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Visiteurs médicaux
de drôles de pratiques de santé

Article paru dans le journal nº 3

Notre pays est un des champions du monde en termes de consommation de médicaments par tête d’habitant toutes classes de médicaments confondues. L’explication de cette surconsommation ne se trouve pas uniquement dans notre système de santé. La stratégie commerciale agressive des laboratoires pharmaceutiques et de leurs équipes commerciales en est une autre raison essentielle.

Le visiteur médical, c’est l’homme à la sacoche que vous avez sans doute rencontré dans une salle d’attente. C’est lui qui vante au médecin les avantages des médicaments. Pour convaincre, le visiteur médical a dans sa besace plusieurs arguments qui ne relèvent pas tous de la science médicale.

Les petits arrangements avec la loi Kouchner

La loi dite « Kouchner » avait introduit, il y a quelques années des limites dans le montant des cadeaux et autres gratifications que peut recevoir un médecin de la part d’un laboratoire : voyages, invitations régulières dans de prestigieux restaurants, week-ends à deux dans un cadre très agréable… sont aujourd’hui sévèrement contrôlés et les « cadeaux », jusqu’ici limités à un montant de 42 e doivent désormais être déclarés dès 10 e (depuis la parution, le 22 mai 2013 d’un décret d’application). Cependant, le contrôle des « gratifications » provenant des filiales étrangères des laboratoires sont plus difficiles à pister et rien n’interdit à cette filiale d’inviter un praticien pour un séminaire ou une journée d’étude, tous frais payés.

Les études bidon

C’est encore le visiteur médical qui propose au médecin de participer à des études baptisées pudiquement « enquêtes d’opinion ». On interroge le médecin sur sa pratique en lui proposant de dire ce qu’il prescrirait à des patients fictifs ou bien on lui demande de le faire sur la base de dossiers de patients réels. Ces enquêtes sont rémunérées sur la base de 35 e par cas évoqué. Pour remplir dix cas, le médecin mettra moins de trois minutes et se verra remettre 300 e, ou l’équivalent, par le laboratoire.

Les faux congrès

Dès lors qu’ils obtiennent l’aval du Conseil de l’Ordre sur la qualité du contenu des congrès qu’ils organisent, les laboratoires peuvent inviter autant de médecins qu’ils le souhaitent, souvent accompagnés de leurs conjoints. Organiser un congrès d’une semaine, dans une ville exotique de bord de mer, n’est alors plus un problème. Une journée de travail suffit souvent à justifier une semaine de farniente au bord de la piscine.

Séduction et matraquage

En vingt ans, le nombre de visiteurs médicaux est passé de 7 000 à 20 000 alors que, dans le même temps, la population totale de médecins a sensiblement diminué. Les laboratoires entretiennent par ailleurs plusieurs réseaux de visiteurs médicaux différents et concurrents. Ce qui fait qu’un même médecin peut se voir présenter le même produit deux à trois fois dans une journée. Notons parallèlement que 70 % des visiteurs sont des visiteuses médicales, 70 % des médecins sont des hommes. Séduction, séduction… Certes le médecin a son libre arbitre, il a un esprit critique, mais le matraquage outrancier finit par marquer des points.

Le ciblage des médecins

Toutes les pharmacies sont affiliées au Gers (Groupement d’études et de réalisations statistiques) qui produit, au jour le jour, des éléments chiffrés sur les ventes de médicaments. Les zones géographiques de ces études sont de plus en plus étroites et vont parfois jusqu’à la taille d’un quartier. Il existe également un fichier Icomed qui interroge chaque année les médecins sur leurs prescriptions habituelles au moyen d’un questionnaire (en échange de sa collaboration, le médecin recevra un petit cadeau). On recense une vingtaine d’études mais les deux études précitées, une fois croisées par un organisme indépendant, permettent de savoir exactement qui a prescrit quoi… et d’aller voir le médecin pour le convaincre de modifier ses habitudes ou, au contraire, de les conforter.

Le relais des pharmaciens

Les laboratoires disposent d’une force de vente spécialisée pour les pharmacies. Lors du lancement d’un nouveau produit, on proposera d’importantes remises aux pharmaciens. Dans une petite ville, lorsque les deux professionnels s’entendent bien, le pharmacien sera tenté de convaincre, lui aussi, le médecin. Aujourd’hui, il peut même exercer son « pouvoir de substitution ». Bien souvent, la « substitution » en faveur du médicament le plus intéressant commercialement se fait avec l’accord téléphonique du médecin.

Les « trucs » des grossistes

Même chose chez les grossistes et répartiteurs. Le pharmacien leur commande le médicament indiqué sur l’ordonnance du médecin. Mais si le grossiste a une meilleure remise sur le produit concurrent, il lui est facile d’invoquer des problèmes de stock ou de livraison pour opérer la substitution, car le patient, lui, veut son médicament immédiatement. Un coup de téléphone au pharmacien (qui appelle parfois le médecin) et le tour est souvent joué.

Lorsque les organismes de formation professionnelle des médecins demandent à leurs adhérents quelles sont leurs principales sources de formation continue, ils répondent que les visiteurs médicaux, et les laboratoires sont parmi les premières. On voit en effet que c’est une source des plus fiables et des plus désintéressées.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


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