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Patrice Percie du Sert. L’air des ruches renforce l’immunité des asthmatiques

En 2013, à Kiev, Patrice Percie du Sert fait la rencontre d’un apiculteur qui fabrique des cabanes d’« api-sieste », où des personnes asthmatiques viennent respirer l’air contenu dans des ruches. Grâce aux recherches d’Yves Leconte à l’INRA, Patrice Percie du Sert découvre que les ruches contiennent des molécules dont le mécanisme agit comme un langage… que notre corps saurait décrypter. Il crée alors en Lot-et-Garonne le centre de balnéothérapie écologique Le Miel et l'Eau, un espace de bien-être et de soin qui fait profiter les curistes de l'air des ruches.

Lucile de la Reberdiere

Alternative Santé : Une ruche est un système complexe, doté de sa propre hiérarchie. Pour nous permettre de mesurer l’intelligence sanitaire d’une colonie, pouvez-vous nous rappeler comment la vie s’y organise ?

Patrice Percie du Sert : Dans une ruche, il y a une reine qui pond des œufs fécondés. Chaque œuf va donner naissance à une larve qui connaîtra deux stades au cours de sa vie : le stade larvaire et celui dit de l’insecte parfait. Dans la ruche, la larve est logée dans une alvéole où les ouvrières viennent lui apporter sa nourriture. Au bout d’un certain temps, ces dernières ferment l’alvéole, à l’intérieur de laquelle la larve va se constituer un petit cocon et devenir une abeille. Elle sortira en déchirant l’opercule, mais, ses muscles étant immatures, elle ne saura pas encore voler et aura besoin de beaucoup de protéines issues du pollen pour doubler son poids. Une abeille naît trois fois.

Au sein de cette organisation sociale, les larves semblent jouer un rôle particulier. Pouvez-vous détailler ?

Les larves émettent onze phéromones. Rappelons qu’une phéromone est un message chimique qui active un organe ou un comportement. Les larves sont dotées de cette faculté de communication chimique et se placent ainsi à la source des besoins de la colonie. Elles vont exprimer des besoins comme « aller chercher davantage de pollen ». Les ouvrières n’ont alors qu’une seule chose en tête : satisfaire cette demande. C’est la phéromone E-bêta-Ocimène qui commande spécifiquement la mission de récolte du pollen, jusqu’à la centupler. Les larves gouvernent littéralement le comportement des abeilles, selon un programme génétique de préservation et d’adaptation de l’espèce.

Parmi les phéromones sécrétées, le palmitate de méthyle possède une action que l’on retrouve dans certains végétaux. Laquelle ?

Les onze phéromones identifiées ont toutes une action sur le comportement des abeilles. Le palmitate de méthyle, qui tire son nom de l’acide gras qui le compose, procède à la fermeture de l’alvéole. Mais le plus intéressant avec cette phéromone, c’est qu’on en retrouve dans le basilic et le clou de girofle. Or, en médecine traditionnelle chinoise, le clou de girofle est utilisé pour soigner l’asthme et les migraines, une confirmation ancestrale de nos découvertes actuelles : le palmitate de méthyle d’une ruche peut soigner un terrain asthmatique ou migraineux.

Le palmitate de méthyle peut générer une réaction strictement organique chez l’humain ?

On sait que l’asthme se caractérise par l’inflammation et l’épaississement des tissus pulmonaires. L’expérience ukrainienne, conjuguée à la mienne, permet d’affirmer que, si le palmitate de méthyle modifie l’expression de certains gènes chez l’abeille, en l’occurrence en activant une commande de pollen, la substance, lorsqu’elle est inhalée par l’homme, peut moduler une réaction physique. Nous sommes ici dans l’épigénétique. Concrètement, l’hyper-méthylation de certains sites de l’ADN conduit à une inactivation des gènes concernés. Si l’inhibition de l’expression des gènes provoquant l’asthme se confirme, nous sommes peut-être face à un type d’action naturelle totalement innovant.

Pourquoi ?

Parce que l’asthme est aujourd’hui soigné uniquement par la voie pharmacologique. On sait calmer l’inflammation, mais on ne sait pas inhiber le phénomène. Il faut savoir que l’asthme est une pathologie qui s’auto-entretient. L’inflammation provoque une fragilisation des tissus qui, par nature, favorisera l’inflammation. Toutefois, si cette molécule de palmitate de méthyle empêche l’inflammation comme le ferait la cortisone, elle permet, en outre, de supprimer les séquelles de la pathologie et tend donc à renforcer l’immunité du patient.

Le nouveau programme peut-il s’engrammer sur plusieurs générations et supprimer la pathologie sur une lignée de sujets ?

