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Quelques questions en suspens autour du vaccin Covid
Volet 2 : Consentement

Après une mise en place quelque peu précipitée de campagnes de vaccination anti-Covid dans la plupart des pays du monde, se pose la question du consentement des citoyens à y participer. Des personnes âgées et vulnérables jusqu’au grand public, pressé de retrouver une vie quotidienne normale, tout est-il vraiment mis en œuvre pour permettre un consentement pleinement « libre » et « éclairé » comme annoncé ?

La rédaction

Un consentement est-il « libre » si le citoyen qui ne se fait pas vacciner ne peut accéder à une vie sociale normale (faire ses courses, se déplacer, etc.) ? Un consentement est-il « éclairé » si le citoyen qui se fait vacciner ne peut juger l’efficacité dudit vaccin uniquement sur la base d’essais menés en quelques mois par des industriels dont les données restent secrètes ? Un consentement est-il « éclairé » si les médias ne laissent pas ou peu de place aux questionnements et aux acteurs légitimes qui les portent ? Un consentement est-il « libre » si les réseaux sociaux et moteurs de recherches censurent tout contenu émettant le moindre doute ou questionnement sur les vaccins au profit de sources « autorisées » qui se contentent généralement de relayer les discours officiels émanant des autorités de santé ?

Entre tentations autoritaires, absence de preuves transparentes et indépendantes et médias qui musellent les voix dissidentes, voici plusieurs questions que l’on peut légitimement se poser autour du consentement au vaccin anti-Covid.

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Des tentations autoritaires scientifiquement infondées :

Le 21 décembre dernier, le Premier ministre Jean Castex présente, via une procédure accélérée à l’Assemblée nationale, un texte ayant pour vocation d’instituer « un régime pérenne de gestion des urgences sanitaire » via un « cadre robuste et cohérent » de mesures.

Provoquant immédiatement un tollé, le texte prévoyait d’accorder au Premier ministre la possibilité de « subordonner » les « déplacements des personnes » (accès aux transports, à certains lieux ou certaines activités) à la « présentation des résultats d’un test de dépistage [ou] à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif. »

Saisi dès le 3 décembre, avant la présentation du texte, le Conseil d’État (la plus haute juridiction administrative française) reconnaissait que sans être « assimilable à une obligation de soins », une telle mesure peut, « avoir des effets équivalents », notamment si elle conditionne la possibilité de sortir de son domicile. Au-delà de ces considérations, c’est le manque de logique de la mesure qui questionne. En effet, les vaccins actuellement disponibles ont pour vocation d’éviter le développement d’une forme grave mais n’empêchent a priori en rien la transmission du virus. On voit donc mal comment la mise à l'écart des non vaccinés pourrait diminuer le nombre de contaminations dans l’Hexagone.

Face à la polémique, Olivier Véran, le ministre des Solidarités et de la Santé, a finalement annoncé le lendemain soir, dans le JT de 20 heures de TF1 : « La vaccination ne sera pas obligatoire [et] le gouvernement va proposer de reporter le texte de plusieurs mois ». Deux jours plus tard, lors de son allocution, Emmanuel Macron réitérait sa position : « Je veux être clair, je ne rendrai pas la vaccination obligatoire ». Certains députés, comme Nicolas Dupont-Aignan, se sont indignés de cette proposition du Premier ministre en déclarant : « C'est une remise en cause totale et scandaleuse de la liberté vaccinale ». D’autres (comme les députés du groupe UDI) persistent à défendre l’idée d’un « passeport vert » qui permettrait aux vaccinés de « retrouver une vie normale ». Le fait que nombre de nos dirigeants et représentants n’hésitent pas à proposer des mesures de ségrégation des personnes non vaccinées  en faisant fi de toute logique ou preuve scientifique a de quoi interroger.

Dans un contexte déjà tendu où les Français ont finalement plutôt bien accepté et respecté les mesures de confinement, il devient difficile de ne pas voir dans ce genre de propositions une dangereuse montée des tentations autoritaires.

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Des protections des patients caduques en contexte épidémique :


Plusieurs lois et conventions internationales ont été établies pour protéger les droits des citoyens et patients concernant les applications de la biologie et de la médecine, mais le contexte épidémique et l’état d’urgence permettent de passer outre leurs principes.

