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Et ils ont fermé des lits !

Cela semble fou. Entre le premier et le deuxième confinement, la politique de fermeture de lits d’hôpitaux n’a pas cessé. Pire, elle s’est accentuée. Entre des lits fermés, les effets du numerus clausus qui conduisent à ce que la France compte la population de médecins la plus vieille d’Europe et une des moins nombreuses, il est peu étonnant qu’une crise sanitaire engorge nos hôpitaux.

Jean-Baptiste Talmont

La lecture édifiante d’un article paru le 29 octobre sur le site Bastamag.net* a de quoi laisser pantois. On aurait certainement pu croire que la première vague du Covid-19, ayant entraîné un premier confinement, aurait poussé les différentes directions sanitaires (agences régionales de la santé, directions hospitalières) à tout mettre en oeuvre pour que cesse la politique de fermeture des lits d’hôpitaux. Non seulement elles n’ont pas su taper du poing sur la table pour que s’arrête cette politique qui prime depuis des années, mais qui plus est, elle perdure. Ce que révèle le site indépendant, c’est qu’en pleine pandémie, une petite quinzaine d’hôpitaux vont ou ont fermé des lits et perdront ainsi des places d’hospitalisation.

Moins 70 000 places d’hospitalisation

Septembre 2020, le CHU de Besançon annonce la suppression d’un service entier de soins de suite et de réadaptation (28 lits). Autre exemple cité, outre un hôpital ­psychiatrique à Lyon où trois unités ­d’hospitalisation ont été fermées pour libérer du personnel, on apprend que le CHU de Clermont-Ferrand ferme également des lits. On peut ainsi lire que : « Des chambres du service de cardiologie ont été transformées en chambres pour les malades du Covid», dont acte. Mais « des chambres de deux lits sont devenues alors des chambres d’un seul lit. Et nous ne sommes pas encore repassés à deux lits. Nous avons aussi perdu des lits dans le service d’endocrinologie, 28 lits d’hospitalisation complète ont été transformés en hospitalisation de jour », dixit un aide-soignant dudit CHU et délégué de la CGT. Pire encore, le CHU de Nancy doit voir la suppression de 174 lits d’ici à 2024, et à Nantes, c’est une centaine de lits qui ont été fermés depuis le début de la crise sanitaire. En mai, des députés du Grand Est, région fortement frappée par le Covid-19, s’alarmaient du projet de l’ARS du Grand Est de fermer 20 lits. Et depuis mars, date du premier confinement, la tendance est à la fermeture des lits d’hospitalisation. La carte est à consulter librement sur le site Bastamag.net ! Et le site égrène une liste de chiffres tels que 3 400 lits supprimés en 2019, 4 000 en 2018. Cessons là la litanie : entre 2007 et 2017, ce sont près de 70 000 places d’hospitalisation qui ont disparu. Il n’en fallait pas moins pour que le ministre de la Santé, Oliver Véran, tape du poing, en affirmant solennellement le 9 octobre, qu’il fallait sortir de ce dogme de la fermeture de lits. En grande pompe, le ministre annonça qu’une enveloppe budgétaire de 50 millions d’euros serait débloquée pour créer… 4 000 lits. Le 28 octobre, toute la France était reconfinée.

Numerus clausus et quotas

Il n’y a certainement pas que cette politique de fermeture de lits d’hôpitaux qu’il faudrait mettre en exergue. Ajoutons le numerus clausus fixé sous le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing. L’idée géniale était que pour limiter les prescriptions il n’y avait qu’à baisser le nombre de prescripteurs. Une bonne quarantaine d’années et quelques déserts médicaux plus tard on découvre qu’il n’y a plus assez de médecins en France. Selon les chiffres de l’OCDE, la France a 3,2 médecins en exercice pour 1 000 habitants, loin derrière la Norvège (10,2), des Pays-Bas (9,9), du Royaume-Uni (9,8), et même de la Grèce (6,1) ou du Portugal avec cinq médecins en exercice pour 1 000 habitants et qu’ils sont en moyenne plus âgés que les voisins européens. Ajoutons des réanimations de personnes âgées que l’on n’aurait pas pratiqué auparavant, et peut-être que nous pouvons relativiser ici le poids de la culpabilité que le gouvernement fait peser sur la population sur le deuxième confinement que nous vivons.

 

*Bastamag!, le 29 octobre 2020.

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