Ce n’est pour le moment qu’une hypothèse, nous n’avons pas de preuve d’une disparition complète de la maladie. J’ai un confrère en Ukraine qui note que les personnes asthmatiques reviennent tous les 4 à 8 mois environ. Une rémanence de 4 à 8 mois, cela peut-il être autre chose qu’une modification de l’expression des gènes ? L’organisme est conçu pour éliminer les substances étrangères, les xénobiotiques. S’il s’agissait donc d’un effet pharmacologique, type cortisone ou alcaloïde, il cesserait et ne durerait pas plusieurs mois. À mon sens, c’est clairement un effet épigénétique. Au sein de notre centre, nous constatons par exemple qu’une à trois séances d’air des ruches par semaine permettent souvent de passer au-dessous du seuil de déclenchement de la pathologie.

Comment raisonne l’épigénétique ?

Le cordon d’ADN est enroulé autour d’une matière, nommée « histone ». On sait que lorsque l’on stresse un individu, il y a une rétractation du cordon de l’ADN. Certains gènes sont étouffés sous l’effet de cette pression ; ils ne peuvent alors plus s’exprimer. Il est possible que l’hyper-inflammation soit liée à un gène ou une famille de gènes qui ne peuvent plus s’exprimer et qui se répètent le long du cordon d’ADN. On sait aussi, par expérience, que la méthylation des histones empêche cette rétractation et permet à l’expression génétique de se poursuivre.

En cela, l’inhalation de l’air des ruches serait donc bien plus efficace que la Ventoline ?

Un traitement à base de palmitate de méthyle issu d’une ruche est beaucoup plus intéressant que la Ventoline, dans la mesure où il n’agit pas sur les symptômes, mais modifie le seuil à partir duquel ceux-ci se déclenchent. Cependant, la Ventoline sauve des millions de vies. L’idée n’est pas d’entrer en compétition avec les médicaments, il faut nuancer les apports des uns et des autres. Si l’air des ruches, grâce à des cures, permet de diminuer l’usage de ce type de médicament, c’est déjà très satisfaisant.

En pratique, comment avez-vous fait pour prélever et conduire l’air jusque dans des inhalateurs ?

Le dispositif s’appuie sur un constat naturel : comme un organisme vivant, une ruche aspire et rejette de l’air après usage. Quand on observe la capacité respiratoire d’un homme au repos et celle d’une ruche, on observe qu’il faut quatre ruches pour arriver au même débit respiratoire qu’un seul être humain. J’ai donc imaginé de pomper l’air sur deux ruches en été et quatre en fin de saison. Les cures ne sont possibles que durant la saison apicole qui s’étend de mi-mars à mi-octobre. J’ai pensé que l’idéal serait de prélever l’air qui est naturellement rejeté à l’extérieur de la ruche de manière à ne pas nuire aux abeilles. On aspire uniquement le surplus. Ensuite, pour éviter le stress causé par la vibration d’une VMC, j’ai installé des tuyaux entre le couvre-cadre des ruches et l’appareil à l’intérieur du bâtiment.

Le traitement à base d’air des ruches n’est pas transposable chez soi. Le traitement serait-il aussi efficace s’il était pratiqué à domicile ?

La prise de distance et le relâchement sont importants pour bénéficier des vertus des produits de la ruche. Notre lieu est volontairement excentré et offre, outre les installations thérapeutiques et les différents espaces de bien-être, du repos. Nous apportons aussi un volet conseil aux visiteurs qui le souhaitent. Je recommande aux asthmatiques d’utiliser l’Api-Air, un petit appareil qui va agir en complément des séances d’air des ruches, pendant la nuit. Il diffusera, au pied de votre table de nuit, la partie semi-volatile d’une propolis particulière.

Selon vous, l’avenir de l’apiculture réside-t-il dans la possibilité de soin qu’elle offre à l’humanité ?

Disons que nous avons beaucoup à apprendre d’elles. Nous sommes sur Terre depuis 4 ou 5 millions d’années tandis qu’elles y sont depuis 80 millions. Le développement de l’abeille a été très long et très sélectif. Elles ont connu le Sud-Ouest de la France désertique, à une époque où des lions et éléphants y évoluaient. Cette région a connu des écarts de température qui vont du climat actuel au sud d’Agadir à celui du Nord de l’Écosse. Elles ont évolué avec une bibliothèque génétique dont l’hyper-stockage de pollen par exemple est une adaptation type, destinée à anticiper les conditions désertiques. Elles possèdent une banque vitale de scénarios qui nous renseigne sur nos propres capacités d’adaptation. Et puis se soigner avec les abeilles, c’est les sauver dans le même temps.

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