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Alain Delabos, "Suivre la chrono-nutrition, c’est réapprendre à manger à l’endroit"

  • Nutritionniste, le Dr Alain Delabos a élaboré en 1986 la méthode de chrononutrition grâce à ses observations sur ses nombreux patients et en étudiant les manifestations cliniques de leurs erreurs nutritionnelles.Nutritionniste, le Dr Alain Delabos a élaboré en 1986 la méthode de chrononutrition grâce à ses observations sur ses nombreux patients et en étudiant les manifestations cliniques de leurs erreurs nutritionnelles.
Article paru dans le journal nº 56

Médecin nutritionniste, le Dr Alain Delabos a mis au point dans les années 1980 une méthode de régulation du poids permettant de rester en bonne santé. Baptisée « chrono-nutrition », cette approche alternative réorganise l’alimentation en s’appuyant sur la chronobiologie, c’est-à-dire les rythmes biologiques et les variations métaboliques chez l’être humain au cours de la journée.

Alternative Santé. Pouvez-vous nous raconter comment vous avez mis au point votre méthode de « chrono-nutrition » ?

Dr Alain Delabos. À l’âge de 43 ans, je me suis retrouvé pour la première fois de ma vie confronté à un problème de poids. Après avoir arrêté de fumer, j’ai pris en quelques mois près de 37 kg. J’ai alors suivi un régime alimentaire classique qui m’a non seulement frustré, fatigué, mais aussi mis de très mauvaise humeur. Contraint de l’arrêter, j’ai décidé de suivre dans la foulée ma propre méthode, ce qui m’a permis de reperdre quasiment tous mes kilos accumulés en six mois seulement. C’est mon épouse qui m’a suggéré, avec bon sens, de m’appliquer à moi-même ce que je préconisais à mes patients. À l’époque, j’étais chef de service nutritionniste-gériatre dans un centre de long séjour de la périphérie de Rouen, où je m’occupais de personnes âgées en long ou moyen séjour. Grâce à mes observations et à des mesures alimentaires spécifiques que j’avais réussi à imposer malgré quelques réticences, j’arrivais à les remettre sur pied alors qu’elles arrivaient dans un piteux état. Comme elles étaient en meilleure santé, elles avaient moins besoin de médication dans la foulée.

À quelles conclusions êtes-vous arrivé lors de votre expérience de médecin gériatre ?

Ma pratique clinique pendant sept ans en hôpital m’a amené à conclure que la dénutrition des gens âgés était souvent liée à la prise de repas identiques dans leur composition, du type entrée, plat, dessert, et à la fixité des horaires. J’ai alors étudié de près les rythmes métaboliques du corps humain ainsi que les habitudes alimentaires de nos lointains ancêtres pour élaborer les bases de ce que j’ai appelé plus tard la « chrono-nutrition ». J’ai découvert que ce n’étaient ni le choix ni la quantité d’aliments qui étaient en cause, mais le moment de les manger dans la journée. J’ai compris que l’on pouvait, en adaptant son rythme alimentaire, parvenir à un poids d’équilibre, mais aussi, dans la foulée, être en bonne santé en évitant les troubles métaboliques comme l’hypertension, le diabète, le cholestérol, les problèmes de thyroïde… Le Pr Jean-Robert Rapin, pharmacologue, chercheur et expert en micronutrition, aujourd’hui décédé, a validé scientifiquement mon approche. Je lui ai dit que j’ai pensé avoir trouvé un régime alimentaire permettant de mincir correctement et sans carences. Il m’a répondu que j’avais trouvé ce qu’il cherchait depuis 40 ans, à savoir comment on pouvait rééquilibrer le corps humain. Nous avons ensuite collaboré au sein de l’IRENS (Institut de recherche européen sur la nutrition et la santé), que j’ai créé en 1996.

Quelles sont les bases scientifiques de l’approche de la chrononutrition ?

On reproche souvent à mon approche de n’avoir aucune base scientifique, mais c’est faux. Même si les travaux de recherche internationaux sont encore limités, il existe des études très intéressantes sur la chronobiologie humaine alimentaire, c’est-à-dire l’impact du moment où l’on s’alimente sur le poids de la personne. Je fais souvent référence à la fameuse étude de cohorte menée à partir 1948 en collaboration avec l’université de Boston sur la population de Framingham, dans le Massachusetts. Au cours de cette étude, on avait donné à trois groupes de personnes de profils pondéraux très différents 2 500 calories par jour en un seul repas. Un tiers prenaient ce repas le matin, un autre tiers à midi, et le dernier tiers le soir. Au bout d’un mois, les personnes nourries le soir avaient pris du poids, celles nourries à midi n’avaient pas bougé, et celles s’étant alimentées le matin en avaient perdu ! Pour la chrono-nutrition, dans les années 2000, nous avons mené une étude avec le Pr Rapin portant à l’époque sur 1 500 sujets pour évaluer son impact sur les personnes en hypercholestérolémie. Elle a été publiée dans la revue NAFAS (Nutrition, aliments fonctionnels, aliments santé) et a montré l’efficacité de cette méthode pour maîtriser les cholestérols. La base scientifique de la chrono-nutrition, qui a été éclairée par le Pr Rapin, est de suivre les évolutions du cycle du cortisol, qui connaît plusieurs vagues au cours de la journée. Cette hormone stéroïde est le chef de file de tous les flux hormonaux concernant notamment la nutrition, comme le cycle de digestion, l’appétit et la faim. Le cycle du cortisol conditionne ainsi de façon très précise les sécrétions gastriques, hépatiques et pancréatiques.

