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Dr Jean-Marc Benhaiem : L’hypnose comporte une part de mystère qu’il faut accepter

Article paru dans le journal nº 36

L’hypnose médicale prend du galon dans les hôpitaux. Et son efficacité intrigue, tout comme son vaste champ d’action : elle soulage rapidement des douleurs chroniques, des problèmes de phobies, d’addiction, de poids, de troubles alimentaires ou sexuels… Le point avec le Dr Jean-Marc Benhaiem, créateur du premier diplôme universitaire d’hypnose médicale à la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

Alternative Santé Depuis quelques années, l’hypnose se développe à l’hôpital, est enseignée à l’université et rencontre les faveurs du grand public. Pourquoi un tel engouement ?

Jean-Marc Benhaiem Parce que ça marche et que c’est efficace et rapide pour soulager un certain nombre de troubles très divers. C’est d’ailleurs cette efficacité qui m’a poussé à m’y intéresser au début de ma carrière de médecin généraliste. J’étais décontenancé face à des patients dépressifs ou souffrant de douleurs chroniques d’origine psychosomatique. Les médicaments ne réussissaient pas à les soulager. Quant à la psychanalyse, ils en avaient pour des années ! En tant que médecin, il me manquait quelque chose pour aider mes patients. Avec l’hypnose médicale, on plonge directement au coeur du problème, sans détour, pour y apporter une solution thérapeutique. Et cela, en peu de temps : il faut en moyenne une à dix séances pour obtenir des résultats satisfaisants.

A. S. Vous expliquez que ce qui vous surprend le plus, ce n’est pas tant l’engouement actuel pour l’hypnose, mais sa disparition subite du champ médical au début du XXe siècle…

J.-M. B. À la fin du XIXe siècle, l’hypnose rendait de nombreux services dans la prise en charge de douleurs aiguës et chroniques, de troubles anxieux ou du sommeil et de troubles psychiatriques, notamment grâce aux recherches de Franz Anton Mesmer, puis sous l’influence de l’École de Nancy, durant laquelle l’hypnose a connu son heure de gloire. Elle a continué à être utilisée dans le milieu médical jusque dans les années 1930. Même Freud l’a pratiquée avec succès sur ses premiers patients. Avec les progrès de la sédation et l’apparition de la psychanalyse, l’hypnose a régressé pour réapparaître aux États-Unis dans les années 1960 avec le psychiatre Milton Erickson, qui a modernisé sa pratique. En France, elle fait son retour à l’hôpital depuis les années 1990, notamment dans les services de traitement de la douleur. Depuis, elle se redéveloppe petit à petit. Son influence a été énorme sur certaines techniques de coaching et de développement personnel comme la PNL (programmation neurolinguistique).

A.S. Quels sont les grands domaines d’application de l’hypnose médicale ?

J.-M. B. À l’hôpital, on l’utilise dans les blocs opératoires, lors d’interventions légères comme sur la thyroïde ou pour une fibroscopie, pour les soins infirmiers ou lors d’accouchements. Certains services ont remplacé l’anesthésie locale par l’hypnosédation. Du coup, on utilise moins de médicaments antalgiques et les patients sont plus investis, plus calmes. Les cas de douleurs chroniques, lorsqu’il y a une dimension psychosomatique comme dans la fibromyalgie, sont aussi une indication. Et puis, il y a toutes les pathologies type addictions, phobies, troubles anxieux, syndrome post-traumatique, sur lesquelles on obtient de très bons résultats… Finalement, l’hypnose marche pour quantité de problèmes de la sphère psychologique : tendance au perfectionnisme, problème de surpoids, deuil douloureux… La particularité de l’hypnose est de partir du symptôme et de travailler à partir de lui sans chercher à l’étouffer. Le symptôme est un message du corps qui oblige l’individu à changer de posture, à se remettre en question. Pour l’hypnothérapeute, c’est un guide, un appui pour soigner le patient.

A.S. En tant que thérapie brève, l’hypnose s’oppose-t-elle à l’approche psychanalytique ?

J.-M. B. Les deux ne sont pas en rivalité. Il existe à l’évidence de très bons psychanalystes. Mais pour bon nombre de pathologies, la solution ne vient pas de l’introspection et d’une mentalisation de ses problèmes et difficultés, mais au contraire, d’un oubli. L’idée est de guider le patient pour qu’il puisse trouver sa juste place sans avoir besoin de chercher à se connaître et explorer les moindres recoins de sa vie pendant des années. François Roustang, ancien psychanalyste et grande figure contemporaine de l’hypnose, explique que l’hypnose est la fin du narcissisme, comportement qui peut arriver avec des thérapies où l’on se centre sur soi-même. Il n’est pas question d’évacuer le passé, mais on ne reste pas focalisé dessus, c’est toute la différence.

A.S. Est-il vraiment possible de soulager des symptômes qui durent depuis des années en une seule séance ?

