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Et si on renouait avec le vivant?

  • Thierry Thouvenot (crédit photo originale : Félicien Delome/Flammarion); Thierry Thouvenot (crédit photo originale : Félicien Delome/Flammarion);
Article 100% numérique

Après un parcours dans l’écologie, Thierry Thouvenot est resté fidèle à ses engagements. Praticien en médecine chinoise, enseignant de Qi Gong depuis quinze ans, il publie chez Flammarion un imposant « Traité pratique pour se reconnecter avec sa vraie nature » qui invite à restaurer l'unité entre notre corps, nos émotions, notre mental, notre psychisme, notre être, notre âme et même notre ego.  Nous sommes allés à sa rencontre.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?

C’est le fruit de la rencontre entre mes deux passions que sont l’écologie et la démarche intérieure. Lorsque je travaillais au WWF (Fonds mondial pour la nature), j'avais déjà été amené à questionner notre rapport à la nature : on sait quelles sont les causes de la crise écologique, quels sont les moyens d’y faire face et de retrouver un équilibre. On a les moyens techniques et politiques pour le faire et pour autant rien ne change ! En quoi notre rapport à la nature pouvait avoir une incidence sur la manière dont nous nous comportions avec elle ? Nous avions alors sollicité les grandes traditions spirituelles sur la question écologique, en initiant les rencontres « Écologie et spiritualité ». Il apparaissait que ce n’était qu'en allant dans les profondeurs de notre fonctionnement humain que nous pouvions comprendre pourquoi nous nous étions retrouvés à détruire la nature, et ce qui continuait à nous pousser à le faire… Dans l’autre sens, il m’apparaissait aussi qu’une démarche « intérieure », qu’elle soit spirituelle ou thérapeutique, qui resterait uniquement tournée vers soi, pouvait faire l'impasse sur les enjeux collectifs, et notamment sur les enjeux écologiques. Si la démarche intérieure est pour moi la façon la plus radicale d'être efficace au niveau écologique, il est fondamental d’élargir cette démarche purement individuelle à la dimension du cosmos et de l’univers au sens large ! C’est une question de cohérence interne, à laquelle ce livre propose, en réponse, une démarche d'unification, pour renouer avec le vivant qui est en soi, et avec celui qui est « en dehors de soi » !

Pourtant, vous ne proposez pas spécialement un retour à la nature ni un engagement écologique !

Ce que je propose ne nécessite effectivement pas de vivre près de la nature. Mais vous savez, on a inventé la notion de nature à partir d’une vision selon laquelle l'homme serait à part de la nature, dans une logique de séparation nature-culture élaborée depuis Platon jusqu'aux modernes. Je préfère le mot « vivant ». Le vivant, c'est un peu comme la notion de « sauvage » dont le poète et penseur de l’écologie Gary Snider disait que « la définition du mot qu’en donnent nos dictionnaires repose largement sur ce qu'il n'est pas ». Sont dits "sauvages" un animal non domestiqué, une plante non cultivée, une terre inhabitée, un comportement indiscipliné, alors que le sauvage se définit plutôt comme ce qui est libre, plein de vitalité, résilient, créatif, auto-adaptatif à son environnement – ce n'est pas la Nature telle qu'on l'entend traditionnellement, avec les arbres et les petits oiseaux! –. Il y a en effet du vivant dans l’organique, dans le corps, mais aussi dans la pensée, l’intuition, l'intelligence animale, l'intelligence végétale, tout comme dans les émotions ou encore dans l'ego et sa capacité de se défendre, dans l'âme, le psychisme, le soi… Dans mon livre, j'aborde toutes ces manifestations qui font que nous pouvons directement sentir que nous ne sommes pas coupés du vivant ! Je me suis beaucoup nourri de la vision intégrale de Ken Wilber, de l’approche tantrique ou encore de l'approche taoïste, qui révèlent toutes cette multidimensionnalité et cette diversité du vivant. Toutes les pratiques auxquelles j’invite visent à restaurer l'unité entre notre corps, nos émotions, notre mental, notre psychisme, notre être, notre âme et même notre ego…

Mais en quoi le corps ou encore les émotions peuvent-ils aider à restaurer cette unité ?

