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Covid-19 : qu’attendre de l’immunité dans le flou actuel ?

Devant l’incertitude que suscite l’augmentation du nombre de "cas positifs" (pour une lecture critique de cette notion voir ici), certains comptent sur un hypothétique vaccin, d’autres sur l’immunité, en particulier l’immunité de groupe. Que pouvons-nous espérer de nos défenses immunitaires spécifiques contre le coronavirus ?

Jean-Pierre Giess

Le concept d’immunité collective

On entendait beaucoup parler, au printemps, d’immunité collective comme rempart possible contre le coronavirus. Ce concept consiste en un seuil théorique et contesté au-delà duquel un pourcentage suffisant de la population a été en contact avec le virus et a acquis une immunité, de telle sorte qu’une personne nouvellement infectée ne puisse plus être un vecteur de dissémination massive ‒ la majorité des sujets étant protégés par leurs anticorps. Le taux d'infection actuel estimé étant faible (5,4 % selon Santé publique France), une partie des acteurs de la santé publique et de la population, voient dans une éventuelle future campagne de vaccination (dont l'efficacité et l'innocuité restent à tout le moins une gageure) le moyen le plus certain d'atteindre ladite immunité collective. Mais avec la progression des cas positifs, corrélée à l’intensification du dépistage, bien malin qui peut dire quel est le pourcentage réel de la population qui a réellement été en contact avec le virus ou pas. Plus flou encore, quelle proportion de ce public dispose d’une immunité au SRAS-Cov-2, et que disent les recherches sur sa durée ?

Une immunité humorale rapide et courte…

Les scientifiques craignaient d’abord une immunité inexistante, mais avec le recul, on sait maintenant que plus de 90 % des sujets ayant présenté des symptômes de Covid-19 produisent des anticorps de type immunoglobulines, détectables environ deux semaines après l'infection initiale. Plusieurs recherches reposant sur des individus ayant développé modérément le Covid-19 puis bien récupéré, révèlent qu’ils possèdent des niveaux souvent élevés d’anticorps spécifiques de type immunoglobulines. Il semble que la quantité d’anticorps soit proportionnelle à l’intensité des symptômes. Bien que, par la suite, les anticorps baissent rapidement, cette immunité qualifiée d’humorale a une persistance assez fluctuante selon les études, dans une fourchette de deux à quatre mois au minimum, et au-delà chez certains sujets. Une durée qui se rapproche globalement de celle des coronavirus des rhumes, et qui fait dire aux spécialistes que des réinfections sont à craindre dans le cas d’une reprise de l’épidémie, comme pour les rhumes ou la grippe saisonnière.

mais une immunité cellulaire possiblement à plus long terme

Le système immunitaire offre un second niveau de protection grâce aux lymphocytes B à mémoire et aux lymphocytes T. Ces cellules sont capables de reconnaître un pathogène auquel elles ont déjà été confrontées. Les lymphocytes B produisent alors des anticorps spécifiques contre lui, tandis que les lymphocytes T les éliminent directement (ils sont dits cytotoxiques). Une étude récente en phase de preprint a détecté des lymphocytes B capables de produire des anticorps neutralisants spécifiques au SRAS-Cov-2 chez des individus ayant récupéré de formes modérées de Covid-19. Tout porte à croire que les lymphocytes T sont eux aussi mobilisés dans la réponse au coronavirus. Un article de la revue Nature relate une étude qui s’est attachée à évaluer la réponse immunitaire de 36 patients ayant guéri du Covid-19. Celle-ci a trouvé des lymphocytes T spécifiques au coronavirus chez la totalité des participants. Une tendance confirmée par une autre étude du Karolinska Institut en Suède auprès d’un public ayant connu un épisode modéré de Covid, asymptomatique ou seulement une exposition à des membres infectés de la famille ; les niveaux de lymphocytes T réagissant au coronavirus étaient significativement plus élevés que les immunoglobulines IgG sérologiques.

Une immunité croisée avec d’autre coronavirus est également probable, d’après plusieurs investigations qui ont détecté des lymphocytes T réagissant au SRAS-Cov-2 chez des sujets n’ayant pas été exposés à ce virus. Enfin, les connaissances relatives à d’autres virus confèrent un certain optimisme quant à la persistance de cette immunité cellulaire ; des lymphocytes T contre le premier SRAS (2000/2001) ont, par exemple, été retrouvés dix-sept ans après l’infection et se sont révélés partiellement efficaces pour prévenir une réinfection chez la souris.

Pour conclure, momentanément…

Certaines données sont donc plutôt encourageantes, et font d’ailleurs dire à un trio de scientifiques britanniques, dans une tribune publiée par le British Medical Journal, que la part de la population possédant d’ores et déjà une immunité contre le SRAS-Cov-2 est sans doute plus importante que le suggèrent les tests, notamment sérologiques, si bien que nous serions plus proches d’une forme d'immunité collective que ce qui est admis à ce jour. En attendant, nous pouvons chacun à titre individuel faire notre possible pour renforcer nos défenses immunitaires. Nous en aurons peut-être bien besoin ces prochains mois…

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Sources

 

« Functionnal Sars-Cov-2-specific immune memory persists after mild Covid-19 », preprint par University of Washington, Seattle, août 2020.

« Immunité(s) contre le SARS-CoV-2 : votre thriller de l’été », juillet 2020, Vidal.

« What the immune response to the coronavirus says about the prospect for a vaccine », dans Nature, 17 août 2020.

« Robust T cell immunity in convalescent individuals with asymptomatic or mild Covid-19 », dans Cell, août 2020.

« Are we underestimating seroprevalence of Sars-Cov-2 ? », dans British Medical Journal, septembre 2020.

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