J.-M. B. Il faut en faire l’expérience pour se rendre compte que ça fonctionne. L’hypnose ne soigne pas la souffrance, mais la relation d’une personne à son corps. Lors d’une séance, l’individu passe d’un état de contrôle à un état de lâcher-prise, de confusion, qui permet de laisser survenir la « transe hypnotique ». Le patient n’agit plus sur l’environnement, mais l’environnement agit sur lui. La pensée s’efface au profit de l’expérience sensorielle. Dans les cas de traitements antidouleurs, on rend la personne absente à son propre corps. C’est cet effet de dissociation, et en même temps de présence à soi, qui permet que les phénomènes antalgiques apparaissent. Le thérapeute, lui-même en état d’auto-hypnose, regarde son patient évoluer, l’accompagne dans le chemin d’exploration proposé par des suggestions. Il y a une forme de communication non consciente qui s’installe entre le patient et le thérapeute, que François Roustang nomme « une conscience non consciente ». Dans cet état d’ouverture, l’action peut avoir lieu. Le patient perd pied pour perdre ses certitudes. Un espace est créé pour qu’il puisse trouver les ressources et se remettre en mouvement.

A.S. D’un point de vue neuronal, sait-on comment l’hypnose fonctionne ?

J.-M. B. Les mécanismes physiologiques à l’oeuvre dans l’hypnose sont encore régulièrement étudiés. Cela a permis de mettre en évidence des modifications du fonctionnement cérébral en lien avec la transe hypnotique, mais sans expliquer vraiment le phénomène. On peut observer que ces changements ne sont que la conséquence d’un état, rien de plus. Pendant longtemps, j’ai cru trouver la réponse à l’efficacité de l’hypnose dans le cerveau, puis j’ai fini par accepter qu’un mystère demeure. Pour qu’elle fonctionne, il est nécessaire de ne pas vouloir tout maîtriser et expliquer. On ne demande pas à l’artiste d’expliquer comment fonctionne son inspiration. Dans l’hypnose aussi, il y a une grande part de création et d’improvisation.

A.S. Cela fonctionne-t-il pour tout le monde ? Y a-t-il des personnes plus suggestibles que d’autres ?

J.-M. B. En théorie, tout le monde est réceptif à l’hypnose. Mais la condition pour que cela marche est d’être disponible et vraiment motivé pour guérir. La démarche doit être sincère. On doit être là de son propre chef et non pour faire plaisir à son conjoint ou répondre à une injonction morale. Il faut oser s’abandonner et faire confiance, être dans ce que Roustang nomme le « ne rien faire », et qui est très proche du « non-agir » du bouddhisme. L’hypnose fonctionne à merveille sur les enfants, influençables et toujours prêts à endosser différents rôles. Cette pratique peut les aider pour soulager des migraines, des difficultés de concentration, d’énurésie. Nous considérons que, au-delà de dix séances, si le trouble demeure, c’est que le patient n’est pas prêt pour abandonner ses symptômes, car il y trouve, d’une manière ou d’une autre, un intérêt. Ou alors, c’est le thérapeute qui n’a rien compris…

A.S. Justement, il y a une prolifération inquiétante d’hypnothérapeutes autoproclamés, donnant l’impression d’être des charlatans ou des gourous. Certains se servent même de l’hypnose comme support de spectacle. Comment faire le tri ?

J.-M. B. La personne qui pratique l’hypnose dans le cadre d’un divertissement est un hypnotiseur, pas un hypnothérapeute. Il fait croire qu’il a du pouvoir sur les gens, et ce afin d’amuser le public. Il considère l’autre comme sa marionnette et le manipule, c’est lamentable. Il y a en outre foison d’offres de formation manquant de sérieux et des personnes s’autoproclamant hypnothérapeutes au bout de quinze jours ! Pour trouver un bon praticien, il faut s’assurer avant tout que c’est un professionnel de santé, médecin, psychologue, dentiste… Et lui poser des questions, être curieux. A-t-il des diplômes de santé ? Quelle formation a-t-il suivie ? A-t-il été confronté à la maladie, la mort, la souffrance ? Il est vrai que l’hypnose est à la mode. Un peu trop, peut-être. Et si elle replonge de nouveau dans l’oubli, ce sera sûrement à cause de ça.

Le Dr Jean-Marc Benhaiem est médecin hypnothérapeute à l’hôpital Ambroise Paré et à l’Hôtel-Dieu, à Paris. Proche de François Roustang, grande figure de l’hypnothérapie, il est le directeur du premier diplôme universitaire à l’Université Paris V, qu’il a créé en 2001. Il dirige également Hypnosis (www.hypnosis.fr), centre de soins spécialisé dans les applications médicales de l’hypnose, et est l’auteur et le coordonnateur de nombreux livres référence sur l’hypnose médicale, dont le « Guide de l’Hypnose », Éd. In Press (2015), et « L’hypnose ou les portes de la guérison », avec François Roustang, Éd. Odile Jacob (2012).

En savoir plus

Pour trouver un praticien en hypnothérapie, rendez-vous sur le site de l’AFEHM (Association française pour l’étude de l’hypnose médicale), www.hypnose-medicale.com



 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Alternative Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé


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