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Par exemple, la loi Kouchner de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ou encore les Principes et le Code de Nuremberg sur les expérimentations médicales permettent de protéger les droits des patients, notamment celui de ne pas recevoir de traitements médicaux sans consentement libre et éclairé.

Le Code de Nuremberg, qui encadre de dix principes les expérimentations médicales, énonce notamment que « le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel », c’est-à-dire que « la personne concernée doit [être] placée en situation d’exercer un libre pouvoir de choix, [sans] formes sournoises de contrainte ou de coercition ».

La Convention d’Oviedo (en vigueur dans 29 pays de l’Union européenne), elle, part du principe que « l’intérêt de l’être humain prévaut sur l’intérêt de la science » et précise que « toute personne doit avoir donné son consentement éclairé avant de subir une intervention, sauf en cas d’urgence ».

Oui mais voilà : d'une part le Code de Nuremberg (déjà intégré à notre droit positif notamment via la loi Kouchner de 2002) porte spécifiquement sur les expérimentations médicales et, à strictement parler, des vaccins en phase 3 ayant reçu une AMM (même conditionnelle) se relèvent probablement plus, juridiquement parlant, d'une expérimentation

D'autre part et surtout, en cas de nécessité de santé publique, un gouvernement peut décider de rendre un vaccin obligatoire et ainsi déroger à des principes comme ceux de la Convention d’Oviedo. Ce fut par exemple le cas en décembre 2017, lorsque le gouvernement français a décidé d’une extension de l’obligation vaccinale chez les enfants, décision justifiée en 2019 par le Conseil d’État (suite à une requête de la Ligue nationale pour la liberté des vaccinations) en ces termes :  « L’obligation vaccinale [est] justifiée par les besoins de la protection de la santé publique et proportionnée au but poursuivi. ».

Concernant le Covid, une récente résolution du Conseil de l’Europe, adoptée le 27 janvier 2021, (“Vaccins contre la Covid-19: considérations éthiques, juridiques et pratiques”), invite ses États membres, dont la France, à « s'assurer que les citoyens et citoyennes sont informés que la vaccination n'est PAS obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner, s'il ou elle ne souhaite pas le faire personnellement » et à veiller à ce que personne ne soit « victime de discrimination pour ne pas avoir été vacciné, en raison de risques potentiels pour la santé ou pour ne pas vouloir se faire vacciner ». Des résolutions qui ne consistent toutefois qu’en un engagement politique et qui n’ont pas de valeur juridique.

 

Comment « consentir » en l’absence de preuves solides et indépendantes ?

Pour le « simple citoyen », dès qu’il est question de sujets de santé complexes et techniques, il n’y a souvent pas d’autre choix que de s’en remettre à l’expertise médicale c’est-à-dire, d’une certaine manière, de déléguer son consentement éclairé. Cette crise du Covid ne fait pas exception. Mais les nombreuses polémiques médicales qui l’ont ponctué ont mis en lumière le besoin de transparence et de confiance en la parole publique.

De nombreux citoyens se questionnent légitimement : comment peut-on garantir une innocuité à long terme alors même que les vaccins n’ont pas un an de tests ? Comment peut-on être si sûrs de l’efficacité des vaccins sur la simple lecture d’études produites par les industriels eux-mêmes (et non publiées en intégralité sous couvert de secret industriel) ?

Ces interrogations sont également portées par des médecins et professionnels de santé. Pourtant, au lieu de faire l’objet d’un véritable débat démocratique, elles sont régulièrement balayées d’un revers de main paternaliste. Comme si, sous couvert d'urgence, l’on pouvait faire fi de certaines évidences irréfutables :

Certains observateurs de haut vol comme le professeur Peter Doshi, rédacteur en chef adjoint du célèbre British Medical Journal et son collègue le professeur David Healy brisent le tabou et prennent la parole publiquement. À la question : « Les docteurs doivent-ils recommander des traitements et vaccins quand les données brutes des études ne sont pas rendues publiques ? » ils répondent clairement non. Pour eux, si les médecins veulent conserver la confiance du public, ils ne devraient pas « affirmer » que les vaccins anti-Covid-19 sont « fondés sur la science [...] sans une transparence totale des données ». Ils insistent, la transparence des données est le seul moyen de « construire les bases d'une information en laquelle nous pouvons avoir confiance », le contexte de pandémie n’excuse rien et « le secret des données entraîne une prise de risque que l’on ne peut se permettre ».

 

Ségrégation des non vaccinés, passeport vaccinal… un consentement de moins en moins libre :


À la mi-janvier, un sondage IFOP Le Parisien indiquait que 50 % des Français sont pour l’instauration d’un « passeport vaccinal » pour accéder aux transports en commun, à son lieu de travail, aux collèges et lycées ou aux cinémas et salles de spectacle. 62 % seraient pour l’idée d’un passeport vaccinal en cas de voyage en avion pour se rendre l’étranger, un dispositif dont les modalités sont déjà à l'étude au sein de l'Association internationale du transport aérien. Au sein de l'Union Européenne le sujet divise. En France, Emmanuel Macron refuse l'idée d'un passeport vaccinal mais pourrait pencher en faveur d'un « pass sanitaire » uniquement valable dans le pays pour réserver l'accès à certains lieux comme les commerces ou restaurants. D'autres pays y sont en revanche favorables comme l’Espagne qui indique vouloir tenir un registre des personnes non vaccinées et le Premier ministre grec qui a appelé l’Union européenne à instaurer un « certificat de vaccination européen » afin, notamment, de relancer l’économie et le tourisme. Face à ces pressions, la présidente de la Commission européenne a préparé un projet de loi visant à introduire un laissez-passer à l'échelle de l'UE qui indiquerait siv ous êtes vacciné, guéri ou testé négatif. Ce projet qui porte le nom de « Digital Green Pass » sera présenté en détails le 17 mars lors d'une réunion au Parlement européen et aurait pour but de favoriser "une circulation sûre et libre dans l'UE" dans l'idée de permettre aux échanges économiques ettouristiques de reprendre. Suite à sa présentation le 17 mars, ce projet de « Digital Green Pass » fera l'objet de trois mois de tractations interne et de travail avant de potentiellement voir le jour à l'été 2021.

De leur côté, des pays comme la la Suède et le Danemark comptent également lancer ce type de dispositif d'ici quelques mois. Enfin, hors Europe, les Etats-Unis réfléchissent à ce projet. La Chine, elle, a lancé le 15 mars son « certificat de santé pour les voyages internationaux », une application mobile non obligatoire qui propose aux voyageurs étrangers de notifier un test PCR récent ou une vaccination.

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L’OMS a beau clamer haut et fort qu’elle n’est pas favorable à ces mesures en rappelant qu’« il existe encore des inconnues critiques concernant l'efficacité de la vaccination pour réduire la transmission », face aux pressions économiques des organismes comme la Commission européenne persistent à se dire favorables à des telles mesures.

Comme un refrain de plus en plus entêtant, l’idée d’instaurer des contraintes aux non vaccinés par le biais d’un passeport vaccinal ou d’une forme de fichage continue de se diffuser, y compris en France où le Conseil économique, social et environnemental lançait le 17 février une consultation citoyenne sur le sujet. Las des nombreuses restrictions des libertés, les citoyens semblent se montrer de plus en plus favorables à ces mesures d’hypothétique ségrégation sociale des futurs non vaccinés. Mais cette perspective de libertés sociales à géométrie variable en fonction du statut vaccinal pose une réelle question éthique : les futurs vaccinés auront-ils réellement consenti à l’acte médical, ou juste cédé à la pression sociale croissante ?

 

Quand spécialistes du marketing, et think-tanks proches de l’industrie s’en mêlent :

Pendant ce temps-là, dans la même veine, des publications étonnantes s’interrogent sur la façon d’influencer les foules à se faire vacciner. Pour exemple, cet article publié début janvier dans le New England Journal of Medicine où une experte en marketing explique comment utiliser les techniques issues du commerce pour « vendre » le vaccin aux réticentsInterviewée dans la revue Science, la spécialiste explique comment elle prône l’utilisation des neurosciences pour influencer le consentement des vaccino-sceptiques ou hésitants. Elle évoque, par exemple, l’idée de jouer avec notre instinct grégaire en distinguant les vaccinés des non vaccinés par un bracelet bien visible ou un pin’s qui donneraient envie aux hésitants de rejoindre le camp des vaccinés, pour faire partie d’un groupe désigné comme enviable. Au-delà de cette stratégie misant sur la stigmatisation pour obtenir le consentement, on note une multiplication des études visant à comprendre les ressorts psychologiques, moraux et comportementaux des vaccino-hésitants pour tenter de les convaincre, non par l’usage d’arguments factuels, mais par le biais de tactiques de nature communicationnelles ou émotionnelles. Cette pente psychologisante se retrouve jusque dans les recommandations de groupes consultatifs de l’OMS.

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Partie prenante de cette tendance globale, certains think tanks comme VLS (Vaccination et lien social) produisent des rapports visant à réfléchir sur la façon d’influencer favorablement le consentement des citoyens à la vaccination. VLS se présente comme un groupe de travail qui a pour vocation de « rendre plus visible une information véridique sur les vaccins » et « optimiser la recherche d’informations sur les personnalités qui vivent de “l’intox” sur les vaccins ». Son co-fondateur, le médecin Olivier Mariotte, a commencé sa carrière dans des fonctions marketing chez Servier, puis au sein du groupe publicitaire Havas. Le think tank propose régulièrement des analyses sur le sujet. Pour exemple, en décembre dernier, le colloque « Désinformation, relativisme : (re)construire la confiance en santé » se proposait de « trouver des solutions face à la désinformation en santé dans ce contexte de crise sanitaire », le tout en invitant des participants travaillant pour des structures comme Open Rome qui sont en liens étroits avec des fabricants de vaccins comme Pfizer, Novartis ou encore Roche.

 

Médias, Gafam, autorités médicales : un musellement organisé des voix dissonantes :

Paradoxalement, alors que les Français s’intéressent comme jamais auparavant aux questions de santé, on constate que de plus en plus d’efforts sont faits pour contrôler l’espace des débats et faire taire les opinions dissidentes et ce, particulièrement sur la question des vaccins. Pourtant, si la lutte contre la désinformation est tout à fait légitimeil y a un monde entre lutter contre ces dernières et évincer systématiquement toute personne qui se questionne sur le vaccin anti-Covid. D’ailleurs, non seulement cette forme de censure médiatique ne convainc pas les hésitants mais elle freine le consentement éclairé : en effet, comment s’informer sans réel discours contradictoire ?

Face à la masse d'informations sur le Covid, les médias grand public se positionnent comme garde-barrière et filtres « de la vraie information », notamment à grand renfort de fact-checking. Pour autant, durant cette crise du Covid, ils ont produit peu de réelles contre-expertises et laissé peu de place aux questionnements ou aux critiques envers le discours des autorités sanitaires. Ainsi, en décembre dernier, alors que plus de la moitié des Français n’envisagent pas de se faire vacciner, la majorité des médias persistent à ignorer ou caricaturer ces questionnements. Une pression insidieuse que certains intellectuels, comme l’écrivain Jean-Paul Pelras, ont dénoncée en rédigeant une lettre à certains journalistes pour demander : « A-t-on encore “le droit” de ne pas vouloir se faire vacciner ? » dénonçant la rhétorique accusatrice qui fleurit « et les journalistes qui chargent sans discernement ceux qui s'interrogent avant d'accepter ».

Sans relais dans la presse généraliste, les discours critiques trouvent refuge sur les réseaux sociaux, également restreints dans leur liberté de parole via des algorithmes et systèmes de modération visant à limiter la portée des fausses informations (comme le « Code of Practice on Disinformation », loi européenne de 2018 qui confie aux Gafam la lutte contre les fake news). Si l’on peut comprendre la légitime lutte contre la désinformation, comment justifier de laisser les rênes du débat public aux mains de multinationales privées chargées de filtrer la bonne parole ? Comment justifier l’éviction de certains sites par les moteurs de recherche sous prétexte qu’ils ont osé questionner le vaccin anti-Covid ? En démocratie, comment prétendre respecter le droit des citoyens à s’informer dans un tel contexte ?

Ce bâillonnement des voix dissidentes qui s’opère au nom d’une lutte contre des opinions infondées (opposées à la vérité scientifique) devient difficile à justifier quand ce sont des médecins eux-mêmes que l’on empêche de parler. À l’image de ce décret controversé qui prétendait contrôler la parole des médecins sur le Covid-19 ou encore de ce collectif de médecins qui demande la création d’un conseil scientifique indépendant.

Pourtant, certains scientifiques le rappellent, nous ne devrions pas craindre ce débat public et les « débats bruyants et désordonnés » qui font au contraire « progresser la science et conduisent à des décisions qui nous profitent à tous ».

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