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Le dépistage détecte
des milliers de faux cancéreux

Article paru dans le journal nº 3

Le dépistage systématique des cancers est aujourd'hui considéré comme une des armes principales de la lutte contre le cancer. Il fait désormais l'objet de coûteuses campagnes de sensibilisation visant à amener tous les Français, à partir d'un certain âge, à passer l'examen. Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions et on découvre peu à peu que les erreurs de diagnostic, ou ce que les médecins appellent gentiment les « sur-diagnostics », sont légion. Ce qui amène des milliers de personnes à subir chaque année de lourds traitements contre le cancer alors qu'elles n'ont rien !

Des statistiques à faire frémir

Selon le responsable du département du dépistage à l'Institut national du cancer, le Dr Jérôme Viguier, référence s'il en est, « on diagnostique de vrais cancers mais il s'agit de cancers qui n'auraient pas évolué, voire auraient pour certains pu régresser ou encore de cancers qui ne se seraient pas révélés du vivant de la personne » (voir le site TF1 News).

Mais le plus hallucinant est ceci : « Le surdiagnostic est par ailleurs plus ou moins marqué selon le type de dépistage. On estime par exemple que 40 à 50% des cancers de la prostate seraient sur-diagnostiqués, contre 10% pour le cancer du sein ». Autant de vies gâchées, officiellement. Car officieusement ces chiffres sont certainement minorés pour tout un tas de raisons non avouables.

Alors bien sûr, cet éminent expert nous explique que l'on ne peut pas priver 9 millions de femmes de dépistage du cancer du sein même si « c'est vrai, il n'existe pas de facteur aujourd'hui qui permette de prédire si le cancer va devenir agressif ou non, on ne peut juger qu'a posteriori ».

Voilà qui est fort rassurant. Si aucune étude digne de ce nom n'a été réalisée en France sur l'efficacité du dépistage du cancer du sein, le plus systématique (tous les 2 ans pour rappel), le plus coûteux (1,4 milliard d'euros pour la Sécu), ailleurs de nombreuses études montrent qu'il est non seulement inefficace mais aussi à haut risque.

En Angleterre, une étude publiée dans The Lancet portant sur 10 000 femmes a révélé que si le programme de dépistage du cancer du sein a permis d'épargner 43 décès il a provoqué 129 sur-diagnostics avec traitements inutiles à la clé. Une autre étude américaine publiée dans le New England Journal of Medicine en novembre dernier a conclu que non seulement les mammographies n'ont pas permis de détecter efficacement les cancers avancés mais ont parallèlement conduit à des diagnostics excessifs : plus d'un million de femmes aux Etats-Unis ont ainsi été traitées inutilement d'un cancer du sein ces trente dernières années.

Quand le dépistage tue

Vous êtes un homme en bonne santé et un beau jour une analyse de sang vous détecte un taux anormalement élevé de PSA alors même que le toucher rectal de votre médecin n'a rien décelé et que vous urinez comme un jeune homme. Sans plus attendre, votre médecin ordonne une biopsie.

Cette intrusion mécanique va non seulement accélérer la prolifération de métastases si vous avez effectivement une petite tumeur ou simplement une petite lésion mais si les médecins ont des doutes, ils vont vous entraîner dans la spirale infernale de la radiothérapie, de la chimiothérapie, de l'hormonothérapie.

Au final, vous risquez de perdre votre prostate (et ce qui va avec : continence et libido) voire de mourir prématurément. Vous êtes une femme dans la fleur de l'âge et à la suite d'une banale mammographie, le médecin se pose des questions et, dans le doute encore, vous propose de traiter ce qui pourrait être une tumeur naissante. Vu qu'il a appris que plus une tumeur est traitée tôt, plus le cancer a des chances de guérir (postulat au passage qui n'est pas vérifié), il vous engage à faire le nécessaire. Au mieux, vous risquez d'y perdre un sein...

Dans tous les cas, vous étiez en bonne santé et on vous a rendu malade ou mutilé. Votre moral tombe au plus bas, vous vivez dans l'angoisse de la maladie, dans l'illusion de la guérison. Quelque part, on vous a tué.

Pourquoi tant d'erreurs ?

On l'a vu, l'institution médicale est la première à reconnaître que tout ne tourne pas rond. De plus en plus de médecins montent au créneau pour dénoncer les risques du dépistage systématique.