Pouvez-vous nous présenter les points importants de votre méthode de chrono-nutrition ?

Le principe de base est très simple : il s’agit de manger gras le matin, dense le midi et léger le soir, dans des quantités déterminées et adaptées à sa morphologie. Le repas du matin est déterminant. En apportant les bons gras le matin, comme du fromage, des œufs, du beurre et des sucres lents uniquement sous forme de pain classique de boulanger, on empêche à l’organisme de stocker la graisse et on lui fournit de l’énergie pour la journée. Ces gras saturés et mono-insaturés vont être transformés tout au long de la journée en gras polyinsaturés, indispensables à la reconstitution cellulaire pendant la nuit de tous les tissus organiques et musculaires de l’organisme. C’est en effet pendant que l’on dort que se produit le phénomène d’anabolisme, à savoir l’ensemble des réactions chimiques de synthèse moléculaire. À midi, le repas est dense, riche et nourrissant avec de la viande, de la charcuterie ou des œufs, accompagnés de féculents. Cela donne au corps le moyen de se remuscler grâce à l’apport en protéines. Il est important de ne consommer rien d’autre : ni entrée, ni dessert, ni vin. Au goûter – repas crucial, car il permet de chasser la fatigue de l’après-midi –, on consomme des aliments sucrés comme les fruits frais et secs, et même du chocolat à condition qu’il soit noir et peu sucré. Enfin, le soir, on consomme du poisson et des légumes ou crudités, dont la digestion, facile pour l’organisme, permet de préserver le sommeil. Chacun des repas est varié dans sa composition et comporte peu d’aliments différents, ce qui permet de simplifier le travail de digestion et de favoriser l’assimilation des nutriments.

Votre méthode comporte aussi quelques interdits, comme le lait et les produits laitiers, les produits transformés, mais aussi, plus étonnant, le fait de ne pas consommer de soupe et d’éviter de manger trop de légumes !

Je ne remets pas en cause ici la qualité nutritionnelle des légumes, bien sûr ! Toutefois, le fait de les préparer sous forme de soupe en fait de redoutables vecteurs de rétention d’eau et de cellulite en contribuant à charger le corps en sels minéraux. J’ai pu observer dans ma longue pratique de chrono-nutrition (depuis une trentaine d’années, j’ai traité près de 400 000 dossiers et publié une douzaine de livres sur le sujet), que les femmes qui consomment beaucoup de légumes et crudités, notamment en été, avaient ­tendance à accumuler de la cellulite sur les hanches et les cuisses. Observations qui m’ont amené à créer un système de morphotypes permettant de comprendre, grâce à la silhouette spécifique des gens, les erreurs alimentaires typiques qu’ils commettent. Pour en revenir aux légumes, et aux soupes en particulier, celles-ci, surtout faites maison, car très chargées en sels minéraux, vont aggraver cet effet de rétention d’eau et donc amener de la cellulite. C’est pour cette raison que je les ai écartées de ma méthode.

La chrono-nutrition va à l’encontre des habitudes de la plupart des gens. Est-ce difficile à suivre ?

C’est vrai que c’est une approche nouvelle qui demande de réorganiser complètement ses habitudes alimentaires. Mais en quelque sorte, c’est comme arrêter de manger à l’envers pour manger à l’endroit. On obtient des résultats probants sur la ligne et sur la santé (en suivant toutefois un protocole un peu modifié dans les cas de cholestérol et de diabète) à condition de suivre de manière stricte les préconisations. Mais pour les gens en surpoids et qui ont essayé auparavant d’autres régimes alimentaires sans succès et même regrossi après, c’est plutôt facile, car ils sont motivés. D’ailleurs, je signale à ce propos que les personnes arrêtant un régime de chrono-nutrition ne reprennent pas de poids après. C’est sûr que c’est un bouleversement pour quiconque est habitué à un petit-déjeuner sucré, ne petit-déjeune pas (comme c’est le cas pour la plupart des gens), ou prend un repas copieux le soir. Mais on s’y habitue très vite. On ne ressent aucun coup de pompe, fatigue ou fringale en cours de journée et on se sent vite beaucoup mieux tout en se faisant plaisir avec des aliments habituellement bannis par les nutritionnistes, comme le fromage, la viande ou la charcuterie. De plus, comme dans tout « régime », on peut s’autoriser une à deux fois par semaine un écart et consommer tout ce dont on a envie au cours d’un repas.

En savoir plus :

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


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