Accueil Rencontres Sylvie Hampikian : "Les vétérinaires s’ouvrent de plus en plus aux médecines douces"
Sylvie Hampikian : "Les vétérinaires s’ouvrent de plus en plus aux médecines douces"
Homéopathie, phytothérapie, ostéopathie, acupuncture… Les approches alternatives sont en plein essor dans le domaine vétérinaire. Les maîtres souhaitent prendre soin de leur animal « au naturel », en limitant au maximum les traitements chimiques. Le point sur les bons gestes et les erreurs à éviter avec Sylvie Hampikian, experte pharmaco-toxicologue, vétérinaire de formation et auteur.
Les approches alternatives de santé concernent aussi de plus en plus la prise en charge des animaux de compagnie. Quelles sont les pratiques les plus répandues ?
On retrouve les mêmes orientations que dans la médecine humaine. Il y a trois grandes filières : l’homéopathie, les pratiques énergétiques comme l’ostéopathie et l’acupuncture, et enfin la phytothérapie, qui recourt aux plantes médicinales, aux médicaments à base d’actifs naturels, aux huiles essentielles, et aux fleurs de Bach. Cependant, dans le domaine vétérinaire, les frontières entre médecine conventionnelle et approches douces sont moins hermétiques. Il est ainsi fréquent de trouver des consultations d’ostéopathie dans les cliniques animales. Et bien des vétérinaires n’hésitent pas, en parallèle aux traitements classiques, à proposer des alternatives en homéopathie ou en phytothérapie qui ont fait leurs preuves, et qu’ils possèdent souvent dans leur armoire à pharmacie personnelle. Cela est notamment dû au fait que l’homéopathie, très courante, est enseignée dans les écoles vétérinaires depuis plusieurs décennies. L’ostéopathie animale fait quant à elle l’objet d’une formation extérieure aux écoles vétérinaires, mais reconnue, tout comme l’acupuncture. Cependant, il ne s’agit pas de « spécialités » au sens strict du terme, car elles ne font pas l’objet d’un cursus spécifique. On parle plutôt d’orientation.
Quels sont les bienfaits des médecines douces pour les animaux ?
À peu de chose près, les mêmes que pour les humains ! Elles renforcent l’organisme de l’animal et stimulent ses défenses pour l’aider à se guérir, plutôt que de masquer les symptômes. Elles évitent au maximum le recours aux substances potentiellement toxiques comme les antibiotiques, les corticoïdes et les anti-inflammatoires. Les animaux y sont encore plus sensibles que les humains : on peut tuer un animal avec de l’aspirine ou du Doliprane ! Certains médicaments naturels sont d’une grande efficacité. Ainsi, le Lespedeza, une plante médicinale de la pharmacopée amérindienne, peut être recommandé en cas d’insuffisance rénale, du fait de son action réparatrice sur le tissu des reins. En cas d’arthrose chronique, un traitement à base de chondroïtine et de glucosamine peut soulager les articulations et lubrifier les cartilages. Dans tous les cas, il faut toujours consulter un vétérinaire pour s’assurer du diagnostic, discuter avec lui d’une alternative aux médicaments classiques, des posologies et des dosages recommandés. Ensuite, on peut devenir autonome, en s’approvisionnant dans des magasins spécialisés, et suivre soi-même son animal.
Pour quels types d’affections peut-on recourir à l’ostéopathie ?
S. H. L’ostéopathie s’est d’abord intéressée aux chevaux de course avant de s’étendre peu à peu aux chiens et aux chats. Là aussi, les indications sont un peu les mêmes que pour les humains. Elle est intéressante pour les boiteries, les troubles ostéo-articulaires et musculo-tendineux, les maladies chroniques comme l’eczéma, les troubles du comportement, la nervosité, la constipation… Les animaux y sont très réceptifs et se laissent complètement faire ! Cela les calme énormément. Ils leur arrive même de s’assoupir pendant une séance, c’est impressionnant. Cette approche est une alternative particulièrement intéressante en cas de dysplasie de la hanche, une malformation congénitale relativement fréquente chez certains grands chiens. Elle peut parfois éviter une opération, et est capable de ralentir, voire de stopper l’évolution de la maladie, mais pas de la corriger.
Quels petits maux peut-on prendre en charge soi-même de manière naturelle ?
Les démangeaisons et dermites dues aux allergies et aux piqûres de puce peuvent être facilement soulagées de manière naturelle. Le gel d’Aloe vera pur, appliqué directement sur le pelage du chien ou du chat, est très efficace. Il soulage les irritations et les démangeaisons. Et il ne présente aucun risque pour l’animal si celui-ci se lèche les poils. On peut obtenir une amélioration parfois spectaculaire en une semaine seulement sur un eczéma débutant. On peut aussi soigner les petites plaies résultant de morsures ou de griffures. Après nettoyage à l’eau savonneuse, on applique de la teinture-mère de souci ou de lavande vraie, puis on passe un coton-tige imprégné d’une ou deux gouttes de tea tree ou de lavande aspic pour le chien, et d’une goutte de lavande vraie pour le chat. On peut aussi lutter contre les puces en utilisant un collier imprégné de quelques gouttes d’huile essentielle de lavande vraie, de géranium ou d’eucalyptus citronné. Pour les très gros chiens, on peut aussi mélanger dans une coupelle une à deux gouttes de lavande aspic et du gel d’Aloe vera, puis appliquer sur le pourtour de la queue. Les élixirs de fleurs de Bach marchent très bien pour les troubles nerveux. Il suffit de déposer 1 à 3 gouttes directement sur la langue ou sur les babines, et l’animal va se lécher spontanément. Leurs indications sont globalement les mêmes que les humains, et sans danger pour les animaux. Citons aussi le recours aux graines de courge réduites en poudre et mélangées à l’alimentation comme vermifuge naturel.
À quoi faut-il faire particulièrement attention ?
Principalement aux huiles essentielles. Très fortement concentrées en principes actifs, elles sont strictement contre-indiquées chez le chat en application pure, sauf pour désinfecter une plaie, et uniquement avec la lavande vraie, à très faible dose. Le chat garde en effet toute sa vie un foie immature. Il a un déficit en glucurono-conjugaison, ce qui ralentit considérablement l’élimination de molécules étrangères à structure cyclique comme celles que l’on retrouve dans les actifs volatils des huiles essentielles. Il faut même éviter la diffusion systématique d’huiles essentielles en leur présence. Pour cette raison, on peut se rabattre sur les hydrolats, comme celui de lavande, par exemple pour protéger un chat contre les puces. On peut sans risque en vaporiser régulièrement sur son pelage. Cela aura même une action calmante sur lui. De manière générale, il convient de faire bien attention aux plantes qu’on administre et à leur dosage, en vérifiant auprès d’un vétérinaire ou dans un livre sérieux, car il faut tenir compte des différences de métabolisme et de taille.
Et l’alimentation ? Comment nourrir naturellement ses animaux de compagnie ?
La question de l’alimentation est en effet très importante pour la santé animale, et c’est aussi un casse-tête pour les propriétaires. Globalement, la nourriture industrielle bas de gamme se fonde sur la valorisation des ingrédients à l’extrême. Elle comprend des protéines animales de mauvaise qualité, comme des tendons ou des os broyés, ce que l’animal ne mange pas spontanément. Clairement, on y trouve le pire des déchets de l’industrie. Il importe de privilégier des marques sérieuses, un peu plus onéreuses, disponibles en animalerie, ou d’opter pour le bio. Certains spécialistes suggèrent qu’avec l’alimentation industrielle les animaux ont perdu en longévité. Ce n’est pas si évident, car des études mettent en évidence le contraire, l’alimentation industrielle étant bien équilibrée par rapport aux besoins des animaux. On peut décider de se lancer dans une alimentation ménagère, faite maison, qui permet de savoir exactement ce qu’on donne à son animal. Mais il convient dans ce cas de bien respecter les proportions entre protéines, végétaux, céréales et compléments alimentaires, et cela varie d’un animal à l’autre. Il existe des recettes dont ont peut s’inspirer, comme celles que je donne dans mon livre Soins naturels pour chiens et chats (lire « En bref », p. 16). Il est aussi possible d’alterner nourriture industrielle et, occasionnellement, restes de plat maison adapté à l’animal, à base de viande, en y mélangeant un peu de légumes ou du poisson cru ou cuit pour les chats…
Comment trouver un vétérinaire ouvert aux médecines douces ?
D’abord, n’hésitez pas à interroger votre vétérinaire, et à lui expliquer que ces approches vous intéressent. La plupart sont très ouverts et pourront proposer une prise en charge spécifique. Un autre moyen consiste à repérer près de chez soi un vétérinaire ostéopathe. C’est une bonne porte d’entrée, car ils s’intéressent aussi souvent à l’homéopathie, et, chose plus précieuse encore, à la phytothérapie !
Aller plus loin
- Soins naturels pour chiens et chats de Sylvie Hampikian et Amandine Geers, Editions Terre Vivante, 2016.
- La phytothérapie : pour les animaux de compagnie aussi !
- Annuaire des vétérinaires ostéopathes
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