Accueil Conseils santé Propolis et gelée royale : un effet œstrogénique à double tranchant ?
Propolis et gelée royale : un effet œstrogénique à double tranchant ?
Propolis, gelée royale, pollen… Les produits de la ruche ont de nombreuses vertus, démontrées par la science, pour nous aider à maintenir une santé optimale. Cependant, leur très large panel d’actions requiert, dans certains cas, des précautions d’emploi. Nombre d’études suggèrent notamment un effet hormonal des produits de la ruche, probablement à prendre en considération dans des situations sensibles (puberté, ménopause, cancers hormonodépendants…). Il est donc indispensable d’en être informé pour utiliser ces compléments avec efficacité et en toute sécurité.
Les études animales portant sur les produits de la ruche ont mis en évidence un « effet SERM » ( Selective Estrogen Receptor Modulator : modulateur sélectif des récepteurs aux œstrogènes1) de certains de leurs composants, c’est-à-dire une action œstrogénique (effets similaires à ceux des œstrogènes produits par l’organisme). Cet effet peut être recherché pour ses bienfaits pour la santé dans certains cas, mais à éviter dans d’autres.
Les produits de la ruche vecteurs de la puberté précoce chez l’enfant ?
La puberté précoce est un problème grandissant. Les deux causes principales en sont l’obésité2 – la masse grasse est capable de produire des œstrogènes endogènes – et les perturbateurs endocriniens3, qu’ils soient environnementaux ou alimentaires. Les résultats de recherches animales menées sur les produits de la ruche suggèrent que des précautions sont à prendre concernant leur utilisation chez les enfants, filles comme garçons.
La propolis , notamment celle provenant du Brésil4 et de Corée5, est en effet capable, sur culture cellulaire et chez l’animal, d’exercer une action œstrogénique avérée en se liant aux récepteurs des œstrogènes. Depuis 2017, plusieurs études ont démontré l’effet de la propolis sur l’avancement de la puberté chez la femelle et le mâle :
- En 20176 par exemple, une équipe de chercheurs a démontré que la propolis verte (propolis dite « brésilienne »), prise de manière continue, agissait comme un perturbateur endocrinien sur le système reproducteur masculin – testicules et prostate7 – via ses polyphénols. La prise de propolis verte avant la puberté aurait par ailleurs des retentissements jusque dans la vie adulte, puisqu’elle affecterait même la fertilité masculine8.
- Une autre étude, turque, datant de 20229 a révélé que la propolis était capable de déclencher une puberté précoce chez les rats femelles.
La gelée royale exercerait des effets similaires, puisqu’elle avance l’âge de la maturité sexuelle lorsqu’elle est administrée avant la puberté à des animaux de diverses espèces, mâles10-12 comme femelles13, 14.
En conséquence, les auteurs de ces études recommandent, à défaut d’alternative, d’être prudent concernant la consommation de propolis et de gelée royale chez l’enfant afin d’éviter les effets délétères comme l’avancement de la puberté, et ce même si les effets sur le système reproducteur ont été partiellement diminués plusieurs semaines après l’arrêt de l’administration du produit. Notons également que les doses testées dans les études sont souvent bien supérieures (de dix à vingt fois) à celles recommandées aux enfants par les laboratoires commercialisant des produits à base de propolis et de gelée royale à leur destination. Elles sont également prises sur des durées plus longues (qui équivaudraient à un an chez l’humain) que la plupart des usages courants (de quelques jours à trois semaines pour certains épisodes infectieux).
Malgré cela, il serait sans doute prudent, au vu des résultats des études citées, de ne pas dépasser les doses indiquées sur les emballages des produits et de faire des cures de courte durée (de quelques jours à trois semaines) entrecoupées de pauses équivalentes, plutôt que des prises en continu. Ce conseil de bon sens vaut d'autant plus en cas de troubles hormonaux identifiés (puberté précoce, hirsutisme, gynécomastie...) qui invitent à une prudence supplémentaire.
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Propolis et gelée royale pour accompagner les cancers du sein ?
A contrario, l’effet de certains produits de la ruche pourrait être bénéfique pour la femme dans certaines pathologies hormono-dépendantes. Concernant le cancer du sein, deux composés majoritaires de la propolis ont par exemple des effets intéressants :
- Le CAPE (Caffeic Acid Phenethyl Ester) est un SERM15 qui démontre de multiples effets anticancéreux sur des modèles in vitro et animaux de cancer du sein humain16, sans affecter les cellules mammaires normales (ce qui est recherché).
- La chrysine (présente en quantités deux fois moindres que le CAPE) est capable d’inhiber l’aromatase, une enzyme qui transforme les androgènes en œstrogènes, un effet pertinent en cas de cancer œstrogénodépendant17.
Quant à la gelée royale, même si certaines études montrent des effets plutôt positifs et intéressants dans la prévention des cancers hormonodépendants18,19, c’est-à-dire la capacité d’éviter ou de retarder leur apparition, sa consommation est globalement déconseillée par le corps médical en cas de cancer hormonodépendant diagnostiqué, notamment du fait de sa teneur importante en facteurs de croissance20.
