiques (par voie interne mais aussi externe en cataplasme au niveau de la tête), en lien avec les nombreuses études récentes qui traitent du lien primordial entre santé du microbiote et équilibre psychique.

Si les usages thérapeutiques de l’humus venaient à se développer, il ne serait pas la première substance naturelle riche en acide fulvique à trouver une place dans nos usages. On pense, par exemple, au Shilajit, une substance résineuse originaire de l’Himalaya et des régions avoisinantes, apparentée à l’humus, car issue de la décomposition séculaire de matière organo-minérale. Il s’agit d’un remède ayurvédique qui aurait été intégré dans la thérapeutique après avoir observé des primates l’ingérer. La composition complexe de cette substance n’est pas encore très bien connue, on sait néanmoins qu’elle est riche en minéraux, oligo-éléments et acides fulviques. En médecine ayurvédique, on attribue à ce remède une fonction de panacée, tant ses indications sont larges et variées.

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Un exemple concret d’utilisation et des précautions à respecter

« Je ramasse l’humus dans mon jardin bio à 5-6 cm de profondeur. Je le tamise, puis je le laisse sécher à l’air libre, et je le tamise à nouveau très finement, puis je l’écrase au mortier. Ensuite, je l’utilise ainsi ou je le mets en gélules » témoigne Philippe Andrianne. Pour démarrer la prise orale d’humus, il commence par en faire une macération à froid sur toute la nuit (en laissant reposer douze heures un mélange d’eau et de 100g d'humus), avant de boire l’eau qui surnage en quantités croissantes. L’efficacité avérée de l’acide fulvique contre les biofilms pourrait aussi orienter vers une utilisation sous forme de bain de bouche en cas d’infection orale multirésistante présente sous forme de biofilm. "Par la suite, je continue si besoin avec une gélule d’humus, en augmentant d’une gélule tous les 2-3 jours jusqu’à ce que le remède fasse effet. Si l’on prend de l’humus de forêt (principalement organique), il est préférable de l’ingérer le matin, et de compléter avec de l’argile le soir pour apporter des minéraux qui permettront d’équilibrer l’apport à la flore intestinale », explique Philippe Andrianne

Si l’humus est potentiellement très intéressant pour soulager certaines affections, il reste une pratique très peu balisée, et il vous faudra toujours avoir l’accord de votre médecin pour envisager de l’ingérer. Son usage devrait être réservé aux cas difficiles, en situation d’échappement thérapeutique par exemple. Par ailleurs, il paraît primordial de respecter certaines précautions pour s’assurer une sécurité d’emploi maximale : tout d’abord, l’humus prélevé doit être complètement et correctement décomposé, car cela conditionne les espèces bactériennes qui y sont présentes. L’idéal serait d’avoir accès à l’humus de vieilles forêts, qui aurait au moins cinquante ans, ou à de l’humus non cultivé.

Le prélèvement devrait se faire à au moins 5-7 cm de profondeur, mais toujours rester dans la couche vivante du sol (la structure et la composition du sol changent lorsqu’on va plus loin que l’humus). Ensuite, la zone de prélèvement doit être exempte de visites de chats, chiens, renards et autres animaux sauvages. Pour finir, l’humus doit être pris en-dehors des repas, car la matière organique de l’humus agit comme une éponge qui peut adsorber les nutriments. Philippe Andrianne précise en outre qu’il ne faut pas prendre de l’humus en cas de constipation ; celle-ci devra d’abord être traitée avant d’envisager l’ingestion d’humus.

Des pistes pour le futur

Les recherches sur l’acide fulvique donnent bien d’autres pistes thérapeutiques pour le futur. Il a par exemple été montré que des nanoparticules d’acides humiques et fulviques sont capables de retirer les métaux lourds en solution dans l’eau (6) ; cette action de détoxication des métaux lourds est d’ailleurs une allégation mise en avant par certaines entreprises commercialisant des compléments alimentaires riches en acide fulvique pour la santé humaine.

Par ailleurs, d’autres substances humiques mériteraient d’être investiguées, comme la tourbe naturelle dont la composition en micro-organismes est différente de celle de l’humus. Il existe depuis toujours un lien intime entre la terre et les animaux qui pourrait expliquer certaines similitudes intéressantes entre elle et nous. Ce lien immémorial a été mis à mal et en partie perdu sous les effets conjugués de l’urbanisation et des profondes modifications de nos modes de vie et de production. Découvrir ou redécouvrir aujourd’hui que la terre pourrait participer très directement à notre santé, sous des modalités encore insoupçonnées, serait un énorme pas vers cette reconnexion à la terre que beaucoup appellent de leurs vœux.

 

Références

(1) Why on earth? Evaluating hypotheses about the physiological functions of human geophagy , Q Rev Biol. (2011). https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21800636/

(2) "The role of soils in provision of genetic, medicinal and biochemical resources" , Philos. Trans. R. Soc. B: Biol. Sci. (2021) ; https://doi.org/10.1098/rstb.2020.0183

(3) Couche microbienne (bactéries, champignons) structurée par une matrice polymérique et difficile à traiter

(4) "The effects of fulvic acid on established Streptococcus mutans biofilm formation and human gingival fibroblast cells", Poster session presented at IUPUI Research day 2014, Indianapolis (2014) : https://hdl.handle.net/1805/5373

(5) "Investigation the biological properties of carbohydrate derived fulvic acid (CHD-FA) as a potential novel therapy for the management of oral biofilm infections" , BMC Oral Health (2013) https://bmcoralhealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1472-6831-13-47

(6) "Impact of humic/fulvic acid on the removal of heavy metals from aqueous solutions using nanomaterials : a review" , Science of the Total Environment (2014) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24095965/

 

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