Méthodes vidéos

Hypnose et olfactothérapie : une approche thérapeutique originale proposée dans un service de cancérologie

Offrir des séances mixtes d’hypnose et d’olfactothérapie, c’est le pari innovant de la Clinique mutualiste de l’Estuaire, à Saint-Nazaire (44). Une dizaine d’infirmières, médecins et pharmaciens participent à ce programme. Depuis novembre dernier, la clinique propose à ses patients atteints de cancer des séances sur mesure.

Caroline Pelé

C’est une petite mallette bien anodine et pourtant, depuis trois mois, l’air de rien, elle change peu à peu le quotidien des patients et des soignants en cancérologie de la Clinique mutualiste de l’Estuaire à Saint-Nazaire. À l’intérieur, quatorze petites fioles d’huiles essentielles : lavande vraie, camomille noble, pin sylvestre, bergamote, kunzea, angélique, verveine odorante, mandarine verte… « Ces essences ont été soigneusement choisies lors de la formation en aromathérapie dont nous avons bénéficié, pour leurs propriétés pharmacologiques et leur absence d’interactions néfastes avec les traitements de nos patients », explique Céline Le Noc, cadre infirmière du service oncologie.

Écartées donc les huiles essentielles aux actions hormonales comme la sauge sclarée (aux effets ostrogéniques) ou celles contenant des cétones comme le romarin CT camphre. Marion Derez, médecin généraliste au sein de l’établissement précise : « La formatrice nous a démontré l’effet des principes actifs des huiles essentielles, preuves scientifiques à l’appui. J’ai découvert un autre univers très intéressant et qui pourrait permettre d’apporter d’autres réponses là où nous sommes un peu démunis avec l’allopathie ».

Des protocoles innovants

Quatre protocoles simples ont été élaborés en interne avec des pharmaciens et des médecins de la clinique pour que tous les soignants puissent les proposer aux malades en toute sécurité. Des protocoles validés par le comité du médicament, interne à l’établissement. Les essences de plantes sont utilisées uniquement en olfaction grâce à des diffuseurs dans les chambres, ou à l’aide de petits sticks d’inhalation individuels. Pour les nausées et vomissements, les patients ont le choix entre huile essentielle de citron ou de menthe poivrée. En cas d’insomnie, ce sera plutôt orange douce ou petit grain bigarade alors que l’anxiété peut être canalisée grâce à l’épinette noire ou à la bergamote. Enfin, concernant les mauvaises odeurs souvent incommodantes en cancérologie, le citron ou l’orange douce sont préconisées.

Pour son nouveau programme de soins de supports, la Clinique de l’Estuaire va même plus loin encore dans l’innovation en combinant aromathérapie et séances d’hypnose, une alliance thérapeutique encore peu répandue. Émilie Fouilleul, une infirmière du service cancérologie, a initié ce projet avec l’aide de Céline Le Noc : « J’ai passé un diplôme universitaire d’hypnose et je souhaitais que nous ayons un vrai temps d’écoute dédié à nos patients. Nous avons monté ce projet et 10 personnes de la clinique ont été formées aussi bien à l’aromathérapie qu’à l’hypnose. Je pratique à présent des séances d’hypnose en utilisant les huiles essentielles pour renforcer les effets demandés par les patients, et ça fonctionne très bien ! Leur faire choisir une odeur agréable en début de séance crée un vrai lien ». À présent, chaque vendredi, comme Émilie, elles sont quatre infirmières à tourner sur le planning pour proposer des séances aux patients.

[lireaussi:5870]

Du côté des patients

Curieuse de nature, Tiffel, 54 ans, a tenté l’expérience pour l’aider à faire face à son cancer rectal : « J’ai choisi une huile essentielle d’épinette noire, l’infirmière m’a posé des lunettes olfactives imprégnées de cette odeur. Je suis partie en hypnose pour une balade à cheval ; à la fin, je me suis mise à pleurer, libérée d’un grand poids. Je suis repartie avec un stick d’inhalation que j’ai mis dans mon sac. C’est devenu un réflexe, je le respire pour désamorcer la douleur. Ça m’a beaucoup apporté et j’ai refait plusieurs séances ensuite ».

Les demandes portent souvent sur des problèmes d’anxiété et de nausées liées à la maladie : « En tant qu’infirmière, je vois vraiment les bienfaits des séances combinées d’hypnose et d’aromathérapie , constate Émilie Fouilleul . Les gens sont ensuite plus calmes, plus sereins, avec des outils efficaces pour gérer eux-mêmes les effets indésirables de leurs traitements ».

La cinquantaine pétillante, Françoise a voulu elle aussi expérimenter ce nouveau type de soins : « C’est incroyable comme ça m’aide pour mes traitements contre le cancer du sein. J’ai choisi le citron pour lutter contre les nausées. Le travail que j’ai associé à cette odeur en hypnose m’a évité de prendre des médicaments chimiques en plus. Après, j’ai changé d’huile essentielle car je crois que j’ai trop associé le citron à la chimio alors quand je le sentais à l’extérieur, ça me déclenchait des nausées. » Françoise en a parlé à son infirmière Émilie qui veille à ajuster les protocoles au fur et à mesure des séances : « Chacun choisit l’huile essentielle qui lui correspond et peut en changer, c’est une règle très importante pour que je puisse m’adapter à l’évolution personnelle de chacun. D’autant que la chimiothérapie modifie beaucoup la perception des odeurs ». Pour Françoise, ces séances sont un vrai soutien : « Aujourd’hui, je sens à quel point elles me permettent de retrouver de l’énergie. Et penser pendant quelques minutes à autre chose que la maladie, quel soulagement ! ».

Des enseignements à tirer

Afin d’accompagner au mieux chacun de ses patients, Émilie n’hésite pas à faire appel à Alexia Blondel, la spécialiste en aromathérapie qui les a formés. Pour cette dernière, le suivi pédagogique est essentiel surtout dans les premiers mois de mise en place : « Quand on fait des séances mêlant hypnose, relaxation et huiles essentielles, c’est une expérience de vie unique. Ce n’est pas un protocole lambda d’aromathérapie, c’est une rencontre entre une personne et une plante, avec les personnalités de chacune. Cette huile essentielle nous transmet des informations importantes pour notre système nerveux au-delà de son odeur. D’où la nécessité de prendre en compte la réaction de chaque patient par rapport à la plante qu’il choisit ».

[lireaussi:5871]

Au-delà de cet espace d’évasion bienvenue, ce type de soins pourrait agir sur la consommation de médicaments antistress, espère le Dr Derez : « Nous n’avons pas encore assez de recul pour le moment, mais nous avons bon espoir que ça aide les patients à stabiliser leur prise d’anxiolytiques ». La clinique proposait déjà des soins supports de bien-être en acupuncture, massage et esthétiques. Cette offre supplémentaire, innovante, accompagne des patients de plus en plus attirés par des thérapies alternatives, surtout lorsqu’ils sont confrontés à la maladie, analyse Céline Le Noc : « Nous avons des personnes qui nous demandent régulièrement d’être soignés par des médecines naturelles avant de faire des traitements chimiques. Nous former à l’aromathérapie est une manière sécurisante et professionnelle de pouvoir leur répondre sur les possibilités et les limites des principes actifs des plantes ».

À présent, lorsque les équipes soignantes se retrouvent pour échanger sur leurs journées, souvent difficiles, des effluves de bergamote ou d’orange douce baignent l’atmosphère.

Certes, il faudra plusieurs mois pour tirer des enseignements de ce programme de soins expérimentant hypnose et olfactothérapie. Une initiative ponctuelle qui pourrait inspirer d’autres centres de santé, même si elle nécessite des moyens pour la déployer. Pas évident dans le contexte ultra-tendu des milieux hospitaliers français, et pourtant ces soins alternatifs sont aussi bénéfiques pour les patients que pour leurs soignants.

En savoir plus