Le Dr Bernard Junod est l'un des plus courageux. Cet épidémiologiste d'origine suisse qui a étudié pendant des années cette pratique et ses conséquences, a notamment réalisé des études pour le ministère de la Santé. Il est convaincu que la médecine fait ici fausse route : « On s'aperçoit que les préjudices dus au dépistage, notamment du cancer du sein et de la prostate, sont considérables. A l''heure actuelle, des bien portants sont inutilement soignés tandis que les bénéfices attendus ne se produisent pas chez les malades ».

Le problème, c'est que les progrès des outils de détection, imagerie médicale en tête, sont tels aujourd'hui qu'il devient désormais possible de voir des anomalies autrefois invisibles ou à des stades tellement précoces qu'il est impossible de se prononcer sur leurs conséquences sur la santé. Vu que nous sommes tous porteurs de cancers en puissance, à tout moment (c'est moi qui le dis bien sûr pas ces messieurs en costume), nous sommes tous plus ou moins exposés à la détection de cellules ou lésions potentiellement cancérigènes...

Alors au regard de ces « sur-diagnostics », les médecins, par peur des procès, et tout en faisant valoir leur « obligation de résultat » prescrivent des « sur-traitements » consécutifs. A l'aveuglette... un comble compte-tenu du degré de sophistication des outils de détection à l'?uvre ! « Il faut revenir à une conception plus humaniste de la médecine », assène un médecin en commentaire de ce rapport sur Internet. C'est le moins qu'on puisse dire quand la technologie va plus vite que la compétence médicale.

La balance « bénéfices/risques », du mauvais côté

Au vu des statistiques, des pratiques et des témoignages que l'on peut lire sur le Net, la fameuse balance « bénéfices/risques » toujours spécieusement mise en avant par l'institution médicale penche nettement du mauvais côté. Le Pr danois Peter Gotzsche le dit clairement dans son livre paru l'an dernier sous le titre « Mammography screening : truth, lies and controversy » (Mammographies de dépistage : vérité, mensonges et controverse).

Selon ce spécialiste très critique vis-à-vis du lobby pharmaco-médical, si le dépistage sauve effectivement une vie pour chaque 2 000 femmes qui subissent une mammographie, elle en massacre aussi 10 qui auront à subir les affres du traitement : excérèse et jusqu'à l'ablation du sein. Il en va à peu près de même pour le cancer de la prostate.

Le Dr Sauveur Boukris estime à ce sujet que « les études n'ont pas prouvé que le dépistage du cancer localisé de la prostate permette un allongement de la vie. Chez les patients de plus de 70 ans, la plupart des décès sont liés à une cause autre que ce cancer de la prostate. Or le dépistage conduit à traiter un grand nombre d'hommes dont le cancer serait passé inaperçu et n'aurait pas provoqué de souffrance jusqu'à leur décès pour une autre raison ».

Côlon : un dépistage à l'efficacité très modeste

Le cancer du côlon est le 2ème cancer le plus fréquent chez la femme et le 3ème chez l'homme. Deux outils sont utilisés pour son dépistage :

  • Le test Hemoccult II : il consiste dans la recherche de sang frais dans des selles émises trois jours de suite. Ses limites : il peut donner des faux positifs en cas d'ingestion importante de viande rouge, d'aspirine ou d'anti-inflammatoires, de saignement hémorroïdaire ou gynécologique, etc. De sorte que seulement un peu plus de 10% des coloscopies pratiquées dans la foulée confirment l'existence d'un cancer colorectal. A l'inverse, le test Hemoccult II revient négatif chez près de 50% des personnes porteuses d'un tel cancer !
  • La coloscopie : si elle se banalise, cette exploration n'est pas pour autant un examen banal. Elle nécessite le plus souvent une anesthésie générale et la surveillance en unité de réveil en raison de complications certes rares (0,2% des cas), mais possiblement mortelles. Celles-ci peuvent ne se révéler que dans le mois qui suit l'acte : ce sont par ordre décroissant une hémorragie digestive, une perforation intestinale, une poussée de colite diverticulaire.

Finalement, ce serait au mieux une personne sur 600 invitées au dépistage du cancer colorectal qui éviterait d'en mourir. Le dépistage de ce cancer est donc d'efficacité modeste.