Je considère que le corps est un sanctuaire du sauvage, il est la manifestation et le prolongement de la nature. Revenir à la corporalité, à la sensorialité, c'est une des grandes voies d'accès au vivant et à la nature… On peut tout à fait sur son tapis de yoga faire cette expérience du sauvage, du naturel ! Quant aux émotions, la joie, la peur, la colère la tristesse… elles ont en commun d’être partagées avec tous les êtres vivants des règnes animaux ou végétaux. J’ai toujours considéré, par exemple, que quand je touche une ortie et qu'elle réagit en me piquant, c’est une forme de réaction de colère ! Ou qu’un escargot manifeste de la peur quand il se rétracte dans sa coquille. Il m'apparaît évident que l'émotion est une pure manifestation du vivant. Le yoga des émotions propose d’aller en contact avec ses émotions, de sentir comment l'émotion se vit dans le corps, de l'accompagner, de l'accueillir, de la laisser émerger : c'est une façon de retrouver le vivant en soi et du coup de s'ouvrir au vivant à l'extérieur. Pour un urbain, retrouver le contact avec ses émotions primordiales, participe aussi vraiment d'une démarche écologique : l'émotion c’est un accès direct au vivant… c'est même aussi un appel à l'action !

Vous pensez qu’on peut encore se sentir vivant sur une planète que l’on voit dépérir ?

On intègre tous dans notre psyché, à des degrés divers, nos préoccupations pour la planète, probablement même dès le plus jeune âge… Je me souviens que quand j'étais petit, je faisais souvent un cauchemar qui me réveillait la nuit : il y avait eu une explosion nucléaire ! Quand je travaillais au WWF sur l'empreinte écologique et que j'ai vu l'état de la planète que reflétait l'indice « planète vivante », j'ai eu un choc. J'ai traversé une phase dépressive, en me disant que c'était foutu. Comment ne pas en passer par là, dans la prise de conscience écologique ? Il faut pouvoir prendre la mesure de ce qui nous arrive avant de pouvoir aller chercher des ressources pour nous adapter et pour changer de cap ! Au fond de soi, bien sûr, mais aussi du collectif. Car je suis convaincu que la solution ne passera pas par le chacun pour soi comme le voudraient certains… La réalité de l'urgence écologique nous confronte à un risque de paralysie, de sidération. On va droit dans le mur, et la question est de savoir ce qui se passe après le mur ! Comment cela va se passer ? On ne sait pas. Sur ce point, je partage assez la vision de Cyril Dion pour qui la clef est dans l’écriture d’un récit collectif qui soit désirable. Ce récit n'est aujourd'hui pas facile à tisser, on n’en est qu’aux bribes : la convention citoyenne sur le climat a permis d’esquisser une ébauche mais pour le moment elle n'est ni relayée ni reprise et semble même difficile à faire entendre ! Mais nous devons trouver d'autres façons d'être au monde et de cohabiter avec le reste du vivant. Il y aurait bien sûr un livre entier à écrire autour du « nous » ! Cela déborde du propos de mon livre, même si j’y évoque, à propos de l’intelligence, le mode de fonctionnement des abeilles et la capacité qu'elles ont de s'organiser ensemble. Si je voulais ainsi souligner que ce que l’on peut faire, soi, à son échelle peut ouvrir à quelque chose de collectif, il me semble aussi très important de regarder comment la nature s'organise à cette échelle du collectif pour continuer à être bien vivante. En la matière, la nature reste évidemment une source d'inspiration royale !

Découvrir le livre de Thierry Thouvenot : « S’unir au vivant - Traité pratique pour se reconnecter à sa vraie nature », Flammarion, 320 pages, 18 €

Site Internet : http://sunirauvivant.com

 

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