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Vaccin Covid : les dirigeants de certaines industries s'en mettent déjà plein les poches

Alors que les États du monde entier pré-réservent aux industriels des doses de vaccin anti-Covid, les cours en bourse des industriels atteignent des sommets. Certains de leurs dirigeants en profitent pour organiser la revente de leurs actions et empocher de gros bénéfices. Devant une telle course aux bénéfices, quelle place pour la transparence ?

Sabrina Debusquat

Vaccins contre le Covid : déjà 145 millions de dollars de profits pour les cinq industriels en lice

 

Lundi 9 novembre, Albert Bourla, le PDG de Pfizer annonce que son vaccin contre le Covid-19 atteint une « efficacité de 90 % ». Les cours de cette action grimpent alors de 15 %. Quelques heures plus tard, il vend à Wall Street plus de 132 000 de ses actions et empoche près de 5,6 millions de dollars. Sally Susman, vice-présidente du groupe fait de même avec plus de 43 000 de ses titres.

 

Moderna, autre société en lice à laquelle la Commission européenne vient de réserver 160 millions de doses, a, quant à elle, vendu 89 millions de dollars d'actions cette année par le biais de ses cinq dirigeants, soit trois fois plus qu'en 2019. De son côté, le patron de Novavax a vendu cet été pour 4,2 millions de dollars d’actions peu de temps après l’annonce d’un financement public au bénéfice de son laboratoire.

 

Accountable US, association américaine de défense des contribuables a fait le calcul : depuis mai dernier, les dirigeants de cinq compagnies pharmaceutiques en course pour le vaccin ont encaissé plus de 145 millions de dollars en revendant leurs actions.

Santé boursière ou santé tout court ?

 

En temps normal, réaliser des transactions en bourse grâce à des informations confidentielles relève du délit d’initié. Mais en planifiant à l’avance ces ventes grâce à un plan de courtage dénommé « 10b5-1 » ces industriels peuvent contourner le délit d’initié en anticipant sur un calendrier qu’ils sont les seuls à maîtriser.

 

Les enjeux financiers et boursiers sont tellement faramineux pour les industriels engagés dans la course au vaccin qu'ils interrogent sur leurs stratégies de communication et leurs possibles embellissements des résultats de leurs produits.  Le 25 novembre, le New York Times révélait au grand public une erreur majeure dans le dosage du vaccin reçu par certains participants à l’étude AstraZeneca, le laboratoire qui proclamait plus tôt dans la semaine que son vaccin était efficace à 90%. Plusieurs experts du secteur parlent d'une confiance dorénavant érodée vis-à-vis du laboratoire, liée à plusieurs omissions et irrégularités dans sa présentation de ses résultats. Le journal s'interroge sur les raisons pour lesquelles AstraZeneca a cru bon de partager certaines de ces informations avec des analystes de Wall Street et d'autres experts, mais pas avec le public.

 

Carolyn Becker, médecin endocrinologiste à la retraite aujourd’hui professeur de médecine a été invitée en juillet dernier par un autre laboratoire, Moderna, à participer aux essais cliniques menés sur son vaccin. Dans un billet récemment publié dans le Jama elle explique, écœurée : « J’étais ravie de pouvoir contribuer à la science [mais je suis] stupéfaite que des cadres puissent tirer des profits aussi extravagants d'un vaccin non prouvé et non testé, surtout en période de pandémie mondiale. Cela me fait douter de l'intégrité de l'entreprise, voire de l'intégrité de l'essai clinique en lui-même. »

 

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Sources :

 

« Massive Vaccine Development Profiteering at Five Top Drug Companies; Over $145 Million Pocketed By Executives Since Start of Operation Warp Speed », Accountable US, 21 septembre 2020.

 

« Relationships Between Academic Medicine Leaders and Industry—Time for Another Look ? », Jama, 10 novembre 2020.

"After Admitting Mistake, AstraZeneca Faces Difficult Questions About Its Vaccine", New York Times, 25 novembre 2020

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