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Levothyrox : une publicité à peu de frais

  • Ce n'est pas Merck mais l'ANSM directement qui nous manipule.Ce n'est pas Merck mais l'ANSM directement qui nous manipule.
Article paru dans le journal nº 62

Le Levothyrox n’en finit pas de faire parler de lui. Entre opacité, refus de divulguer des informations sensibles pour établir sa traçabilité et la révélation d’un chercheur du CNRS sur sa nouvelle formulation, ce médicament se fait une pub à peu de frais. Et peu importe qu’on en dise du mal, puisqu’il a toujours le quasi-monopole dans le traitement d’affections de la thyroïde.

Le Levothyrox en ce moment, c’est un peu comme Léon Zitrone quand il disait : « Que l’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel, c’est que l’on parle de moi. »

Fin septembre débutait l’application de la toute nouvelle loi sur le secret des affaires, adoptée par le Parlement au creux de l’été pendant que nous bronzions innocemment. Ainsi, quand l’avocate d’une plaignante demande à l’Agence nationale du médicament (ANSM) de nombreux documents concernant le Levothyrox, et plus précisément ceux afférents à son autorisation de mise sur le marché (AMM), l’institution (publique, rappelons-le) s’exécute, sauf qu’elle prend soin d’effacer des éléments sensibles au nom du secret des affaires.

Surlignons le côté ubuesque de la situation. Ce n’est pas Merck, laboratoire qui produit le Levothyrox, qui oppose à une demande de journaliste ou d’association le droit au secret des affaires pour ne pas divulguer des informations, c’est l’ANSM qui le fait face à un avocat. Pour une première, c’est une première. Les informations effacées concernaient le lieu de production et le nom de l’entreprise fabriquant le principe de la nouvelle formule. Difficile, dans ces conditions, d’établir une réelle traçabilité, comme le rappelle François Vignal dans son article pour Public Sénat.

De quel secret parle-t-on ?

Si la loi sur le secret des affaires peut avoir du bon dans le cadre de protection d’avancées technologiques (admettons), qu’en est-il lorsqu’il est opposé à des problèmes de sécurité ou de santé publique ?

Comme le rappelle la sénatrice communiste Laurence Cohen, « le médicament n’est pas une production industrielle comme une autre. Or, on a vraiment tendance à le mettre sur le même plan qu’une pièce de voiture ou d’électroménager. Pour moi, appliquer le secret des affaires aux médicaments, c’est un scandale supplémentaire. » Et c’est rendre légalement impossible le travail d’information.

Éléments chimiques impurs

Quand la presse ne peut investiguer, l’information sort tout de même parfois auprès du grand public à l’occasion d’une fuite. Début octobre, il apparaît qu’un chercheur du CNRS aurait trouvé des éléments chimiques impurs dans la nouvelle formule du Levothyrox. D’après le chimiste, ces composants inconnus pourraient être mis en cause dans les nombreux effets indésirables dont se sont plaints des malades sous traitement, et qui ont déclenché le scandale du Levothyrox depuis le printemps 2017.

Dans son rapport officiel sur ce médicament, l’ANSM concluait que « les contrôles sur la composition du Levothyrox nouvelle formule ont confirmé sa bonne qualité ». Pourtant, en examinant les chromatogrammes (analyse des constituants d’un mélange) fournis dans ce rapport, le chercheur Jean-Christophe Garrigues a découvert, lui, des éléments chimiques qui n’existaient pas dans l’ancienne formule. Impossible, selon lui, que l’ANSM ne les ait pas remarqués. Ce qu’il leur dit tout haut. Bien sûr, l’Agence comme le laboratoire Merck affirment alors que les pics d’éléments « bizarres » sont normaux… Ben voyons !

Le CNRS se désolidarise

Pour être bien sûr, le chercheur démarre une analyse des cachets du Levothyrox sur les deniers de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT). Bingo : là encore, la nouvelle formule contient bel et bien des éléments chimiques inconnus susceptibles de déclencher des effets secondaires indésirables.

Jean-Christophe Garrigues devait présenter les résultats de ses recherches lors d’une conférence de presse le 5 octobre dernier. Mais cette conférence a été annulée par le CNRS qui, sur un dossier aussi brûlant, a préféré se désolidariser, arguant que le Centre de recherche n’avait pas été impliqué dans ces études et que Garrigues n’avait pas présenté de validation par les pairs scientifiques. Affaire à suivre, donc.

 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé