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"Je ne suis pas inquiet, l’homéopathie survivra", Albert-Claude Quemoun

Pharmacien et ancien directeur de laboratoire, président de l'Institut homéopathique scientifique (IHS) et auteur de nombreux livres de référence, Albert-Claude Quemoun a passé sa vie à soutenir et promouvoir l’homéopathie. Il revient sur la polémique actuelle concernant cette médecine, dont la recherche finira, selon lui, par démontrer toute l’efficacité.

François Lehn

Comment appréhendez-vous la polémique actuelle et les attaques contre l’homéopathie ?

Cette polémique dure depuis deux cents ans ! À l’époque, le Dr Samuel Hahnemann, fondateur de l’homéopathie, a déménagé dix fois en Allemagne ; il était déjà très décrié. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est venu vivre et travailler en France. À sa mort, il a été enterré au cimetière du Père-Lachaise.

Les raisons qui motivent ces attaques sont-elles scientifiques ?

Le nœud du problème repose toujours sur le même point : la quantité de principes actifs est insuffisante aux yeux des détracteurs pour qu’il puisse y avoir un effet thérapeutique. Or c’est justement tout le génie d’Hahnemann d’avoir compris que l’on pouvait avoir une action physiologique et thérapeutique en diminuant les doses jusqu’à l’infinitésimal, et surtout en dynamisant le médicament produit. De plus, homéopathie provient des mots grecs homoios, qui signifie semblable, et pathos, qui veut dire maladie. C’est l’un principe de cette médecine : les semblables sont guéris par les semblables. À l’époque d’Hahnemann, on traitait certaines maladies comme la syphilis avec du mercure, qui est le seul métal liquide à température ambiante. Étrangement, les symptômes de l’intoxication au mercure sont les mêmes que ceux des derniers stades de la syphilis. Il est donc apparu aux premiers homéopathes qu’en réduisant au maximum la dose de mercure, ils pourraient soigner la syphilis, selon cette loi de similitude. Une tette notion froisse certains savants.

Il existe pour autant des arguments scientifiques en faveur de l’homéopathie…

En 1985, pour ma thèse de recherche en homéopathie sur le confort des personnes souffrant de la maladie de Parkinson, en collaboration avec l’Inserm, j’ai eu un prix. Ces travaux ont été acceptés par la Faculté de médecine et de pharmacie. Mais pas par l’Académie des sciences, au motif que les doses des médicaments homéopathiques que j’utilisais étaient infimes. En novembre 2018, je suis allé faire une conférence à Moscou. L’Académie des sciences russe a voulu me connaître et en savoir plus sur mes travaux de l’époque… qu’elle a approuvés.

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À force de coups de boutoir, ne craignez-vous pas que cette médecine ne s’effondre ?

Il y a quelques décennies, on a assisté au déremboursement de la phytothérapie, et aujourd’hui, elle n’a jamais aussi bien marché ! En 1999, avec la vache folle, on a interdit les isothérapies, c’est-à-dire l’utilisation de substances humaines pour faire ses propres médicaments homéopathiques. Lorsque je suis allé à l’Afssaps [actuelle Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ndlr] pour défendre ce procédé, ils m’ont dit que ce n’était pas industrialisable. Or les isothérapies étaient des solutions thérapeutiques qui fonctionnaient très bien. Il suffisait de récolter un peu de la substance pathogène (acné, sécrétion d’une plaie infectée, salive, etc.), de la diluer selon les principes classiques de fabrication des médicaments homéopathiques et de se l’administrer pour se soigner. Les isothérapies étaient un parfait exemple de la loi des semblables : à partir des substances pathogènes du sujet lui-même, on fabrique le médicament qui soigne sa pathologie. Cette décision a été une catastrophe, car on perdait un outil thérapeutique très intéressant. Donc pour moi, l’homéopathie est sinistrée depuis ce temps. On a également interdit les nosodes, c’est-à-dire des souches d’agents pathogènes qui nous permettaient de fabriquer des médicaments – un peu comme on fabrique un vaccin quand on a identifié la souche du virus. Cette interdiction, qui a amputé de nouveau pas mal d’initiatives, était un coup de plus contre l’homéopathie en vue de son affaiblissement.

Quelle est la position des autres pays ? Sont-ils hostiles envers l’homéopathie ?

L’homéopathie est bien vivante aujourd’hui, et l’Inde en est le premier pays utilisateur au monde. Il doit y avoir plus d’un million de médecins homéopathes là-bas ! Une telle vitalité tient à deux raisons : d’une part, dans le cursus des médecins indiens, il y a deux voies possibles. Une conventionnelle, de type occidental, et une traditionnelle, enseignant l’ayurveda et l’homéopathie. D’autre part, la présence anglaise en Inde, historique, a permis l’importation de cette médecine. En Angleterre, on peut se faire soigner au Royal London Homoeopathic Hospital, centre de soins soutenu par la reine. L’Allemagne et la Suisse sont aussi des terres très vivantes pour l’homéopathie.

