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L’ordre des médecins épinglé par la Cour des comptes
Dans un rapport au vitriol de 187 pages, publié le 09 décembre 2019, la Cour des comptes critique sévèrement l’ordre des médecins en lui reprochant de nombreuses dérives, des défaillances de gestion, des dépenses excessives, ainsi qu’une absence de rigueur dans le traitement des plaintes des patients.
Ce n’est pas la première fois que la Cour des comptes contrôle le Conseil national de l’ordre des médecins. Un contrôle avait été effectué en 2011 donnant lieu à des recommandations peu suivies d’effets. Avec ce nouveau rapport, la Cour des comptes siffle la fin de récré. Vous découvrirez p.18 et 19 de ce numéro les problèmes de gouvernance, de comptabilité et de gestion. Mais pointons du doigt ici la question des traitements des plaintes de patients.
Des plaintes ? Où ça ?
En 2011, la Cour avait examiné trois des principaux manquements reprochés aux médecins concernant la qualité des soins, les certificats de complaisance, ainsi que les comportements inadéquats. La situation n’a cependant guère évolué depuis, et ce malgré la médiatisation de certaines affaires. Même si l’ordre des médecins dispose de chambres disciplinaires pour le traitement des plaintes, le manque de rigueur est vivement critiqué par la Cour des comptes. En effet, la distinction entre plaintes et doléances restant infondée et très hétérogène selon les conseils départementaux, un faible nombre de signalements de patients sont transmis aux chambres disciplinaires. Sur les 7 000 plaintes reçues en 2017, seulement 2 cas sur 10 ont ainsi été traités comme plaintes à part entière, le reste ayant été écarté comme doléances. De plus, 43 % des plaintes à caractère sexuel enregistrées entre 2014 et 2017 ont été rejetées. Et même lorsque la victime obtient gain de cause, les sanctions restent faibles. Seulement 12 % des plaintes ont abouti à des radiations, le plus souvent la sanction étant une interdiction d’exercer assortie d’un sursis. Les sanctions disciplinaires interviennent également souvent bien après le dépôt de plainte. C’est le cas d’un médecin condamné en correctionnelle en 2000, mais sanctionné par l’ordre en… 2016.
Refus de soins trop peu évalués
Malgré les mesures mises en place en France pour promouvoir l’accès aux soins pour tous, certains professionnels pratiquent la discrimination en refusant le soin à des patients, notamment ceux relevant de la CMU-C. Même si les refus clairs et directs restent rares, des formes de dissuasion sont souvent employées par les médecins qui fixent des rendez-vous à des dates très éloignées ou qui refusent de prendre de nouveaux patients.
Des commissions appropriées visant à évaluer le nombre et la nature des refus de soins ont pourtant bien été créées en janvier 2016, mais seulement un rapport a été remis depuis lors. La faute à un budget insuffisant d’après l’ordre qui refuse de financer les études à ce sujet, celui-ci étant de plus de 100 millions d’euros. De plus, entre 2014 et 2017, sur les 28 décisions rendues par les juridictions ordinales portant sur les refus aux soins, 57 % ont été rejetées, 11 % ont fait l’objet d’un blâme, 25 % d’un avertissement et seulement 7 % d’une interdiction d’exercer. Les sanctions étant rares, les patients ne sont pas incités à faire valoir leurs droits, et les médecins pas dissuadés de renoncer à cette pratique pourtant illégale.
Une défense quelque peu mollassonne
L’ordre des médecins se défend de ce rapport en argumentant que ce dernier ne prendrait en compte que les faits de 2011 à 2017, et passerait sous silence plusieurs missions essentielles. L’ordre rappelle également qu’il s’est engagé depuis six ans dans une modernisation de l’institution, et affirme « qu’il continuera à faire entendre la voix des médecins dans le débat public dans le cadre de ses missions et des pouvoirs de l’institution, en s’appuyant sur son ancrage territorial ».
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L’ordre des médecins face à ses tabous