Prostate : un dépistage qui ne fait pas vivre plus vieux...

Le cancer de la prostate est dépisté normalement par le dosage du PSA, un antigène spécifique de la prostate. Spécifique de la glande, mais pas de son cancer: en effet, son taux augmente également dès qu'il y a inflammation ou/et infection. C'est donc un examen d'interprétation difficile et en tout cas sans signification définitive s'il est pratiqué isolément !

Un toucher rectal, une échographie et une biopsie sont nécessaires pour confirmer le cancer. Les bienfaits du dépistage sont loin d'être démontrés. D'ailleurs, en 2004, la Haute Autorité de santé (HAS) estimait ne pas pouvoir le recommander de façon systématique. Les résultats d'une récente étude européenne l'ont amenée à revoir ses positions et à s'aligner sur l'Institut national contre le cancer.

L'étude en question portant sur 160 000 hommes indique que la mortalité chuterait de 20% chez les personnes dépistées et suivies pendant neuf ans. Ce résultat favorable au dépistage serait quelque peu gonflé. Ainsi le Dr Dupagne, qui a étudié tous les chiffres, estime que l'étude permet simplement de dire « qu'un homme âgé de 55 à 69 ans qui ne pratique pas de dépistage a un risque de 4 pour 1 000 de mourir d'un cancer de la prostate et celui qui pratique un dépistage par PSA ou toucher rectal voit cette probabilité tomber à 3 pour 1 000 ».

Une étude américaine va dans le même sens : pratiquer un tel dosage tous les 4 ans réduirait la probabilité de mourir d'un tel cancer dans? 1 cas sur 1 000. De plus, les hommes qui ont participé au dépistage étaient de 10% plus nombreux à mourir de ce cancer que les hommes qui n'y avaient pas participé !

Ainsi on ne vit pas plus vieux en pratiquant ce dépistage ! Les raisons de ce paradoxe ne sont pas encore élucidées, mais deux hypothèses sont avancées et semblent se compléter : le bénéfice du dépistage en nombre de vies, pas très élevé, est probablement «compensé» par le nombre de décès supplémentaires qu'un excès de zèle thérapeutique oblige !

En effet, dans la foulée du dépistage, il y a un vrai risque de sur-traitement. Combien d'hommes aujourd'hui se plaignent qu'un dosage du PSA les a conduits à une intervention chirurgicale dont les effets indésirables se sont révélés majeurs. Or dans bien des cas, le temps que la tumeur se développe (si c'est le cas !), l'homme, on l'a vu, a tout le temps de mourir de sa belle mort.

La balance entre bénéfices et risques encore une fois ne penche pas clairement du premier côté, d'autant plus que le stress induit par l'annonce d'un cancer de la prostate peut à lui seul être mortel : en effet, une augmentation significative du taux de suicide a été observée, de même qu'une augmentation du nombre de décès par accident cardiovasculaire, notamment dans les premiers mois qui suivent une telle annonce !

Sein : les mammographies inutiles avant 40 ans

Le cancer du sein fait en France l'objet d'un dépistage organisé depuis 2004 qui repose sur le principe d'une convocation pour mammographie gratuite adressée à toutes les femmes de 50 à 74 ans. Alors que ce mode de dépistage est en pleine expansion chez nous, il est fortement remis en cause dans d'autres pays qui l'utilisent depuis longtemps.

Ainsi, selon une méga-étude menée au Danemark où ce genre d'examen a été proposé entre autres à des femmes âgées de 50 à 74 ans, non seulement aucune réduction significative de la mortalité n'a été observée par rapport aux femmes qui n'ont pas profité de cette campagne mais pire : sur les 17 ans que cette surveillance a duré, si la mortalité du cancer du sein a diminué de 2% par an dans la population non dépistée, elle n'a diminué que d'1% par an dans la cohorte étudiée!

Il en est de même chez les femmes de moins de 40 ans : sur les 1 266 femmes qui ont été invitées à faire des examens complémentaires, seules 16 présentaient un vrai cancer. Soit, potentiellement, 1 250 faux positifs ! Les mammographies ne sont pas toujours de lecture facile.