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Si cela va si bien ailleurs, pourquoi tant de haine en France ?

La France n’a pas compris la différence entre traiter une maladie et soigner un patient. En homéopathie, on ne traite pas une douleur, mais un sujet qui souffre. On doit avoir 200 médicaments différents contre la douleur… Un entretien avec un médecin homéopathe prend normalement du temps, car il doit faire le tour de son patient pour trouver le médicament qui lui correspond – à lui, à sa maladie et à sa douleur personnelle. De plus, les Académies n’acceptent pas les dilutions en dessous de la loi d’Avogadro, c’est-à-dire un médicament n’ayant pas de molécules chimiques quantifiables. Mais cela n’arrête pas la recherche. Je collabore depuis quelques années avec le prix Nobel de médecine Luc Montagnier sur des recherches relatives à la mémoire de l’eau, le principe physique même du fonctionnement de l’homéopathie.

Parlez-nous de cette piste. Sur quoi repose-t-elle ?

Les recherches portent sur des dilutions stérilisantes : aucune substance (bactérie, germe, virus) ne peut être détectée lorsqu’elle est passée à travers des filtres stérilisants. Cependant, quand on essaie de retrouver de l’ADN dans le filtrat, il y en a bien des traces… Avec certaines enzymes qui réagissent, on retrouve l’information du microbe ou du virus. Mais comment des enzymes peuvent-elles réagir à un filtrat qui ne contient rien ? L’idée est que, même s’il n’y a plus la molécule dans l’eau, sa présence a laissé une signature qui, elle, va agir comme si la molécule était encore là. Pour illustrer ce passage de la chimie à la physique, on peut évoquer la voiture : avant, pour l’ouvrir, il fallait une clé conforme à la serrure. Maintenant, avec un émetteur, on l’ouvre à distance. De même avant, une molécule agissait sur un récepteur, sur un plan pharmacologique purement mesurable et quantifiable. Maintenant, on s’intéresse à une longueur d’onde, qui correspond à un récepteur.

Certains disent que l’homéopathie, « ça ne marche pas », que les échecs sont nombreux avec cette thérapie…

Prenons cet exemple. Vous êtes attaqué par un lion : soit vous êtes paralysé par la peur – c’est le système parasympathique qui s’exprime –, soit vous courez le plus vite que vous pouvez – c’est le système sympathique qui s’impose. Les réactions adoptées sont fonction de chaque individu ; de son terrain, dirions-nous en homéopathie. Ainsi, on agit différemment selon les neuromédiateurs sécrétés, alors que le stimulus est le même pour tous. Au final, c’est toujours une question individuelle, non générale. Pour ma part, je ne suis pas pessimiste : l’homéopathie passe une nouvelle crise, peut-être due aux industriels qui veulent vendre leurs produits standardisés. Mais j’ai souvent en tête cet exemple fameux : la lutte contre le paludisme a connu un tournant quand les premiers Occidentaux ont traversé l’Amérique du Sud ; ils ont rencontré des Indiens qui soignaient cette infection en buvant l’eau d’une marre dans lequel flottait du bois de quinquina et en ont déduit que c’était quelque chose dans le bois du quinquina qui pouvait aider à lutter contre cette maladie. Or on ne pouvait pas breveter une matière naturelle… Il a fallu attendre 1941 pour que deux chimistes extraient du quinquina un alcaloïde, la quinine – cette substance, elle, était brevetable, et dont on a pu faire des médicaments contre le paludisme. On pourrait multiplier les exemples, avec le saule et l’acide salicylique dont on fait l’aspirine, etc. Ce qui est sûr, c’est que nous avons, homéopathes et allopathes, des objectifs différents. Il reste que nous devons continuer la recherche sur les modes de fonctionnement de l’homéopathie par les voies de la physique. Tant que l’on n’aura pas la connaissance parfaite de ce fonctionnement, elle pourra subir des attaques. Mais elle survivra.

 

Aller plus loin

- Albert-Claude Quemoun organise le 31ème Congrès international d'homéopathie à Paris le 22 et 23 juin 2019 sur le thème des pathologies infectieuses. Informations d'inscription et programme sur www.homeopathie-francaise.com

- Ma bible de l'homéopathie, Albert-Claude Quemoun et Sophie Pensa, éd. Leduc (réédition 2018)

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