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PFAS : l’interdiction en trompe-l’œil
Alors que les PFAS, dits " polluants éternels ", contaminent l’air, l’eau, les sols et nos aliments, la France se dote d’une loi pour en limiter l’usage. Mais le texte vise d’abord les composés les plus visibles, et laisse les industriels décider eux-mêmes des efforts qu’ils sont prêts à concéder.
À l’heure où l’écologie fait face à un bashing planétaire, on pourrait se réjouir que la France ait voté une loi " contre les PFAS " (1). Nos dirigeants ont fini par réagir – timidement – face à trente ans d’études sur leur dangerosité.
Ainsi, à compter du 1er janvier 2026, les PFAS seront interdits dans les farts de ski et les cosmétiques ainsi que dans les textiles d’habillement et les chaussures (à quelques exceptions près). Sauf s’ils sont présents en concentration inférieure ou égale à une valeur résiduelle définie par décret ! Les industriels émetteurs devront aussi réduire leurs rejets d’eau contaminée, pour les rendre quasi nuls d’ici à cinq ans.
Mais la loi ne concerne que les usines officiellement déclarées comme productrices de PFAS. Et les autres ? Comme l'écrit le Service géologique national (BRGM) dans son rapport (2), la France compte de nombreux sites de production de cosmétiques, médicaments ou produits phytosanitaires dont certains intègrent des molécules telles le sulfluramide ou le fipronil, qui sont en réalité des PFAS.
Autre promesse : le dosage des PFAS dans l’eau potable, au robinet ou en bouteille. Mais les autorités se donnent encore un an pour définir les seuils acceptables. Entre-temps, les agences sanitaires européennes peinent à s’accorder sur les concentrations à ne pas dépasser.
Des « polluants éternels »
Les PFAS persistent des années, voire des siècles, dans l’environnement. Filtrés par les stations d’épuration, ils se retrouvent dans les boues, épandues ensuite dans les champs. Pire : au nom du recyclage, ils reviennent par un autre biais dans notre quotidien. Exemple emblématique : les pailles en plastique ont été remplacées par des pailles en carton recyclé… riches en PFAS. On aura beau les interdire, les PFAS sont là pour durer.
Mais de quels PFAS parle-t-on ? Cette famille regroupe entre 4 000 et 10 000 composés chimiques, issus de la pétrochimie, largement utilisés depuis les années 1950. Or, seuls vingt d’entre eux figurent sur la liste européenne de surveillance pour l’eau potable. Une norme sur ces seuls composés ne reflète donc pas l’ampleur de la contamination, qui touche aussi bien les eaux de surface que souterraines, l’air, les sols et la chaîne alimentaire. Viande, œufs, lait, cultures agricoles : tout est potentiellement contaminé, sans obligation de contrôle.
On avait commencé à parler des PFAS avec l’affaire du Téflon. Aux États-Unis, des ouvriers intoxiqués par les vapeurs perfluorées de l’entreprise DuPont de Nemours (devenue Chemours depuis) ont mis le feu aux poudres. Certains PFAS trop toxiques ont été interdits. Mais leurs remplaçants – non évalués – posent peut-être les mêmes problèmes.
SEB et d’autres fabricants d’ustensiles de cuisine ont plaidé que les PFAS qu’ils utilisent ne serviraient que de " colle " entre support et revêtement antiadhésif. Piégés entre les couches, donc inoffensifs. Même stratégie pour les fabricants d’emballages alimentaires. Aucun de ces secteurs n’est inquiété par la loi. Et les fabricants de médicaments, d’électronique ou d’emballages plastiques ? Invisibles dans le texte.
Quant aux pesticides… eux aussi contiennent des PFAS ! Sous couvert du " secret industriel ", la formulation complète des produits n’est jamais rendue publique. Même les agences sanitaires autorisantes n’en connaissent que la partie déclarée. Heureusement, des chercheurs et ONG percent parfois ces secrets. Une étude américaine de 20223 a montré que plusieurs insecticides contenaient du PFOS – pourtant interdit depuis 2011 – formé par réaction chimique entre certains ingrédients. Une autre a révélé que les contenants de pesticides relarguent aussi des PFAS ! (3)
En France, Générations futures et PAN Network (4) ont révélé que le flufénacet, pesticide le plus vendu chez nous, se dégrade en acide trifluoroacétique (TFA) – le PFAS le plus retrouvé dans l’eau potable française. Ce pesticide vient d’être interdit par l’Europe à partir de 2026, car classé perturbateur endocrinien. Et pourtant… il ne fait même pas partie des vingt PFAS surveillés dans l’eau !
Le flufénacet n’est pas seul. Difficile de garantir un environnement sans PFAS quand les sources incontrôlées se multiplient. Les mousses anti-incendie, par exemple, en contiennent massivement. Leur composition est rarement divulguée : on en recense une centaine de formulations différentes.
Un autre angle mort : les dérogations qui seront accordées pour écouler les stocks de produits PFASés. Le secteur textile a prévenu (5) : pas question de saboter la compétitivité française avec une loi plus contraignante que le droit européen. Les produits " nécessaires à l’exercice de la souveraineté nationale " seront d’ailleurs exemptés.
Aussi louable soit-elle, cette loi ne s’attaque qu’aux PFAS que les industriels veulent bien supprimer. Pas ceux qu’ils défendent bec et ongles. Et sans décret d’application, elle reste lettre morte. Pendant ce temps-là, les PFAS sont partout. Pour toujours.
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Références bibliographiques
1. Loi n° 2025-188, 27 février 2025, www.legifrance.gouv.fr
2. infoterre.brgm.fr/rapports/RP-73452-FR.pdf, juin 2024.
3. S. Lasee, K. McDermett, N. Kumar et al., dans Journal of Hazardous Materials Letters vol. 3, novembre 2022.
4. Rapport TFA, 18 février 2025, et article du 14 mars 2025, www.generations-futures.fr.
5. Communiqué de presse, www.textile.fr, 25 février 2025.
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