On peut très bien vous trouver un ACR4 et un ACR5 au sein qui ne se révèleront être, en fait, que des micro-calcites. Ce n'est pas rare. D'ailleurs, en France, il est recommandé de faire une double lecture de la radio. Enfin, parmi les risques du dépistage, dans ce cas comme dans d'autres, des études américaines ont bien mis en évidence le risque de prolifération des cellules cancéreuses consécutif à une biopsie.

Au vu de ces éléments, on peut estimer que les mammographies sont inutiles avant 40 ans (l'autopalpation doit rester un réflexe de base) et à considérer avec prudence aux âges les plus avancés. En tout état de cause, il convient de faire une comparaison avec les radios précédentes et de confirmer le cas échéant par une échographie.

Poumons : là aussi le mieux est l'ennemi du bien

Nos moyens diagnostiques, aussi sophistiqués soient-ils, sont là aussi trop performants pour la médecine ou ce qui revient au même trop peu fiables à l'analyse. L'utilisation du scanner à faible dose dans le dépistage du cancer du poumon en est un exemple caricatural : en effet, le scanner produit un plus grand nombre de faux positifs que la simple radio thoracique. Autrement dit, cet examen moderne expose des patients à être traités à tort !

Que faire pour éviter d'être traité pour un pseudo cancer

ou un cancer inoffensif ? De façon générale, il est aujourd'hui établi qu'un certain nombre de cancers détectés par le dépistage systématique n'évoluent pas vers la maladie cancéreuse et ne mettent pas en jeu le pronostic vital.

Ainsi, ce ne serait pas moins de 60% des cancers de la prostate, 15 % des cancers du sein et 15% des cancers de la thyroïde qui seraient concernés par les effets pervers de ce sur-diagnostic. Dans de tels cas, la mise en ?uvre d'une chimiothérapie, d'une radiothérapie est non seulement inutile, mais fortement nuisible. Malheureusement, on ne dispose pas aujourd'hui de moyen fiable pour faire la distinction entre les cancers qui vont spontanément disparaître et les cancers qui évolueront en maladie cancéreuse.

Par conséquent de nombreux médecins préfèrent «ouvrir le parapluie » en incitant vigoureusement leurs patients à entamer des traitements lourds et toujours hautement toxiques. Mais de plus en plus de médecins aussi, plus consciencieux, remettent en question cette attitude frileuse.

La revue indépendante Prescrire a même rappelé en 2006 à la profession que l'efficacité du dépistage du cancer n'est scientifiquement pas démontrée et qu'elle présentait de nombreux risques. Et ces risques sont autant physiologiques que psychologiques : la suite d'examens et l'annonce d'un cancer ont un impact capable de vous terrasser le moral et les défenses immunitaires...

Alors que faire ? A vrai dire, il n'y pas de solution miracle. A chacun de se méfier des avis péremptoires, des diagnostics suspects concernant les tumeurs « précoces », surtout du sein ou de la prostate. Ce n'est pas simple, je sais. C'est toujours risqué. Mais a-t-on le choix devant cet acharnement du dépistage de masse ?

Le seul conseil que je puisse vous donner est triple

1/ Si votre médecin vous paraît froid ou abrupt, trouvez en un autre, plus humain, qui saura analyser vos résultats avec recul, lucidité et bienveillance, et vous délivrer un diagnostic personnalisé sans s'en remettre systématiquement aux recommandations de la médecine de masse.

2/ Avant de trancher, sachez qu'il est important - et vous êtes en droit de l'exiger de votre médecin -, de vous orienter vers une décision concertée, mûrement réfléchie. Après l'exposé des résultats du bilan et des connaissances établies à ce jour, il est du devoir du praticien de les analyser avec vous. Le médecin doit vous présenter en détail et en toute sincérité les diverses attitudes thérapeutiques actuelles, les bénéfices et les effets indésirables qu'on peut en attendre. Soyez vigilant et faites entendre votre voix : c'est de votre avenir qu'il s'agit, pas du sien !

3/ Même si votre médecin vous paraît convaincant, il est sage d'aller voir d'autres spécialistes. Ce peut être vital car il n'est pas rare qu'un 2ème ou 3ème diagnostic contredise le diagnostic initial. C'est seulement à travers ce conciliabule, qui exige plusieurs consultations, qui demande à recueillir plusieurs avis, que l'on peut prendre sa décision en son âme et conscience.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


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