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Coup de pied dans les choux
Un livre santé parmi d’autres ? Pas vraiment. Alors que « Coup de pied dans le plat » prétend ouvrir les yeux sur les dérives et les excès des messages sur la nutrition, il distille dans une même verve vindicative données pertinentes et attaques de tout bord contre le bio, les anti-industriels primaires et autres gourous des régimes obscurantistes. Un amalgame bien loin de l’objectivité qu’on est en droit d’attendre d’un tel ouvrage.
Contre qui les tomates écrasées en couverture du « Coup de pied dans le plat » sont-elles dirigées ? Pour l’auteur de cet ouvrage, le professeur Philippe Legrand, directeur du laboratoire de biochimie nutrition humaine d’Agrocampus Rennes, cela ne fait aucun doute. Il s’agit de fustiger « les bêtises déversées par les gourous de la nutrition, les faux spécialistes et autre experts proclamés ». Et de poursuivre son inventaire tout au long de l’ouvrage, dans lequel se croisent « les anti-industriels primaires, les communiquants et les journalistes, les idéalistes de la nature, les marchands de peur et de rêve, les bobos, les orthorexiques, les gourous des régimes obscurantistes, les consommateurs osant tout affirmer au mépris de la connaissance ». Un tir groupé qui s’apparente dangereusement à un tir aveugle…
Des vérités trompeuses
Spécialiste des lipides, le professeur Legrand évoque certaines informations nutritionnelles pertinentes, remettant notamment les pendules à l’heure du bon gras. Il rappelle que le cholestérol est une molécule fondamentale pour nos membranes et nos hormones et que notre organisme le synthétise en excès si on l’en prive exagérément.
Il fait aussi le point sur l’huile de palme, laquelle, dénuée d’intérêt nutritionnel hormis les bêta-carotènes, a été inutilement diabolisée avant de se révéler précieuse pour les populations d’Asie et d’Afrique. Et de mentionner l’intérêt majeur des oméga 3, notamment pour le développement cérébral, introduits malheureusement trop tardivement dans les laits infantiles.
Dogmatisme
Mais le Pr Legrand effraie par des -positions tranchantes et dogmatiques. Son opinion est par exemple sans appel sur la capacité des végétariens à être en bonne santé, affirmant que « la chaîne alimentaire est une des bases de la nutrition, et elle justifie qu’on soit omnivore […] ».
Quant à l’impact environnemental de la consommation excessive de viande, l’argument est tout bonnement absent de sa démonstration. Mais c’est avec le bio que l’auteur est vraiment fâché, au risque de nous fâcher aussi : « Dans une envolée lyrique, émotionnelle et affective, certains ont décrété que le bio était meilleur sur le plan nutritionnel », lance-t-il en s’appuyant sur des études scientifiques.
Il oublie de mentionner dans ses références la dernière grande étude dans ce domaine, une méta-étude reprenant 343 travaux scientifiques menés par l’université de Newcastle et publiée en 2014 dans le British Journal of Nutrition. Elle démontre la grande supériorité en antioxydants des fruits, légumes et céréales cultivés en bio, avec un taux de polyphénols supérieur de 18 à 70 %.
Sur les pesticides enfin, le Pr Legrand tient à nous « rassurer » : « Nos ancêtres de l’après-guerre ont eu la main lourde sur les pesticides, les engrais chimiques et les antibiotiques, mais c’est fini : les normes sont drastiques, le nombre de substances autorisées a été divisé par cinq et l’innocuité des produits conventionnels est à peu près totale. ».
Un tel propos hérissera le poil des lanceurs d’alerte, tel le toxicologue André Cicolella, président du réseau Environnement Santé, qui ne cesse d’informer sur les liens entre pesticides et cancers, notamment par leur action de perturbateurs endocriniens mise en lumière dans nombre d’études concordantes.
Un lecteur agacé
Pourtant, dans le fond, nous sommes bien d’accord avec le Pr Legrand, qui prône l’éducation nutritionnelle et la juste mesure dans les messages alimentaires, perturbés par une cacophonie d’informations contradictoires. Il est toutefois dommage que son ouvrage, volontairement excessif, use de malhonnêteté intellectuelle en omettant de mentionner des informations contradictoires utiles à une vision objective et plus apaisée des sujets abordés.
Pris en otage par un auteur tirant à boulets rouges sur tout ce qui évoque l’alternatif, le lecteur, considéré lui-même comme un potentiel ignorant et lassé par un ton humoristique autoproclamé « vachard », a rapidement envie dediriger les fameuses tomates trop mûres de la couverture de l’ouvrage sur une tout autre cible…
Une autre histoire de tomates… moins flasques !
Cet ouvrage surfe aussi sur le thème de la tomate… « 50 idées reçues sur l’agriculture et l’alimentation » (Éd. Allary, 2014), de Marc Dufumier, agronome, professeur à AgroParistech, aborde quelques-uns des thèmes traités par le Pr Legrand dans son ouvrage, comme le végétarisme, l’agriculture bio ou la nocivité des pesticides, avec une approche résolument pointue. Ses réponses, précises, argumentées avec des données scientifiques, dénuées d’inutiles « envolées lyriques » (sic), sont éclairantes et passionnantes.
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