[Note : ces informations ne remplacent pas un avis médical, surtout dans le cadre d’un traitement par chimiothérapie. Consultez toujours votre médecin et n’arrêtez pas votre traitement.]
Les produits de la ruche, intéressants à la ménopause
Concernant la ménopause, les produits de la ruche permettent aussi de lutter contre les désagréments qui peuvent lui être associés. La gelée royale est souvent préconisée par les thérapeutes21, et des effets ont été mis en évidence dans certaines études, notamment sur des désagréments comme bouffées de chaleur, transpiration nocturne ou instabilité de l’humeur22.
La propolis, souvent conseillée en association avec la gelée royale, est également intéressante : les études chez l’animal sont prometteuses, car elles montrent une efficacité de la propolis jordanienne sur l’ostéoporose23 ou de la propolis camerounaise sur les bouffées de chaleur24. Si les actions de la propolis contre les bouffées de chaleur et contre l’ostéoporose restent encore à approfondir avec des études cliniques chez la femme, des bénéfices postménopause plus généraux ont été mis en évidence. Dans une étude clinique de 202325, randomisée, contre placebo, réalisée sur 78 femmes en postménopause, l’ingestion de propolis brésilienne a permis de réduire la prise de masse grasse, un effet souvent observé chez la femme après l’arrêt de la production des hormones sexuelles.
On notera que malgré des points communs dans leur composition, toutes les propolis du monde possèdent des singularités et des profils moléculaires particuliers en fonction de l’écosystème végétal dans lequel les abeilles butinent. Elles sont, par facilité, regroupées en trois grandes catégories : brune, verte et rouge.
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Vers un élargissement des précautions d’emploi ?
Dans le cas précis des cancers hormonodépendants diagnostiqués (sein, endomètre, ovaires, utérus, thyroïde, prostate), nous avons vu que la propolis contient du CAPE et de la chrysine aux vertus anticancéreuses plutôt bénéfiques. Mais le cas de la propolis rouge brésilienne soulève des questions. En effet, celle-ci contient du vestitol, du néovestitol (deux isoflavones) et de l’isoliquiritigénine26, des composés à action œstrogénique que l’on retrouve aussi dans la réglisse27.
Dans cette propolis particulièrement, ces molécules proviennent de Dalbergia ecastaphyllum, une Fabacée butinée par les abeilles28. Il est d’usage de déconseiller les plantes à activité œstrogénique aux femmes ayant eu un antécédent personnel ou familial de cancer hormonodépendant. Par conséquent, on peut se demander s’il serait nécessaire, pour cette population précisément, d’étendre cette précaution d’emploi à certains types de propolis (en fonction de leur composition). Des études plus poussées devront être menées pour déterminer la conduite à tenir. Cela n’enlève en rien les bénéfices apportés par la propolis dans le cadre d’autres types de cancers (voir par exemple sur ce sujet le récent article de nos collègues du journal Plantes & Santé).
Références bibliographiques
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(3) « Endocrine disrupters and possible contribution to pubertal changes », Best Practice & Res Clin Endocrinol & Metabolism (2019) ; https://doi.org/10.1016/j.beem.2019.101300
(4) « Oral administration of Brazilian propolis exerts estrogenic effect in ovariectomized rats », J Toxicol Sci (2015) ; https://doi: 10.2131/jts.40.235
(5) « Estrogenic effects of ethanol and ether extracts of propolis », J Ethnopharmacol (2002) ; https://doi: 10.1016/s0378-8741(02)00159-9
(6) « Chronic Intake of Green Propolis Negatively Affecting the Rat Testis », Pharmacognosy Res (2017) ; https://doi: 10.4103/0974-8490.199777
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(8) « Consumption of Propolis by Young Wistar Rats Causes Altered Reproductive Parameters in Adults », Pharmacognosy Res (2017) ; https://doi: 10.4103/0974-8490.199777
(9) « Effect of Propolis on Precocious Puberty in Female Rats », J Clin Res Pediatr Endocrinol (2022) ; https://doi.org/10.4274%2Fjcrpe.galenos.2022.2022-1-18
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(13) « Major royal jelly proteins accelerate onset of puberty and promote ovarian follicular development in immature female mice », Food Sci Human Wellness (2020) ; https://doi.org/10.1016/j.fshw.2020.05.008
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(15) « Caffeic acid phenethyl ester, a component of beehive propolis, is a novel selective estrogen receptor modulator », Phytother Res (2010) ; https://doi: 10.1002/ptr.2966
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(19) « The effect of royal jelly on the growth of breast cancer in mice », Oncol Lett (2017) ; https://doi: 10.3892/ol.2017.7078
(20) « Royal Jelly and Its Components Promote Healthy Aging and Longevity: From Animal Models to Humans », Int J Mol Sci (2019) ; https://doi: 10.3390/ijms20194662
(21) « Apitherapy for menopausal problems », Gyn Endocrinol Obst (2020) ; https://DOI: 10.1007/s00404-020-05692-2
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