Jeanne Le Borgne
La découverte de mon endométriose a été assez progressive. J’ai toujours eu des règles douloureuses, mais cela me semblait normal d’avoir mal. Et puis, comme beaucoup de filles, la pilule m’a été prescrite assez tôt pour faire face à l’acné. Celle-ci a fait disparaître pendant un moment mes symptômes de règles. Seulement, du jour au lendemain, elle a cessé de fonctionner. J’ai alors souffert de syndromes prémenstruels, qui progressivement se sont étendus sur des périodes de plus en plus longues, jusqu’à avoir mal tout le temps. Puis j’ai eu la fameuse « crise endométriose » que je décris dans le livre : une sorte de grosse contraction au niveau de l’utérus. Ma gynécologue a tout de suite suspecté la maladie et m’a redirigée vers un confrère spécialisé. J’ai fait une IRM, et le verdict est tombé. J’avais 16 ans. J’ai eu de la chance, car en moyenne une femme met environ sept ans à être diagnostiquée.
Le gynécologue a décidé de me placer en ménopause artificielle. J’ai donc pris une pilule en continu pour éviter d’avoir mes règles. Celles-ci, très douloureuses, participent au développement de l’endométriose. Bien sûr, j’ai dû tester plusieurs pilules avant de trouver celle qui me correspondait le mieux : sept au total, accompagnées d’effets indésirables… Pendant plus d’un an, j’ai souffert de rétention d’eau, de fringales terribles, de ballonnements, d’augmentation de ma pilosité, de baisses de moral et de bouffées de chaleur. J’ai également connu des douleurs à la poitrine avec une pilule qui provoquait en moi les symptômes hormonaux d’une femme enceinte. Parallèlement, plusieurs gynécologues m’ont prescrit des injections d’hormones [d’analogues de la Gn-RH, ndlr] que je n’ai pas supportées. Ce dernier « burn-out médicamenteux » m’a décidé à changer de méthode.
Toutes les personnes qui présentent une endométriose souffrent de fatigue chronique, puisqu’avant de trouver le bon traitement, nous sommes victimes de ménorragies [règles de durée et d’abondance anormales et excessives, ndlr], donc nous sommes anémiées. Et puis, les douleurs quotidiennes nous épuisent. Il est donc crucial d’avoir une bonne hygiène de vie et de s’imposer une routine pour regagner un peu d’énergie, malgré un cycle irrégulier.
C’était incroyable ! J’ai arrêté de ballonner – ce qui est quand même appréciable quand on se retrouve avec un ventre de femme enceinte après chaque repas. J’ai aussi constaté une baisse de mes douleurs et une amélioration de la qualité de mon sommeil. Avec cette nouvelle alimentation et les compléments alimentaires qui m’ont été prescrits, j’ai eu plus de force pour lutter contre l’endométriose.
Que ce soit les thérapies que vous citez ou encore le yoga, l’hypnose, l’auto-hypnose…, ces pratiques m’ont permis de « revenir » dans mon corps : être en ménopause artificielle à 19 ans n’est pas vraiment naturel, et on peut avoir le sentiment de ne plus vraiment être dans son corps. Des techniques de manipulation comme l’ostéopathie reconnectent à soi-même et font regagner un peu d’énergie. Les thérapies alternatives m’ont également donné du recul par rapport à ce qu’il m’arrive. Aussi étrange que cela puisse paraître, je ne me suis jamais considérée comme malade. La méditation m’a appris à accepter l’endométriose : j’en ai une, mais je n’en souffre pas. Certes, c’est douloureux, mais c’est juste une endométriose. Il faut dédramatiser la maladie, même si ses effets sont terribles.
Comme beaucoup de femmes, j’ai d’abord cherché à dissimuler aux autres mes maux, au risque de m’enfermer derrière un masque. Mais, inspirée par une proche atteinte de cancer, j’ai décidé « d’accepter ma maladie » pour utiliser mon énergie de manière plus productive. Pour moi, il y a deux façons de voir l’endométriose : soit comme un mur infranchissable, soit comme un obstacle forçant la personne qui en souffre à trouver en elle des ressources pour le surmonter. J’ai choisi la seconde option, consciente que j’avais ce qu’il fallait en moi. En mettant en place de petites choses toutes simples dans mon existence, j’ai progressivement réussi à franchir ce mur. Dans mon cas, l’endométriose s’est avérée être une maladie psychosomatique au sens où, à chaque fois que j’ai pris une bonne décision, ma douleur s’est atténuée. La maladie m’a obligée à m’arrêter et à faire un bilan de ma vie. Et, une fois que ce travail de développement personnel a été réalisé et que je me suis trouvée en alignement avec qui j’étais et avec ce que j’aimais, la maladie s’est calmée.
Étymologiquement, « guérir » signifie être soulagé ou recouvrer la santé. Dans ma vision des choses, on peut avoir une endométriose et en même temps recouvrer la santé, être soulagé. Certes, on ne sera pas guéri ou soulagé à 100 %, parce qu’il suffit d’un choc émotionnel pour raviver les douleurs. Mais disons que je suis en très bonne voie. Aujourd’hui, j’ai une pilule qui me convient et mes règles à chaque pleine lune. Grâce au travail mené, mes douleurs ont diminué de 80 % au quotidien, et je n’en ai quasiment plus aucune pendant mes règles – je reste cependant totalement épuisée pendant cette période. Entre le moment où j’ai fini d’écrire ce livre et maintenant, six mois se sont écoulés : je constate que dans cet intervalle, mon état s’est encore considérablement amélioré. C’est même le jour et la nuit par rapport au début. Le message que je veux faire passer est que je ne suis pas parfaite, et que si moi, en étant imparfaite, je peux le faire, tout le monde le peut !
Références
Comment s’épanouir malgré une endométriose, de Julie Saint-Clair, éd. Josette Lyon, 2018.
Comment guérir de l’endométriose, de Julie Saint-Clair, éd. Josette Lyon, 2019.